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Affaire ONATEL : Le SYNATEL dénonce “la mauvaise gestion de l’entreprise”

Publié le lundi 3 novembre 2008 à 01h43min

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Dans le bras de fer qui oppose le personnel de l’ONATEL au directeur général, le secrétaire général du Syndicat national des télécommunications (SYNATEL), Souleymane Sow, explique les circonstances qui ont pourri le climat de travail depuis la reprise de l’entreprise en décembre 2007 par Maroc Télécom. Pour Sow, le personnel réclame le départ de directeur général, accusé d’être à l’origine des problèmes sociaux et de gestion opaque.

Sidwaya (S.) : Pourquoi les travailleurs de l’ONATEL sont-ils en colère ?

Souleymane Sow (S.S.) : Nous sommes en grève depuis les 22 et 23 octobre derniers. On a déposé une plate-forme revendicative sur laquelle on a échangé avec la direction générale. Mais, on s’est aperçu au cours des négociations qu’il y avait un manque de considération vis-à-vis des travailleurs, leur structure syndicale et les revendications posées. Cela nous a peiné, vu que la direction ne nous prenait pas au sérieux. Les négociations traînent depuis quatre mois. Au final, on n’a rien obtenu.

C’est ce qui justifie le dépôt d’un préavis de grève. C’est à la dernière minute que la direction est passée par le ministère du Travail pour rencontrer les travailleurs. Quand ils nous ont rencontrés, on s’attendait à des réponses concrètes aux préoccupations. Mais à notre grand étonnement, c’était peine perdue. On n’a eu aucune solution véritable. Pendant que nous réclamons des augmentations de salaire, ils tournent en rond en nous renvoyant à un cabinet dont ils avaient annoncé les résultats des travaux depuis mars 2008. Nous sommes en octobre et ils continuent de nous y renvoyer pour la hausse salariale. Les ministres du Travail et des TIC ont constaté eux-mêmes qu’on était arrivé à un échec des pourparlers.

On n’était plus donc conciliable, du fait de l’intransigeance de la direction générale qui refuse de faire des propositions concrètes. A la suite de cela, la grève a été largement suivie à près de 98 % sur le territoire national. Les travailleurs ont estimé, au vu de leur mobilisation, de leur détermination qu’étant la première ressource de l’ONATEL, on ne peut comprendre que les premiers responsables restent insensibles à leurs revendications. Les travailleurs ont alors décidé spontanément, le vendredi 24 octobre 2008, de se retrouver pour réclamer le départ du directeur général.

S. : Que reprochez-vous à la direction générale ?

S.S. : Nous réclamons le départ du directeur général pour la simple raison que les travailleurs considèrent que les problèmes sociaux vécus en ce moment à l’ONATEL sont les conséquences d’une mauvaise gestion de l’entreprise. Sur les unités de production, les agents manquent de câbles pour réaliser les nouveaux branchements. Ils sont obligés de recourir aux vieux câbles abandonnés pour faire des dépannages. Des abonnés attendent depuis plusieurs mois sans être satisfaits, faute de matériel. De même, les futurs abonnés qui ont demandé des téléphones ne sont pas servis. Toutes ces raisons ont amené les travailleurs à exiger de façon spontanée, le départ du DG. Le syndicat est le porte-voix naturel des travailleurs qui ont demandé que désormais notre lutte soit axée sur le départ du directeur général, du directeur financier et administratif (DAF) et du Directeur technique. Car, il y a un flou total dans la gestion des finances. On a remarqué des actes contraires à la bonne gestion.

On a donc décidé que le DAF parte aussi. Dans le département réseau, le directeur technique, de façon intempestive, intervient à tous les niveaux, créant un désordre total dans les services techniques. Il peut venir sauter votre chef de service pour s’adresser à vous ou intervenir dans un projet en cours pour donner des instructions ou faire des modifications. Cela fait qu’on a du mal à gérer le service avec une certaine efficacité à cause de ces interventions désordonnées. Lui aussi, il est sur la liste des partants réclamés. Actuellement, nous ne sommes pas en grève, nous sommes en sit-in. Nous sommes sur notre lieu de travail. On est mécontent de la gestion de notre direction. On réclame vraiment leur départ.

S. : Autrement dit, le sit-in continuera tant que le DG est là...

S.S. : Si. C’est ce que nous réclamons. Si tout à l’heure, on nous appelle pour dire que nos revendications sont satisfaites, les travailleurs reprendront immédiatement le travail.

S. : Quelle est votre principale revendication à l’heure actuelle ?

S.S. : Le départ du DG et sa suite.

S. : Pensez-vous que ces départs vont résoudre vos problèmes ?

S.S. : Absolument. Leur départ est non négociable et son remplaçant aura certainement plus d’égard pour la plate-forme revendicative des travailleurs.

