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EMIGRATION VERS L’EUROPE : L’Afrique à l’heure des choix

Publié le jeudi 27 novembre 2008 à 01h16min

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Paris a abrité mardi dernier les travaux de la deuxième conférence euro-africaine sur la migration et le développement. Il s’agit d’une réunion ministérielle dont l’ordre du jour portait sur la nouvelle politique de l’Union européenne en matière d’immigration. Il n’est pas nécessaire de revenir longuement sur l’intérêt que les pays européens et africains ont à trouver des modalités de gestion du phénomène des migrations qui permettent de régler au mieux les problèmes humains, sociaux et économiques qui en constituent le cadre historique.

L’Europe, installée depuis des années dans un chômage dont le taux reste élevé, considère que l’immigration clandestine gangrène ses économies et ses services sociaux, et contribue à la montée des sentiments xénophobes et racistes.

L’Afrique, elle, ne peut pas se résoudre à voir sombrer dans la mer les embarcations de fortune avec les bras valides que l’infortune soustrait au travail pour le développement. De fait, la réunion a pris fin sur un accord dans la droite ligne du processus engagé lors de la première conférence à Rabat. Seul le Mali s’est refusé à signer le protocole. Cette défection pose le problème de l’incapacité des Etats africains à s’entendre sur les grands dossiers pour présenter, lors des négociations internationales, un front uni qui leur permettrait d’avoir une position forte, et d’espérer tenir tête aux partenaires internationaux. On dira qu’en l’occurrence, les intérêts des différents pays ne sont pas les mêmes, que le Mali se caractérise par la forte communauté de ses ressortissants dans l’Hexagone.

D’abord, il n’y a pas, en France et dans l’Union européenne, plus de Maliens que de Marocains ou d’Algériens. Ensuite, on sait que du côté des Européens, les intérêts sont divergents, et les positions, au départ, étaient sensiblement opposées. D’ailleurs, chaque pays avait essayé de régler le problème à sa façon : on sait qu’en Espagne et en Italie, on avait procédé à des régulations massives. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur et candidat pour l’Elysée, s’était montré particulièrement critique à l’égard de ces politiques, et il avait élaboré son concept d’immigration choisie qu’il avait essayé en vain, par la suite, de vendre dans une tournée africaine qui est passée par le Mali et le Sénégal.

C’est seulement après, que la discussion s’est engagée et que les positions se sont rapprochées. L’Union européenne ayant pris le dossier en charge, une politique commune a été élaborée. Tout cela signifie que les Africains auraient pu, auraient dû, s’inspirer de cet excellent exemple d’efforts pour parvenir à un consensus entre Etats dans le cadre d’une organisation qui vise l’intégration continentale. Justement : le principe du parallélisme des formes aurait dû suggérer aux Africains un examen de la question d’abord dans le cadre politique continental : l’Union africaine. C’est celle-ci qui devait par la suite , munie d’un mandat clair indiqué par les Etats membres, discuter avec l’Union européenne.

Lors des négociations sur l’Accord de partenariat économique, le président Wade du Sénégal, avait, avec un talent oratoire admirable, contesté les procédés de l’Union européenne qui consistaient à discuter non pas avec l’Union africaine, mais avec chaque Etat. Dans son analyse dont la pertinence peut être difficilement contestée, il s’agissait d’une tactique pour diviser les partenaires et les affaiblir. Effectivement, le front avait fini par se lézarder, et la cause des Africains, défendue avec ardeur par les mouvements de la société civile, n’avait pas pu prospérer. Les dirigeants africains ne semblent pas avoir tiré les leçons de ces négociations pour rectifier le tir dans les discussions actuelles sur la question des migrations.

Evidemment, les autorités maliennes sont face à un problème spécifique. La question des émigrés maliens en France est une question épineuse, politiquement délicate. Durant la campagne de la présidentielle, l’entourage du candidat ATT affirmait, bien sûr, que son champion ne signerait pas de protocole qui nuirait aux intérêts non seulement des Maliens de la diaspora, mais aussi à ceux de Maliens , nombreux , qui aspirent à l’Eldorado européen. Ce que la France demande au Mali, c’est la signature d’autorisations d’expulsions plus nombreuses que ce qui se fait actuellement et une coopération pour traiter de cas d’immigrés non Maliens mais qui refusent de décliner leur nationalité.

C’est là un dossier explosif qu’un responsable politique ne peut aborder sans réflexion. Ce sont les autorités maliennes qui auront à faire face aux émeutes et aux problèmes économiques et sociaux qu’un traitement à la hussarde du problème ne manquera pas de susciter dans leur pays. Et elles peuvent légitimement s’attendre à la compréhension et à des manifestation concrètes de solidarité sinon de la part de la France, du moins de celle des autres Africains. Les migrations sont un phénomène historique et naturel. On ne peut pas vraiment dire que l’homme est attaché par la naissance à un coin de la terre où il doit demeurer quoi qu’il lui arrive. Toutefois, les Africains doivent réfléchir à l’élaboration d’une politique migratoire avisée parce que le monde change, et cela induit des changements dans les pratiques. Les restructurations économiques en Europe excluent toute immigration massive comme dans les années 70.

Les problèmes structurels qui minent les économies de l’Europe, la construction de l’Union européenne, l’émergence de pays comme la Chine, l’Inde ou le Brésil, tout cela doit inciter l’Afrique à engager une réflexion sur les voies d’un développement réel qui donnera du travail aux Africains en Afrique, de telle sorte qu’ils n’aient plus tendance à aller chercher fortune ailleurs. La mise en valeur des terroirs, des politiques de grands travaux, voilà ce que l’Union européenne devrait appuyer pour freiner le flot de l’émigration africaine en fixant les hommes et les femmes dans leurs localités. En tout cas, les Africains doivent ouvrir les yeux ici et maintenant : peut-être qu’à force de considérer l’émigration comme une pépite, ils risquent de la transformer en source de pépins particulièrement graves.

"Le Pays"

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