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TOLE SAGNON SECRETAIRE GENERAL DE LA CGT-B : "La CGT-B est née rouge et le restera"

Publié le mercredi 12 novembre 2008 à 02h28min

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Tolé Sagnon

Le « Général », comme l’appellent les militants du Collectif était l’invité de notre Rédaction le 28 octobre dernier. Le secrétaire général de la Confération générale du travail du Burkina (CGT-B), Tolé Sagnon, s’est exprimé sur les 20 ans de son organisation, le sens de sa lutte, et commente pour nous la situation nationale et internationale, notamment la vie chère et la crise financière qui malmène l’économie mondiale.

"Le Pays" : Ce n’est pas souvent que Tolé Sagnon se retrouve dans une Rédaction ; que nous vaut l’honneur de cette visite ?

Tolé Sagnon : C’est une façon de reconnaître et de saluer l’action de votre organe de presse en matière d’information des Burkinabè. La CGTB a aujourd’hui vingt ans. Et au cours de cette période, nous avons vu naître et mourir des organes de presse. Parmi ceux qui sont toujours sur la scène, il y a le vôtre qui, à notre avis, fait preuve de professionnalisme.

20 ans dans la vie d’une organisation, c’est beaucoup ; quel était le contexte de naissance de la CGTB ?

Vingt ans, c’est un souvenir marquant. Cela nous renvoie aux années 80, avec des batailles au sein du mouvement syndical où nous avons décidé de créer des organisations de travailleurs parce que la plupart des militants combatifs étaient exclus par la direction de certaines organisations syndicales avec interdiction de tenir des assemblées générales dans les services. Cela nous a amenés à créer des syndicats dans certains secteurs, tels les mines (SYNTRAMIG), l’enseignement et la recherche (SYNTER). Nous sortions de régimes d’exception où le droit de grève avait été suspendu puis réglementé avec des préavis de 50 jours sous le CMRPN. Puis, il y a eu le régime de transition du CSP et le CNR avec la répression des syndicats. En ces temps-là, les syndicats survivaient. C’est pour cela que, avec le Front populaire, dès qu’il y a eu une décrispation sociale, la CGTB a été créée par des syndicats qui travaillaient déjà ensemble, en lui donnant une orientation particulière. 20 ans après, on ne regrette pas d’avoir fait ce choix.

Comment jugez-vous ce parcours ?

Nous, nous sommes des acteurs. C’est plutôt à d’autres de juger. Cependant, nous croyons avoir apporté un autre regard sur le mouvement syndical. La CGTB a eu à se prononcer sur toutes les grandes questions qui touchent à la vie nationale. Chez nous, il n’y a pas de question tabou. Si le sujet touche à la vie des travailleurs, la CGTB se donne les moyens de se prononcer. Il y a l’exemple du PAS (Programme d’ajustement structurel) quand le Burkina a décidé d’y aller. Lorsqu’il s’est agi de contribuer à la rédaction de la nouvelle Constitution, nous avons répondu présent.

Il y a aussi les bilans des régimes successifs ; nous avons décidé d’y participer pour donner notre point de vue. Sur la question de la réconciliation nationale, nous avons donné notre lecture, etc. Cette approche que nous avions a changé la vision que les gens avaient sur le syndicat qui devait se cloîtrer dans des revendications salariales. Il n’y a pas que cela. S’il n’y a pas de libertés démocratiques, l’action syndicale n’existe pas. C’est un peu cela notre apport. Et si vous regardez bien, les initiatives d’unité d’actions sont souvent venues de la CGTB. Il y a eu beaucoup de regroupements conjoncturels mais cela n’a jamais duré. Il faut de la persévérance. Sur l’affaire Norbert Zongo, les syndicats étaient divisés. Seule notre Centrale s’est retrouvée avec le Collectif des organisations de masse. Mais tout le mouvement syndical s’est retrouvé et on s’est engagé autour d’une plate- forme unitaire après.

Les 20 ans de la CGTB coïncident à peu près avec les 20 ans du régime Compaoré ; quel commentaire vous inspire une telle situation ? Surtout que beaucoup vous considèrent comme des adversaires du régime ?

