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Election de Barack Obama : L’exubérance est nègre

Publié le vendredi 7 novembre 2008 à 01h26min

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Alors que la fièvre électorale qui a accompagné son endurante course victorieuse à la Maison-Blanche est en train de tomber, Barack Obama commence à s’installer dans sa peau de chef d’Etat : nomination, hier, de Rahm Emanuel au poste de secrétaire général à la Maison-Blanche et annonce, dans les jours à venir, des noms de personnalités de la prochaine équipe du nouvel impétrant.

Sitôt élu, le 44e président des Etats-Unis d’Amérique s’est lancé dans une bataille, et pas des moindres : préparer la transition de onze semaines au terme de laquelle il prendra officiellement, le 20 janvier 2009, fonction de « command in chief ». Le repos, même d’un jour, est un luxe que refuse de s’accorder le successeur de George W. Bush.

Porté au bureau ovale par une vague sans précédent de sympathie, d’admiration, de dévotion quasi religieuse et surtout d’espérance, l’ex-sénateur de l’Illinois sait que son mandat sera celui de toutes les attentes.

Sur le plan économique, il doit redresser la barre pour sauver le pays de la récession vers laquelle il fonce tout droit depuis le déclenchement de la crise financière. Sur le dossier irakien, il doit procéder au retrait des troupes américaines sans donner l’impression de battre en retraite. Dans le reste du monde, il doit redorer l’image de son pays, sérieusement ternie par huit ans de bushisme guerrier et unilatéraliste. Sur bien d’autres domaines, Barack Obama aura fort à faire. Et c’est peu dire.

Les attentes de ses concitoyens sont donc nombreuses et grandes. Celles des Africains ne le sont pas moins, même si ici, il nous faut borner nos espérances et demeurer réaliste : « Notre frère » Obama est un Américain jusqu’aux ongles, élu par les Américains pour les Américains.

Mais, il n’empêche, un « Black » à la tête de la première puissance mondiale, fait la fierté de tout Noir. L’événement du 4 novembre dernier est d’une historicité comparable au Civil Rights Act (1964), loi qui interdit toute forme de discrimination dans les lieux publics ou au Voting Rights Act (1965) qui supprima les examens et autres impôts pour devenir électeur aux USA. Que les Africains soient fiers de la prouesse de « leur frère » Obama, cela ne souffre d’aucun débat. Et, là, pas du tout.

De la Médina en Tunis aux townships en Afrique du Sud, de Gueule Tapée à Dakar aux non-loties de Ouagadougou, sans oublier, bien sûr, Kogelo (Kenya), village de la grand-mère paternelle du 44e président américain, l’Afrique a vécu dans la ferveur et en temps réel, grâce à la magie du direct par satellite, la nuit électorale américaine.

A l’annonce des résultats, ce fut un délire collectif, une liesse indescriptible, une euphorie générale qui s’est emparée de tout le continent noir dont un lointain descendant venait d’être triomphalement porté à la plus haute fonction de la plus grande nation du monde.

On ne cessera de le répéter, c’est de bonne guerre et c’est légitime. Mais parfois, on en fait trop, ici, en Afrique. Particulièrement au Kenya qui a donné naissance au premier président noir des Etats-Unis.

Que les autorités de Nairobi aient eu l’idée de déployer une antenne parabolique au milieu des cases de Kogelo, afin que mamie Sarah Obama puisse vivre en direct le sacre de son petit-fils, il n’y a aucun mal en cela.

Que tous les Kényans se gavent d’obamania, au point de se saouler, cela peut se comprendre aisément. Mais que tout un gouvernement sombre dans l’ivresse, il y a de quoi s’en inquiéter. Car il y a des excès qu’il ne faut pas se permettre quelle que soit la situation.

Le président Mwai Kibaki avait-il besoin de décréter la journée d’hier, jeudi 6 novembre 2008, chômée, fériée et payée pour, dit-il « célébrer l’exploit historique du sénateur Obama et de notre pays » ? Pure folie dans un pays, comme dans bien d’autres du continent, les habitants ne travaillent déjà pas suffisamment. Plus Américain que ce Kibaki, vous n’en trouverez pas preneur.

Le président kényan a-t-il idée du manque à gagner que va induire son décret ? Ou s’agit-il d’une mesure prise en connaissance de cause parce que la facture sera adressée à l’ « enfant prodige » ?

Au point où on en est, il faut craindre que toute la semaine après l’investiture de Barack Obama le 20 janvier ne soit également fériée au pays du mont Kirinyaga. Alors que les Américains ont continué à vaquer à leurs occupations, les Kényans sont restés cloîtrés chez eux pour célébrer un événement qui s’est déroulé à 10 000 lieues de leur pays.

Pendant que les deux filles de Barack Obama ont continué d’aller à l’école comme si de rien n’était, leurs cousins « manches longues », comme on désigne chez nous la parenté éloignée, sont invités, 24 heures durant, à une partie de farniente. Manifester sa joie avec exubérance, c’est malheureusement ça l’Afrique. L’émotion serait-elle vraiment nègre ?

Alain Saint Robespierre

L’Observateur Paalga

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