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CRISE A L’ONATEL : La faute à l’Etat

Publié le lundi 1er décembre 2008 à 04h57min

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A la suite de cette analyse, L. Dahani, technicien supérieur en réseau informatique et télécoms parvient à la conclusion que la crise que vit l’Office national des télécommunications (ONATEL) depuis un certain temps est la faute de l’Etat burkinabè.

Alors que nous n’étions que de tout-petits pionniers au temps de la Révolution démocratique et populaire (RDP), nous répondions tous fièrement aux slogans révolutionnaires : « L’impérialisme, à bas ! » « Le capitalisme, à bas ! » Que signifiaient ces mots impérialisme, capitalisme pour nous à l’époque ? Nous ne le savions pas ! Nous n’avions aucune connaissance consciente de ces mots. L’essentiel étant pour nous de répondre en cœur : ‘’A bas’’. Plus de vingt ans après, je commence à faire une connaissance un peu plus consciente de ce qu’est le capitalisme.

La signature du contrat de cession de l’Onatel à des capitalistes, pardon à des investisseurs privés m’a beaucoup instruit sur ce qu’est le capitalisme. Devrons-nous aujourd’hui, pour la plupart des Burkinabè de l’époque qui ont condamné consciemment ou inconsciemment le « capitalisme » lui présenter nos excuses pour l’avoir mis à bas ? Je crois que oui ! D’ailleurs, à chacun des ‘’instants solennels’’ où l’Etat a signé des contrats de cession d’entreprises burkinabè à des privés, il a, d’une manière implicite, reconnu le tort de nombreux burkinabè commis à l’égard du « capitalisme ». Il a donc demandé ‘’pardon’’ au « capitalisme » pour nous tous ! Entrons donc fièrement dans la nouvelle ère économique libérale sans soucis ! Cependant, on a l’impression que notre Etat entre difficilement dans cette ère. Les privatisations mal réussies de certaines sociétés (X9, Sitarail…) en témoignent.

L’Etat, par sa structure qu’est la commission de privatisation, ne s’est pas assez instruit des causes des échecs et difficultés connus dans les privatisations passées. Et ainsi, on a privatisé l’Onatel sans aucune véritable étude prospective de l’Onatel dans le temps ! C’est là le véritable défaut de nous autres les ‘’Nègres’’. Alors que nos semblables les ‘’Blancs’’ projettent leur avenir et celle de leur société sur des siècles, nous, nous nous contentons de prévisions météorologiques ! Pour le cas de l’Onatel, qui ne savait pas que privatiser dans de telles conditions il y aurait des problèmes un jour ? Nos politiques auraient pu se rendre compte que le secteur des télécommunications est par excellence le domaine où les technologies évoluent très rapidement. Nos aînés qui ont transporté sur leurs épaules les poteaux téléphoniques à travers les brousses pour la construction des premières artères téléphoniques interurbaines ne savaient, pour la plupart, que faire des travaux physiques et manuels.

La commission de privatisation

Aujourd’hui, la technologie nous offre des lignes téléphoniques qui ne nécessitent pas une mobilisation de main-d’œuvre importante pour son déploiement. Grâce aux adresses IP (Internet Protocol), la majorité, sinon tous les équipements de télécommunications sont administrables à partir de n’importe quel point de la terre par la magie de la toile ou de la fibre optique ! Du coup, les opérateurs ne se voient plus obligés de maintenir des effectifs étoffés à certains postes de travail. Autant d’exemples !

Pourquoi l’Etat, par sa commission de privatisation n’a pas projeté l’Onatel dans le temps avant d’en arriver à sa privatisation ? Ce n’est pourtant pas la ressource qui a manqué : nous avons d’éminents spécialistes et ingénieurs en la matière qui auraient pu prévenir l’Etat et la commission de privatisation de l’impact des évolutions et modernisations technologiques sur les ressources humaines. Voilà qui m’amène à m’interroger sur les rôles et attributions d’une commission de privatisation. A mon avis, le devoir des membres d’une commission de privatisation va loin au-delà de l’acte de signature du contrat qui vient en dernier ressort. Bien avant la privatisation d’une société, la commission se doit de rencontrer les agents et tous les employés de cette société et débattre des questions importantes du genre.

Des questions essentielles

Pourquoi l’Etat veut-il privatiser ? Dans quel état se trouve l’entreprise ? Quels sont ses forces et faiblesses. Quel est l’avenir de l’entreprise ? Quel plan social peut-on édifier pour les employés ? etc. Ses questions doivent être débattues avec les employés (petits, moyens et grands cadres) dans les services et sur les lieux de travail. Si ce débat est mené de façon populaire et directe avec les employés, cela peut les éclaircir à temps sur certains points et les conscientiser quant à leur devenir dans l’entreprise. Ainsi, ces débats pourraient aider la commission de privatisation à déceler à temps les problèmes à résoudre avant d’aller à la privatisation. De ces débats, il pourrait ressortir par exemple la nécessité pour certains employés de se reconvertir à d’autres postes de travail afin de s’adapter aux réalités futures.

Ceux qui ne seraient pas à mesure de s’adapter aux exigences futures, ainsi que tous les agents invalides ou atteints d’une maladie invalidante, il pourrait leur être proposé des conditions attrayantes pour leur retrait de l’entreprise. Si ces échanges sont menés de façon honnête dans l’entreprise et avec tous les employés ; pas seulement avec un quelconque groupe (délégué de personnel, ou représentant syndical) mais avec tout le personnel dans chaque service en présence d’un membre de la commission de privatisation, il pourrait se dégager des solutions pour assainir l’entreprise avant sa mise en vente. Au terme de ces rencontres entre employés et commission de privatisation, des propositions qui seraient retenues, l’Etat, à son tour, doit trouver les moyens financiers pour les satisfaire avant de mettre l’entreprise en vente. De cette façon, les problèmes seront désamorcés à l’avance et l’entreprise se trouvera dans une situation attractive pour les investisseurs. Malheureusement, rien de cela n’est préparé avant d’aller à la privatisation.

Et quand on sait que d’autres entreprises (SONABEL, SONABHY, ONEA, CCVA) sont en attente d’être privatisées, il y a de quoi souhaiter que leur préparation soit réelle pour éviter des tensions sociales plus tard. On a l’impression que ce qui intéresse le plus nos autorités dans ces privatisations c’est le « jackpot » à engranger. Alors, on s’empresse de vendre l’entreprise et ensuite de déclarer publiquement que « les conditions du cahier des charges prévoient que le repreneur doit sauvegarder les emplois ! » Qui, dans la situation actuelle de l’ONATEL-SA, peut mettre son doigt dans la marmite de pot-au-feu et jurer qu’à court ou moyen terme, la question de licenciement ne se poserait pas ?

C’est donc mal connaître le « capitalisme » aux appétits voraces, toujours prêt à acheter ou racheter les entreprises ‘’vaches grasses’’. Le défunt Pape Jean Paul II s’adressant en son temps aux dirigeants des Etats communistes de l’Est leur disait : ‘’Ouvrez vos systèmes politiques, n’ayez crainte !’’ Le « capitalisme » également crie aux oreilles de nos dirigeants africains en ce sens : « Ouvrez vos systèmes économiques, n’ayez crainte ! » Dommage que ce dernier ne soit pas aussi saint !

L.DAHANI Technicien supérieur en Réseau informatique et télécoms Email : ldahani@yahoo.fr

Le Pays

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