Il y a eu beaucoup de discussions et de réticences sur notre processus démocratique. Il y a eu des divergences importantes. N’oubliez pas que la CGTB est issue de syndicats qui ont été réprimés, et comme tels, lors du bilan des quatre années de révolution, nous avons donné notre position. On a dit que celui qui créait tous les problèmes, c’était celui qui est mort (Thomas Sankara). Nous avons dit que ce n’est pas comme cela. Il y avait quatre chefs historiques. Nous avons rappelé que si on a choisi d’aller vers un Etat de droit, il fallait y aller franchement. C’est pour cela que nous avons participé à la rédaction de la Constitution et avons appelé à voter OUI au référendum, ce qui n’est pas courant pour un syndicat. Lorsqu’il y a eu la révision de l’article 37 en 1997, nous avons dit NON. Réviser cet article-là à travers le Parlement, nous n’étions pas d’accord. Du coup, nos positions à l’époque ont fait de nous une cible puisqu’on nous disait opposés à Blaise Compaoré en tant que président. Nous défendons un processus.

On nous a souvent taxés d’organisation de l’opposition. Mais, nous sommes un contre-pouvoir. Les critiques que nous formulons ne sont pas toujours bien comprises. Quand nous défendions l’article 37, ce n’est pas parce qu’on voulait aller au Parlement. Ce n’est pas notre place. La preuve, en 2002, lorsqu’il fallait aller aux élections, certains membres du Collectif y sont allés. Ils y sont encore. Le débat devait quitter la rue et être transporté au Parlement. On peut critiquer la CGTB, mais au moins nous avons le courage de nos opinions. Nous nous sommes retrouvés avec certains partis politiques dans le Collectif, et eux savent qu’on ne peut pas nous utiliser comme on veut. Lorsqu’il s’est agi d’appeler les militants du Collectif à voter pour les partis membres, il y a eu un grand débat. Mais nous avons dit non. A l’époque, on avait des militants qui n’étaient pas que de l’opposition.

En 20 ans, quelles ont été les épreuves que vous avez traversées et les tentatives aux différents gouvernements de vous diviser ?

Lorsque nous avons créé la CGTB, c’était sous le Front populaire. Des correspondances sont arrivées pour nous signifier que nous n’avions pas la légalité requise. Parce que des syndicats membres fondateurs n’étaient pas à jour de leurs instances. Nous avons attendu 2 ans pour avoir le récipissé. Au milieu des années 90, après l’adoption de la Constitution, nous avions dit que la mise en œuvre de la deuxième Chambre n’était pas opportune. Il y a eu un accrochage là-dessus et nous avions estimé qu’elle constituerait une lourdeur administrative. Finalement, l’Histoire nous a donné raison, mais sur le coup, on nous a accusés de tirer le processus démocratique en arrière. Sur l’entrée au Programme d’ajustement structurel (PAS), nous n’étions pas d’accord.

L’auto-ajustement sous le CNR était serré, forcé même, mais cela venait de chez nous. Nous avions averti que si l’on tenait compte des expériences dans les autres pays, le PAS allait renforcer la misère et la pauvreté. On a frôlé l’affrontement avec les autorités, et nous avions eu peur pour certains de nos dirigeants. Le secrétaire général de la section du Houet a échappé à un lynchage, il n’a eu la vie sauve qu’à l’agilité de ses jambes. Personnellement, j’ai une expérience des arrestations, mais pour les familles des responsables, ce n’est pas toujours facile quand on vous présente comme ennemi public N°1. Les élèves abattus à Garango sont des événements que l’on ne peut pas oublier. Abattre des gamins au détour d’une grève alors qu’ils s’enfuyaient, c’était trop grave. Enfin, il y a l’assassinat de Norbert Zongo que je devais rencontrer le lundi 14 décembre à son retour de Sapouy. Nous devrions discuter de la pétition qu’il avait lancée pour les ayants droit de David Ouédraogo. Il s’agissait de voir dans quelle mesure la CGTB pouvait soutenir cette initiative.

Malgré ce tableau, on a l’impression que les syndicats mobilisent de moins en moins !

