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Nord-Kivu : Un sommet pour rien

Publié le lundi 10 novembre 2008 à 11h06min

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Un sommet international sur les moyens d’arrêter l’engrenage de la violence dans l’est de la République du Congo (RDC) s’est tenu, on le sait tous, vendredi à Nairobi, et cela, sur fond de combats et d’exactions, qui se poursuivaient dans le Kivu, notamment à Kibati, 15 km de Goma, et à Kiwanja. Ce sommet, auquel ont participé les présidents congolais, Joseph Kabila, et rwandais, Paul Kagame, ainsi que plusieurs autres chefs d’Etat africains a eu lieu en présence de Ban Ki-moon, secrétaire général de l’ONU.

Il a été convoqué, d’urgence, en raison de la dégradation, rapide, de la situation humanitaire et militaire dans le Nord-Kivu, province de l’est de la RDC frontalière du pays aux mille collines et théâtre d’une série de catastrophes humanitaires et de guerres, extrêmement meurtrières, depuis le début des années 90.

Quant aux voies et moyens de mettre concrètement fin à cette situation, Louis Michel, le commissaire européen au développement, a souhaité, c’est tout dire des vœux pieux de la communauté internationale dans ce dossier, que la rencontre aboutisse à "une déclaration qui réengage les différents chefs d’Etat de la région" sur la neutralisation des groupes armés qui sévissent dans le Kivu, notamment le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) du général congolais tutsi déchu, Laurent Batuaré Nkunda, et les Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR), cette rébellion hutue rwandaise basée dans l’est de la RDC ; avec, à la clé, des menaces de sanctions contre tous ceux qui ne respecteraient pas le cessez-le feu demandé (et non exigé, encore un verbe de souhait, de désir) par le sommet.

Entre Kigali et Kinshasa, c’est donc tu me tiens par la barbichette, je te tiens par la barchichette par ta rébellion interposée, une recette tchado-soudanaise qui a bien failli, il s’en est fallu de peu, coûté le pouvoir et peut-être même la vie à Idriss Deby ainsi qu’à Omar el-Béchir. Si c’est les FDLR et le CNDP (n’oublions pas la milice progrouvernementale, les Maï-Maï) qui sont les boute-feux de l’Est-RDC, curieusement, ils n’étaient pas invités au sommet.

Parce qu’une simple rencontre formelle entre Kabila et Kagé suffit à résoudre le problème ? En tout cas, Laurent Gbagbo n’a pas, pour obtenir le retour de la paix en Côte d’Ivoire, négocié par-dessus la tête de Guillaume Soro avec Blaise Compaoré, accusé d’en être le parrain. Exactement le contraire de l’approche de Kabila, qui entend traiter directement avec Kagamé en ignorant Nkunda, qu’il ravale au rang de simple pantin du président rwandais qu’il n’est pas question de reconnaître comme un acteur-clé de la crise.

Ce qui n’empêche pas, malheureusement pour le président congolais, que des localités entières, souvent pas des moindres, tombent une à une dans l’escarcelle de Laurent Nkunda, comme au temps de Kabi père contre le pouvoir de Mobutu. Quand on a une armée incapable comme celle de Gbagbo, ne vaut-il pas mieux négocier ? Compter sur la Monuc ? Que Kabila demande aux autorités et aux musulmans de Srébrénica dans l’ex-Yougoslavie si les forces onusiennes empêchent un groupe armé de prendre une ville et de génocider sa population.

C’est dire que l’impuissance, l’inaction de la Mission de l’ONU (MONUC), c’est-à-dire de la communauté internationale en RDC face aux différentes exactions contre les populations n’a rien de nouveau. Si bien que, comme d’habitude, Naïrobi II s’est borné, dans sa déclaration finale, à demander un cessez-le feu immédiat de la part de tous les belligérants, le désarmement des groupes armés, et l’ouverture d’un corridor humanitaire pour permettre l’accès aux populations déplacées, mais des menaces de sanctions espérées par Louis Michel à l’ouverture du sommet contre les réfractaires, rien. De plus, et surtout, le pillage en règle des ressources minières de la RDC, source de financement de la guerre par les uns et les autres et nœud gordien du casse-tête chinois des Grands-Lacs, n’a pas été traité. Ce qui fait que les observateurs doutent fort que Naïrobi II soit autre chose qu’un sommet de plus. Et au moins le cessez-le-feu immédiat observé samedi et dimanche sur le terrain ? Vraisemblablement "le calme qui précède la tempête", ont-ils estimé, car de part et d’autre, cette trêve aurait été mise à profit pour mieux se préparer à des offensives encore plus grandes. Alors, un sommet pour rien ?

En tout cas, les positions de Kagamé et de Kabila demeurent peu compatibles : pour le président rwandais, la crise au Kivu est une crise purement, simplement et uniquement interne, qu’il appartient au seul gouvernement de la RDC de résoudre ; en face et langage de sourds faisant, le pouvoir en place à Kinshasa pense exactement le contraire, et demande même à Kigali d’user de son influence sur Nkunda pour lui faire entendre raison. Ajoutons à cela le fait que, il y a un an, Kinshasa s’est engagé à désarmer les FDLR, supplétifs de l’armée congolaise selon Kigali, ce qu’il n’a pas fait. Mais, diable, pourquoi ne pas désarmer les génocidaires des FDLR pour priver Kagamé de tout motif ou de tout prétexte pour soutenir éventuellement en sous-main le CNDP tout en le niant ?

Car l’attitude de Kinshasa face aux FDLR donne, jusque-là en tout cas, le beau rôle à Kagamé dont, pour l’instant, ce n’est pas le pays qui est partiellement mis à feu et à sang par sa propre rébellion ! Il est vai que, même alors, des convoitises sur les richesses congolaises, qui font saliver plus d’un voisin et même des multinationales et des grandes puissances, pourraient inciter Kigali à intervenir ou à continuer d’intervenir en RDC par Nkunda interposé, mais au moins cela permettrait de voir clair dans le jeu de Kagamé !

Tout cela fait que, pour beaucoup d’observateurs, Naïrobi II sera juste le bis repetita de Naïrobi I, c’est-à-dire un sommet sans actions concrètes, mais qui aura permis un face-à-face Kabila/Kagamé, dont la communauté internationale attend qu’il contribue à décrisper les relations. On a reproché à cette dernière d’avoir, coûte que coûte, vaille que vaille, tenu à organiser, et le plus vite possible, ce sommet, dont l’impréparation risquait de réduire la portée et les effets. Cela explique sans doute ceci.

La rédaction

L’observateur

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