S. : Que voulez-vous dire par “ils n’ont pas d’égard pour notre plate-forme” ?

S.S. : Nous disons qu’ils n’ont aucun respect à notre égard. Leur attitude au sein de l’entreprise se caractérise par leur arrogance, leur suffisance. Ils disent qu’ils ont acheté l’ONATEL et peuvent donc en faire ce qu’ils veulent. Par exemple, vous partez en mission et il vous faut attendre près de deux mois pour bénéficier des frais de mission. Cela ne peut pas se justifier dans une entreprise comme l’ONATEL. Surtout quand on voit les coûts exorbitants liés à l’entretien de leurs maisons, leurs piscines et autres commodités. Quand on voit cela et qu’ils sont réticents sur les revendications de travailleurs, admettez que c’est incompréhensible. C’est écoeurant et révoltant. C’est d’ailleurs pourquoi nous considérons qu’ils n’ont aucun respect pour les travailleurs.

S. : Croyez-vous que vos conditions de travail se soient dégradées après la reprise de ONATEL par Maroc Télécom en décembre 2007 ?

S.S. : Elles se sont considérablement détériorées. Ils sont venus plaquer un organigramme totalement inadapté. Ils n’ont pas permis aux travailleurs et à leur syndicat de faire de suggestions pour recadrer cet organigramme dont l’application a créé un désordre au sein de l’entreprise au point où un agent peut se retrouver à se demander qui est son supérieur hiérarchique. Ce nouvel organigramme a créé le chômage technique à certains postes. Il y a en fait une mise à l’écart des cadres nationaux. Nous considérons cela comme étant des preuves de dégradation des conditions de travail. Mais, elle n’est pas seulement ce que subissent les agents, il y a ce qui vient. Ce qu’ils préparent pour nous. Aujourd’hui, l’ONATEL externalise systématiquement ses services. Désormais, le fournisseur fait tout. Il installe le matériel, se charge de l’exploitation, s’occupe de la maintenance, etc. Ceux qui ont été formés à cette tâche feront quoi alors ? Nous prévoyons que sur le long terme, cela ne débouche sur un licenciement massif. Il n’y a pas pires conditions de travail pour un travailleur que le licenciement.

S. : Vous parliez tantôt de flou dans la gestion des finances. De quoi s’agit-il ?

S.S. : Quand vous prenez l’exemple des experts marocains ici, en principe on doit avoir un contrat qui indique clairement les termes et l’argent prévu pour être dépensé. Mais dans le cas d’espèce, nous ne savons pas ce qui se passe. Car ça n’apparaît nulle part sur le bilan. On ne permet pas aux Burkinabè d’avoir accès à l’information jusqu’à un certain niveau.

S. : Faites-vous allusion au bilan de 13 milliards publié dans le site Internet de Maroc Télécom qui a été revu à la baisse plus tard à 6 milliards ?

S.S. : Cet élément a fait l’objet d’un sit-in à un moment donné. C’est ce manque de transparence que nous dénonçons. On n’a pas accès aux chiffres. Il y en avait des chiffres officiels publiés sur leur site. Donc, les travailleurs se sont dit que s’ils mettent des chiffres comme ça sur leur site, c’est que ce sont des données officielles. Nous avions fondé nos revendications sur ces chiffres. En réponse, la direction a dit que ce qui a été annoncé sur le site n’a pas été consolidé. Et d’ailleurs que ce bilan n’a pas été élaboré suivant les normes du droit OHADA. Et que le retour à cette norme donne 6 milliards au lieu de 13 milliards de F CFA. Tout cela est arrivé par manque de communication. Nous retenons que c’est un manque de transparence autour de la gestion financière.

S. : Avez-vous fait part de vos préoccupations au conseil d’administration ?

S.S. : Le conseil d’administration qui nous a rencontrés a seulement laisser le choix au directeur financier d’expliquer ces chiffres.

S. : Et sur la crise actuelle ?

S.S. : Nous avons adressé une lettre au conseil d’administration suite à toutes les dérives constatées.

S. : Pensez-vous qu’il est du droit des agents de réclamer le départ du directeur général ?

S.S. : Nous n’avons pas dénoncé le contrat qui fait de Maroc Télécom l’actionnaire majoritaire à 51 % des parts et donc propriétaire de l’ONATEL. Mais, nous disons que l’entreprise ONATEL a été chèrement bâtie par le gouvernement, les travailleurs pour connaître le rayonnement qui est le sien aujourd’hui. Nous travailleurs de l’ONATEL, estimons avoir le droit d’exiger leur départ de quiconque voudrait mettre en péril les acquis de l’entreprise. Ne pas dénoncer voudrait dire que nous commettons un forfait. Car c’est un problème national. On ne peut être travailleur que quand l’entreprise fonctionne. Il est de notre droit de poser le problème pour que qui de droit prenne ses responsabilités.

S. : Pouvez-vous citer quelques points de la plate-forme revendicative qui n’ont pas été examinés favorablement comme vous le dites par la direction générale ?

S.S. : Les revendications portent sur le relèvement des salaires à 40 %, les indemnités de logements et de transports respectivement à 50 et 100 %. Ce sont des points essentiels contenus dans la plate-forme sur lesquels la direction ne veut pas faire de concession. Nous sommes déterminés à aller jusqu’à la satisfaction de notre plate-forme. Tant que les travailleurs restent mobilisés, le SYNATEL sera là pour que leurs revendications soient prises en compte.

Entretien réalisé par Rabankhi Abou-Bâkr ZIDA (rabankhi@yahoo.fr) et S. Nadoun COULIBALY (cou_nad@yahoo.fr)

Sidwaya

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