Il faut nuancer. Au regard des dernières activités que nous avons menées, la mobilisation est constante. C’est vrai qu’on ne voit plus les raz-de -marée de la période du Collectif. Il faut dire aussi que dans le milieu syndical, l’unité d’action n’est pas organique. Chaque centrale syndicale a son autonomie. Mais si un parmi nous a une revendication transversale qui touche l’ensemble du monde du travail, on doit pouvoir se mettre ensemble sur cette question. Mais il faut avouer que ce n’est pas facile à gérer, l’unité syndicale. Surtout discuter en rangs serrés face au gouvernement n’est pas simple : l’interprétation des réponses du gouvernement par exemple, sont-elles satisfaisantes ou pas. Tout cela n’est pas facile à gérer. Sur l’autonomie financière, ce sont des questions organisationnelles qu’il faut régler. Quand on dit aux membres de venir payer leurs cotisations, ils ne viennent pas. Le salaire qu’ils prennent ne « tombe pas juste ». Comme on le fait ailleurs, dans d’autres pays, ce sont des retenues à la source.

C’est le cas au Canada. Dans une entreprise qui a deux, trois syndicats en son sein, on organise des élections et celui qui gagne se voit affecter ces ressources. Trois ans après, on recommence les élections et si tu perds, plus de ressources. Du coup, ces syndicats ont la capacité de lancer des mots d’ordre de grève et de supporter financièrement la grève des travailleurs. Chez nous, cela est exclu. Ce que nous pouvons faire, c’est de nous entendre et de proposer une solution de ce genre au gouvernement. Si le principe est retenu, il faudra voir sa mise en œuvre concrète. Cela passe par une bonne sensibilisation des travailleurs qui doivent donner leur accord pour des retenues à la source. Concernant la mobilisation, il ne faut pas oublier les violences des Etats d’exception exercées sur les militants syndicaux. Tout cela laisse des traces au niveau de la mobilisation des travailleurs. Notre principe consiste à faire comprendre que l’existence des syndicats est indispensable au processus démocratique.

Le "Pays" était assimilé à un journal du Collectif à cause de ses prises de positions. Avec le recul, quel est votre regard sur l’action de la presse ?

La presse a joué un très grand rôle. Nous avons perçu cette problématique depuis l’an I de la Rectification. L’Observateur qui avait été brûlé, réapparaissait. Et le débat sur la presse privée tendait à dire que notre pays n’était pas encore arrivé à ce stade. Nous avions dit en son temps d’avoir le courage d’assumer le chemin choisi. L’opinion plurielle était un bon indicateur. Pour le reste, il fallait codifier et se battre pour avoir le plus de liberté possible. La CGTB a beaucoup bénéficié de l’action de la presse. Il y a eu beaucoup de critiques contre nous, mais nous avons cherché à les corriger quand elles étaient fondées. Nous n’aurions pu rien faire sans la presse, ne serait-ce que par nos communiqués de presse et nos déclarations qu’elle a publiés. De façon particulière, et ce n’est pas parce que je suis dans votre rédaction aujourd’hui, nous nous sommes retrouvés à défendre quelquefois les mêmes causes. Il y a la proposition de candidatures indépendantes. Il n’y a jamais eu de concertations entre nous sur ce dossier, mais nous partagions les mêmes idées. Sur la question de la mort de Norbert Zongo, ce n’était pas parce qu’il était journaliste. Non, c’était un symbole contre l’impunité des crimes et pour la liberté d’opinion

On a l’impression que le syndicat est une affaire de fonctionnaires ; les autres secteurs d’activités semblent en marge. Qu’est-ce qui explique cela ?

Le mouvement syndical s’est développé sur un schéma classique. Le Code du travail définit le travailleur comme celui qui met sa force de travail à la disposition d’une autre personne contre un salaire. Tous salarié est donc reconnu comme travailleur. On a donc visé tous ceux qui sont dans les entreprises. Au début des indépendances, il n’y avait pas de privé. Il n’y avait que des entreprises coloniales. Pour sortir de ce carcan, il a fallu que le BIT (Bureau international du travail) jette un nouveau regard sur le monde du travail. C’est un secteur qui s’est développé avec les PAS avec les déflatés, les licenciés et le cortège de tous ceux qui s’installaient à leur propre compte. Tout cela a amené le BIT à revoir sa définition qui considérait tous ces actifs comme un secteur informel. Aujourd’hui, on parle d’économie informelle qu’on tente d’organiser. Si vous allez à Rood Woko pour des élections syndicales avec la définition actuelle, on ne s’en sort pas. Le patron d’un commerçant c’est qui ? Aujourd’hui, nous jugeons la mobilisation syndicale par rapport aux salariés. Les syndicats peuvent paralyser la Fonction publique mais pas Ouagadougou.

