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RAPT D’UN OPPOSANT EQUATO-GUINEEN AU CAMEROUN : Réfugiés en danger !

Publié le dimanche 19 octobre 2008 à 23h43min

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Le récent enlèvement d’un opposant équato-guinéen au Cameroun illustre jusqu’à quel point les réfugiés sont en danger en Afrique. Cet acte laisse perplexe du fait de ses multiples interrogations. Quel est le statut véritable de l’intéressé ? Bénéficie-t-il réellement de la protection de l’Etat camerounais ? Pourquoi les autorités de la Guinée équatoriale ont-elles pris le risque de provoquer un incident diplomatique ? N’aurait-il pas été préférable de faire une demande d’expulsion officielle si tant est qu’il y avait délit ?

Qu’entend faire le Cameroun en cas d’ex-filtration de l’opposant ? Qu’en est-il des autres réfugiés et quelles mesures sont envisagées pour assurer dorénavant leur protection ? La question des réfugiés laisse à désirer dans les pays d’accueil. Car, en plus des difficultés de la vie quotidienne qu’il partage avec les populations, le réfugié vit ses propres angoisses.

Combien d’entre nous en savent-ils sur le drame quotidien de ceux qui, la peur au ventre, ont dû subitement un jour tourner le dos à leur pays, parfois après avoir tout perdu ? Pour ceux qui décident de s’établir définitivement et de s’enraciner dans les cultures locales, il y aura toujours la peur des différences que malheureusement les circonstances remettent impitoyablement à nu au moment le plus inattendu. Pour les plus nostalgiques qui espèrent un jour retourner au pays natal, la vie sera sans cesse rythmée par des hésistations. Comment revenir en arrière sans redouter les incertitudes d’un changement de régime politique, économique ou sociale ? L’évolution du continent montre que partout la situation est précaire.

Ceci en raison même du poids de la mal gouvernance, laquelle conduit inévitablement à des situations de blocage et donne prétexte à des levées de boucliers. Chaque pays, d’une façon ou d’une autre, connaît donc des remous sociaux profonds, des formes diverses de guerres civiles, larvées ou perlées. Ainsi, des pays dont on n’osait pas douter de la stabilité et de la prospérité sur le long terme, ont fini par donner la preuve qu’effectivement, nul n’est à l’abri du feu qui couve ailleurs. L’Afrique draîne des millions de réfugiés car la mal gouvernance y est une réalité tenace. Certains dirigeants ne font aucun effort sérieux pour faire avancer la démocratie dans leurs pays. Les libertés démocratiques y sont quasi inexistantes, et chaque jour que Dieu fait, des opposants, parfois même d’anciens collaborateurs exploités puis humiliés, empruntent malgré eux le dur chemin de l’exil. Le réfugié dont la tête est mise à prix dans son pays d’origine, demeure donc une cible de choix tant pour les délateurs que pour les professionnels et les amateurs du rapt.

La situation prend des proportions inquiétantes en raison de la corruption qui gangrène les services publics et pousse les fonctionnaires véreux à troquer leur signature contre des espèces sonnantes et trébuchantes. N’est-il pas indécent dans l’exemple camerounais de voir agir ainsi des agents de sécurité, donc du personnel assermenté chargé de faire respecter la loi et de veiller à la sécurtié individuelle et collective ? Il y a comme un "deal" au nom de la vie chère et des salaires de misères qui sont ceux des travailleurs camerounais. A raison de 15 millions de CFA chacun, les deux agents indélicats ont à coup sûr, trouvé préférable de risquer la prison que de poursuivre une vie d’enfer qui s’intensifiera lorsque viendra la période de la retraite. Ces pratiques aussi honteuses confirment bien la perte des répères. Une valeur aussi légendaire que celle de l’hospitalité africaine, est sérieusement en panne dans plusieurs de nos pays. Malgré les tentatives d’intégration, force est de reconnaître en effet que l’acceptation de l’autre reste encore un vœu pieux. Ceci est valable tant à l’intérieur d’un pays qu’à travers les régions du continent. Par ailleurs, le réfugié africain vit dans des conditions précaires.

Parti de chez lui à la sauvette, il n’aspirait cependant pas, une fois son intégrité physique et morale préservée, à vivre dans le pays d’accueil dans des conditions parfois indescriptibles. Il reste que la plupart de nos pays ne peuvent offrir que ce qu’ils ont, assujettis comme ils sont à des politiques économiques et sociales déplorables. Tout comme le citoyen lambda, le réfugié subit lui aussi les affres d’un environnement qu’il n’a pas souhaité. Enfin, de plus en plus l’Occident ferme ses portes au réfugié africain. Outre les restrictions budgétaires, la montée des forces conservatrices généralement hostiles à l’ouverture des frontières, il faut aussi compter avec les abus de toutes sortes qui portent sérieusement un coup à la crédibilité des demandeurs d’asile. Le rapt crapuleux enregistré au Cameroun n’est pas chose banale. Le gouvernement Biya, comme tous les autres sur le continent, est responsable devant la communauté internationale de la vie des réfugiés se trouvant sur son sol.

Par conséquent, il doit porter assistance à la victime du rapt. C’est une question d’honneur et de bon sens. Les autorités camerounaises risquent leur crédibilité, elles qui cherchent à convaincre l’opinion et les partenaires techniques et financiers, de leur détermination à combattre la corruption. Mais comment convaincre de l’efficacité d’une telle politique si les policiers eux-mêmes peuvent se transformer en délinquants ? Au-delà du Cameroun, cet acte inqualifiable interpelle autant les dirigeants du continent, notamment l’Union africaine, que ceux de la communauté internationale. Ils devraient prendre ce dossier au sérieux et suivre de près la question des libertés démocratiques en Guinée équatoriale. De même, il est temps de revoir les instruments de mesure de la démocratie à travers la capacité des Etats africains à héberger les réfugiés politiques. L’idéal, bien sûr, est qu’il n’en existe pas. Car tout réfugié politique est le résultat de la non-existence d’un Etat de droit.

"Le Pays"

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