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CONSEILS DES MINISTRES : Nomination, quand tu nous tiens !

Publié le vendredi 7 novembre 2008 à 01h22min

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S’il y a des jours où la Chaîne du plaisir partagé bat des records d’écoute, c’est bien le mercredi avec le compte- rendu du Conseil des ministres. Savez-vous pourquoi ? C’est à cause des décisions de nominations qui y sont prises et publiées, et accessoirement, l’attribution des marchés publics qu’on peut y trouver. Ainsi, le mercredi soir, beaucoup de citoyens ne sortent de chez eux qu’après avoir écouté le compte-rendu des travaux du Conseil des ministres.

Et il suffit d’un petit retard dans la diffusion de ce compte-rendu pour qu’on se livre à des spéculations sur tel ou tel changement qui pourrait intervenir. Beaucoup de personnes, surtout les fonctionnaires, sont suspendus à la publication des travaux du Conseil des ministres chaque mercredi. Si une nomination est attendue, on invite quelques parents, on recommande aux enfants de faire moins de bruits dans l’attente de la "grande nouvelle". C’est un fait que le Conseil des ministres est une institution capitale dans la vie d’un État. La régularité avec laquelle il se tient et l’importance ainsi que le nombre des décisions qui sont prises à cette occasion sont une des preuves du fonctionnement normal d’un État. Cette importance découle surtout du fait que le Conseil des ministres est présidé par le Président du Faso, Chef de l’État.

Il existe une autre voie pour savoir et suivre les grandes décisions prises par le gouvernement : c’est le Journal officiel. Mais peu de personnes y ont recours ; certains par ignorance de son existence, d’autres par simple paresse de se déplacer au Secrétariat général du gouvernement et du Conseil des ministres qui en assure la parution. L’intérêt pour le compte-rendu du Conseil des ministres ne date pas d’aujourd’hui. Des hommes et des femmes gardent en mémoire que sous la Révolution populaire et démocratique (RDP), les réunions des Conseils des ministres du Conseil National de la Révolution (CNR) et des quatre Coordonnateurs du Faso étaient attendues dans l’angoisse.

La rumeur dit que sous le régime des colonels du président Saye Zerbo, et plus tard sous le CNR, dans de nombreux foyers, on ne touchait au repas du soir qu’après avoir écouté le compte-rendu du Conseil des ministres lu par le lieutenant Kambou au tant du Comité militaire de redressement pour le progrès national (CMRPN) des colonels, puis après par les journalistes attitrés, sous le CNR. On constate un réel engouement pour les conseils des ministres dans les périodes qui suivent les remaniements ministériels. Des ministres nouvellement nommés se fixent pour priorité de "nettoyer tout" avant de faire quoi que ce soit. Ils avancent comme argument qu’ils ne peuvent travailler qu’avec des personnes en qui ils ont entièrement confiance. Mais ces arguments cachent mal une volonté de nommer des parents et des amis à des postes de responsabilité.

De nos jours, le très grand intérêt que suscitent les comptes-rendus des travaux des conseils des ministres s’explique principalement par deux choses. La première ce sont les nominations, et le désir d’être parmi les premiers à présenter ses félicitations aux lauréats. Bien sûr, cela n’est pas sans arrière pensée. On espère que désormais on aura les bons d’essence et d’autres facilités. La seconde tient au nominé lui-même qui peut se prévaloir d’une reconnaissance officielle de ses mérites, mais aussi faire savoir ses nouveaux pouvoirs à son entourage. Il reste maintenant à se demander si tout ce qu’on lit et entend dans le compte-rendu des conseils des ministres mérite vraiment d’y figurer. Sans perdre de vue l’obligation pour l’administration ou les administrations de laisser à tout moment des traces de leurs actes, on peut estimer que certaines informations devraient être prises en interne entre deux ou trois départements ministériels.

C’est le cas notamment de ces interminables renouvellements des membres des conseils d’administration. Il y a aussi le cas de certaines sanctions prononcées contre des fonctionnaires où les sommes objet de la sanction sont minimes, tant et si bien qu’on se demande souvent si l’idée d’humilier le fonctionnaire en question n’a pas pris le pas parfois sur la recherche de la transparence et la lutte contre le mauvais emploi que des citoyens font des deniers publics. Une décision de sanction ou tout autre chose prise en Conseil des ministres porte le sceau du Chef de l’État.

En cas d’erreur, à qui revient l’imputabilité de cette erreur ? Le ministre qui a inscrit la question pour examen en Conseil des ministres, au Premier ministre ou au Chef de l’État ? Il nous revient à l’esprit cette affaire d’un opérateur économique de la place, qui a été décoré pour se voir peu de temps après, retirer sa médaille. Il existe des pays où les conseils des ministres qui se tiennent sous la présidence d’un président de la République sont très rares. Cependant, les conseils des ministres, outre qu’ils permettent chaque semaine de resserrer la cohésion de l’action de l’exécutif, sont une preuve du fonctionnement et du dynamisme de l’État. Malheureusement, pour de nombreuses personnes, l’unique intérêt des conseils des ministres c’est qu’ils prononcent des nominations et attribuent des marchés publics. De là résulte l’importance qu’elles leur accordent. Nomination, quand tu nous tiens !

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