Vous êtes en pleine réorganisation de la CGTB. Quelle en sont les motivations ?

A la création de la Centrale, il y avait un objectif de pénétrer certains secteurs. Au début, ce sont des branches qui ont mis en place la CGTB. Ce sont entre autres le SYNTER, le SYNTRAMIG… Il n’y avait pas à l’époque des syndicats d’entreprise ou de syndicats d’ouvriers. Ainsi sont nés les comités d’entreprise qui sont des structures transitoires qui vont évoluer vers des syndicats de branches qui devaient évoluer plus tard vers des fédérations. Par exemple, on a 47 délégués à la CITEC. Ils sont nombreux à la SOFITEX qui a été démembrée maintenant. La loi définit le champ de compétence d’un délégué, il a une limite territoriale. Si on garde les comités d’entreprise, ils seront débordés s’il y a des problèmes ailleurs que sur leur zone. C’est une des raisons qui a amené le dernier congrès à réorganiser le fonctionnement de la Centrale. Ensuite, on a décidé de ne plus suivre le découpage administratif en créant nos propres régions pour mieux encadrer les travailleurs.

On vous appelle "Général" et il semble qu’un général ne va jamais à la retraite ? Cela fait 20 ans que vous êtes là.

La question Tolé Sagnon, c’est plus de 20 ans en tant que militant. Cela pose le problème de la relève. Comment la gérons-nous ? Elle se résout par l’entrée progressive de jeunes dans le bureau. Et depuis 1988 à nos jours, on compte 17 anciens membres du bureau de la Centrale. Nos congrès regroupent environ 380 personnes. Tous ceux qui sont élus le sont au scrutin secret. La différence chez nous, c’est que la CGTB n’est pas un Etat. L’alternance chez nous, ce n’est pas le changement d’un individu. C’est une association qui ne prétend pas gérer le pouvoir d’Etat. C’est un syndicat qui a ses statuts qui le gèrent Au dernier congrès, sur 17 membres, 7 jeunes ont fait leur entrée au bureau. Et puis, il faut qu’on le dise, les gens ne se bousculent pas pour venir prendre la tête de la CGTB. Parfois on cherche des gens pour des postes, on n’en trouve pas.

Il n’y a pas à manger ?

Peut-être. Parce que chez nous quand vous allez en séminaire au compte du syndicat, vous devez reverser 30% de vos perdiems afin de vous rappeler que vous y êtes au nom du syndicat qui en a besoin pour survivre. Donc, non seulement il n’y a pas à manger, mais il y a aussi le bâton. Pour certaines activités, les membres cotisent pour les réaliser. C’est cela la réalité.

Quel est votre secret pour avoir des militants si engagés malgré toutes ces difficultés ?

D’abord, c’est l’exemple de la direction. Si nous-mêmes qui disons de reverser, on ne le fait pas, il y a quelque chose qui va pas. Il y a le courage de la Centrale à s’exprimer sur certaines questions d’intérêt national. Il y a aussi la constance dans la défense des membres. Si un camarade a un problème, il est accompagné. Mon premier adjoint, Richard Tiendrébéogo, a été détenu, bastonné au BIA, puis licencié. C’est finalement en 2008 qu’il a été réhabilité.

La CGTB est un des premiers syndicats à écrire au Front populaire pour demander la réhabilitation des travailleurs. Et je me rappelle que c’est Richard lui-même qui est allé déposer la lettre. Après, l’ensemble du mouvement syndical a pris en charge cette question et on a continué la lutte. Aujourd’hui, ce sont nos membres qui sont les derniers à être réhabilités. Je pense également que c’est notre orientation, résolument tournée vers les intérêts des travailleurs, qui nous vaut les engagements militants dont vous parlez. Si le président Compaoré revient d’un sommet avec une décision qu’il compte appliquer au Burkina, nous allons nous prononcer là-dessus d’un point de vue des intérêts du travailleur. Les décisions politiques ou économiques ne sont pas appliquées sur des arbres mais sur des hommes, dont les travailleurs.

