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Privatisation de l’ONATEL : Voilà où ça mène

Publié le dimanche 26 octobre 2008 à 23h40min

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Le 29 décembre 2006, l’Etat burkinabè cédait 51% des parts de l’ONATEL (Office national des télécommunications) à MAROC-TELECOM. Du coup, 144 milliards de francs CFA tombaient dans les caisses du Trésor burkinabè. Etaient en lice pour la reprise de la société quatre prétendants, que sont TELENOR, une entreprise norvégienne ; TELECOM AFRICA CORPORATION, propriété d’un groupe d’investisseurs privés basé aux Etats-Unis d’Amérique ; ZTE/LAAICO, société d’investissement libyenne et, en enfin, Maroc-Telecom, une société de droit marocain dont 40% du capital appartiennent à la société française Vivendi et qui a finalement gagné la bataille.

Et visiblement, le jour de l’acte de cession à l’hôtel Sofitel Ouaga 2000, chacun se frottait les mains, à commencer par le ministre du Commerce de l’époque, Benoît Ouattara, qui se réjouissait de l’opération, en soulignant l’engagement et le professionnalisme avérés du repreneur stratégique potentiel. Laquelle structure, a-t-il ajouté, est une garantie pour la mise en œuvre du plan de développement cohérent et continu, susceptible d’ériger cette société, qui comptait alors plus de 1200 agents, en 2002, en leader des télécommunications aux plans national et sous-régional. Oui, tout les acteurs étaient contents…ou presque.

Le Syndicat national des télécommunications (SYNATEL), par contre, avait tiré la sonnette d’alarme, prévenant que la privatisation des télécommunications n’est pas une fin en soi, surtout que la plupart des pays qui s’y sont aventurés ont connu une défaite cuisante. Par ces propos, les membres de cette structure conseillaient d’aller prudemment et étape par étape. Mais autant prêcher dans le désert, puisque le syndicaliste, c’est une rengaine bien connue, aime à ramer à contre-courant des idées généralement admises. Quitte parfois à faire dans la surenchère et la démagogie, mais sans cela il ne serait pas syndicaliste.

C’est vrai qu’il existe des modèles de privatisations réussies, et cette option permet souvent de booster le rendement d’une entreprise tout en déchargeant l’Etat, qui, selon une formule désormais consacrée, ne peut à la fois construire des routes, des écoles, des hôpitaux et vendre des bonbons, des chaussures ou des puces téléphoniques. Le rôle de l’Etat n’est-il d’ailleurs pas d’organiser le jeu économique, ce qui suppose qu’il se désengage du secteur productif et concurrentiel ? Cependant, ce qui se passe actuellement du côté de l’avenue de la Nation interpelle plus d’un citoyen.

Le premier couac a déjà eu lieu le jeudi 25 octobre 2007, soit moins d’un an après la cession de l’Office national des télécommunications (ONATEL). Les lecteurs de l’Observateur Paalga en avaient eu échos à travers la plume de notre reporter Kader Traoré, dans l’édition n°6999 du 26 au 28 octobre 2007. Extraits : « Comme à l’accoutumée, les agents de Ouaga étaient dès 7h 30 à leur lieu de travail, mais pas dans les bureaux. Ils avaient occupé la devanture de leur service, attendant l’arrivée du directeur général. Lorsque le DG de l’ONATEL a franchi le portail, tous entrèrent dans la cour.

C’était d’ailleurs la consigne donnée la veille (le mercredi soir) par les responsables de ce mouvement. Cette grogne trouve son explication dans la non-satisfaction des préoccupations des travailleurs de la nationale des télécommunications. Pire, les agents, sinon les responsables syndicaux de l’ONATEL, sont très frustrés, car ils estiment que la direction générale ne veut pas les entendre. Interrogés, les agents affirment tous en chœur que leur nouveau directeur général, Morshid Mohamed, ne veut pas dialoguer avec eux ». Depuis lors, c’est une situation de ni-guerre ni-paix qui y règne sur fond de désertion de certains cadres, qui fuient tels des rats se dépêchant de quitter un navire en perdition.

Mercredi et jeudi derniers encore, les travailleurs ont observé un mouvement de grève pour non-satisfaction de leur plate-forme revendicative. Pire, le vendredi 24 octobre 2008, soit le jour qui a suivi la fin du débrayage, l’on a senti comme une radicalisation de leur position avec ce sit-in à la direction générale de la société pour exiger le départ du maître des lieux et de son Directeur des Affaires administratives et financières. Ni plus ni moins. Heureusement que dans ce secteur d’activité, la machine exécute une bonne partie des tâches. Si tel n’était pas le cas, imaginons la montagne de désagréments que cette situation allait causer aux usagers, sans compter le manque à gagner financier pour la structure si les liaisons nationales et internationales étaient interrompues.

Déjà, il est clair que la crédibilité de la première maison de téléphonie au Burkina va en souffrir, surtout avec ces travailleurs qui ne veulent pas en démordre, eux qui accusent les repreneurs de tous les péchés d’Israël : incohérences dans la grille salariale, frais de missions scandaleux, part belle faite à l’expertise extérieure, notamment marocaine au détriment de celle nationale, pourtant compétente. En somme, pour la partie mécontente, le peu d’égard que les repreneurs ont pour les nationaux. Certains vont jusqu’à suspecter les sujets de Sa Majesté Mohamed VI de racisme à peine voilé vis-à-vis des négrillons.

Que les récriminations des travailleurs soient toutes fondées ou pas, le cas ONATEL repose justement le problème des privatisations en Afrique et ailleurs. Nos gouvernants ont-ils vu juste en décidant d’une très large ouverture des actions d’entreprises, dont la plupart, c’est le cas de l’ONATEL, marchaient très bien dans leur statut de société d’Etat ?

Par ces temps qui courent, il est difficile d’y répondre par l’affirmative quand on se rend compte que même les pays précurseurs dans ce mode de gestion, après nous avoir obligé à brader notre fragile tissu économique à des « investisseurs privés » parfois insolvables, nationalisent aujourd’hui à tour de bras leurs sociétés qui sont en faillite et dont ils s’étaient « débarrassées » sans état d’âme. Les exemples les plus patents, on les trouve en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, ce couple fervent défenseur de l’ultralibéralisme, de programmes d’ajustements structurels et de la mondialisation.

Une preuve, s’il en est encore besoin de le dire, que le bon exemple ne vient pas toujours de là où l’on pense. Touchons du bois pour que les gros nuages qui se sont amoncelés dans le ciel ONATEL puissent être dispersés grâce aux actions conjuguées du gouvernement, de MAROC-TELECOM et aussi des travailleurs, car il faut bien que chacun mette un peu d’eau dans son vin pour sauver l’essentiel.

En attendant, cette situation devrait permettre à nos gouvernants de réfléchir désormais par deux fois avant de privatiser les entreprises en voie de l’être. En disant cela, nous pensons à des entreprises stratégiques comme la société de distribution des hydrocarbures (SONABHY) et à la nationale de l’électricité (SONABEL). C’est à cette seule condition que l’on pourra enfin dire qu’à quelque chose, malheur est bon

La Rédaction

L’Observateur Paalga

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