A propos de cette capacité de la CGTB à réagir aux grands sujets de l’heure. Vous avez été les pourfendeurs du libéralisme tous azimuts imposé aux Etats africains.On vous a même taxé de rouge communisant. Etes-vous à l’aise aujourd’hui pour aborder la crise financière qui secoue le monde ?

Franchement, nous sommes plus qu’à l’aise. Sur la question de rouge communisant, merci de nous coller ce vocable. La CGTB a été créée rouge, elle le restera. Et cela pour deux raisons. La première parce que telle est notre orientation qui nous permet de ne pas nous intéresser seulement aux questions économiques. Parce que les questions politiques qui agissent sur les citoyens ont des conséquences énormes sur la vie du travailleur. Le libéralisme avec l’imposition des PAS, c’est de la politique. On nous a dit moins d’Etat, plus de privé. La crise éclate et on sort tous les gros sabots de l’Etat pour garantir la stabilité du système. Quelque part, on se moque de nous, les pays en développement. Tout le monde sait qu’au début des indépendances, s’il n’y avait pas eu d’Etat, on n’aurait pas eu la moindre entreprise au Burkina. C’était la seule entité qui avait les moyens, le pouvoir et surtout la culture.

Aujourd’hui, on nous parle de mondialisation, de moins d’Etat, alors qu’on n’est pas au même niveau de développement. L’Etat doit continuer à jouer un rôle important dans notre quotidien. Dans le secteur de l’éducation. Tous ceux qui ont cette capacité d’analyse qui regardent et qui ne bronchent pas sont tous, de purs produits de l’Etat. Ils ont été chouchoutés et choyés par lui à l’internat, puis à l’université avec des bourses. Seul l’Etat en était capable. Aujourd’hui, la Banque mondiale veut imposer à nos paysans qui se débrouillent pour survivre, de payer la scolarité de leurs enfants à l’université où un troisième cycle coûte pas moins de 500 000 F CFA. Des enfants qui s’alignent des heures durant pour manger, où vont-ils trouver cet argent ? Si l’Etat n’intervient pas à ce niveau, on ne formera pas de cadres pour demain, en tous cas pas suffisamment. Il n’y aura pas de cadres de conception et ce sera l’assistanat perpétuel.

Nous à la CGTB, on n’est pas d’accord avec ce système. On a déclaré que l’Etat a un rôle important, on ne nous a jamais écoutés. Aujourd’hui, ils font ce que nous avions demandé. C’est même au delà de nos attentes. L’Etat intervient jusque dans les banques ; quand on sait que c’est le coeur du système libéral, nous sommes très à l’aise aujourd’hui. Mais ça ne marche pas. Leur système de spéculation, d’économie fictive, ne repose sur rien. Les gens sont assis quelque part, parlent sur tout et n’importe quoi au lieu de produire pour nourrir le monde. Ce n’est pas une société d’avenir. Karl Marx avait donc raison. Et le ministre des Finances de la RFA l’a même reconnu. Sarkozy, lui, va plus loin et demande de réformer le système capitaliste, une société qui a pour objectif le profit maximum. On a beau réformer, cela ne marchera pas. Du coup, même les libéraux purs et durs se remettent à lire Karl Marx pour comprendre ce qui leur arrive.

En attendant, nous disons que l’Etat doit être au cœur du système. Ce qui est inquiétant, des intellectuels africains s’asseyent et déclarent qu’il n’y aura pas de retombées sur nos économies ; je ne comprends pas leur argumentaire. Est-ce à dire qu’un pays comme le Burkina est en dehors du monde ? Si l’on s’en tient au concept de la mondialisation, le système capitaliste est dans tous les pays. Je reste convaincu que les conséquences sont à venir. Nous, on n’a pas d’argent pour jouer en Bourse mais l’économie réelle est là, la question de la survie est posée. Le prix du sac de riz n’arrête pas de monter. S’il n’y a pas de solution globale, les populations vont se révolter un jour.

Sur les mesures gouvernementales contre la vie chère, les Burkinabè sont restés sur leur faim. On n’a pas trop entendu les syndicats, comme si vous aviez été surpris par la révolte de Ouagadougou et de Bobo Dioulasso

Il y a eu un malentendu sur ce chapitre. Nous sortions des négociations avec le gouvernement en novembre 2007.Et notre plan de travail consistait à envoyer des délégations en provinces pour expliquer le résultats des négociations à nos bases respectives. Les tournées devaient s’arrêter en février 2008 et c’est à ce moment-là que nous allions annoncer les actions à mener de façon unitaire. C’est justement pendant ces tournées que sont intervenues les émeutes de la faim. La substance de nos revendications n’avait pas été satisfaite, notamment le relèvement des salaires à 25% et la baisse du prix des hydrocarbures. On était en province quand c’est arrivé. Les gens ont pu croire que nous étions assis depuis la dernière négociation et qu’on ne bougeait pas . C’est tout le contraire. La première des choses que nous avons faite, c’est de prendre position et de dire que le gouvernement est responsable. On a traité les marcheurs de tous les noms. Nous, nous avons déclaré que ces gens-là avaient faim et qu’on arrête de se voiler la face. Maintenant, qu’il y ait eu de la récupération politique de cette expression de la faim du peuple, c’est autre chose. Nous étions à la recherche d’une large coalition face à la vie chère.

En mars 2008, les correspondances ont été ventilées et les premières rencontres ont débuté. La mobilisation a ainsi commencé. Mais vous savez qu’à partir du mois de juin, les syndicats ne peuvent pas bien travailler. C’est la période des vacances. On aurait dû avoir des négociations avec le gouvernement, en septembre ; elles n’ont pas encore eu lieu. Nous espérons que le gouvernement va se décider. Chacun sait qu’il faut que les prochaines négociations produisent des effets, et chaque camp se prépare en conséquence. Parce qu’aujourd’hui, le travailleur est convaincu que ce qu’il gagne est à la hauteur de son niveau de mobilisation. Nous sommes convaincus que le gouvernement peut faire des efforts. S’il a la même lecture qu’en novembre 2007, ça (ndlr : la grogne) va repartir. C’est eux qui nous ont dit que si le baril est en-dessous de 80 dollars, il y a des possibilités. Actuellement, il est en-dessous de 70 dollars. On va les écouter et on verra

La grève à l’ONATEL a pris un tournant avec la prise en "otage" du DR de Bobo. Votre commentaire sur ce moyen de lutte ?

En tant que premier responsable d’une confédération, je ne dirai pas que c’est ce qu’il faut faire. Je dis simplement que c’est l’environnement qui amène le travailleur à réagir ainsi. Je me rappelle la situation à Brakina, Air Burkina et même Faso Fani où les liquidateurs se sont exprimés d’une manière qui n’a pas plu aux travailleurs. C’est le dialogue qui manque. Il y a des responsables d’entreprise qui n’ont pas de considération pour leurs travailleurs, qu’ils estiment sans dignité. C’est vrai, les travailleurs n’ont pas de pouvoir économique, mais ils ont leur force de travail. Ils sont utiles sinon, on ne les aurait pas engagés. C’est son salaire qui permet au travailleur de vivre. Dans ce genre de situation, nous préconisons le respect de la législation du travail. Mais, quand il y a un tel cas, nous nous déplaçons sur les lieux pour mieux comprendre. Pour revenir à l’ONATEL, quand vous discutez avec les cadres locaux, ils sont indignés. On ne les traite pas comme tels. Même le petit personnel dit que « ces gars ne nous considèrent même pas » ; ça ne peut pas fonctionner comme cela. Avant que le repreneur n’arrive, l’entreprise vivait bien. Ce sont ces mêmes cadres nationaux qui l’ont maintenue. C’est de l’ONATEL qu’est né TELMOB. Ils n’ont pas acheté l’entreprise. Deux ministres sont intervenus dans ce dossier, dont le ministre de tutelle pour attirer l’attention des uns et autres sur les problèmes qui pointaient à l’horizon. Aujourd’hui, on est en pleine crise. Il suffisait de dialoguer dans le respect des parties. Il y a un syndicat qui représente les travailleurs. Qu’est-ce que cela coûtede les rencontrer et de dire que sur tel ou tel point on ne peut pas vous satisfaire ?

Propos retranscrits par Abdoulaye TAO

Le Pays

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