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L’Histoire est une et indivisible

Publié le vendredi 17 octobre 2008 à 09h48min

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Il faudrait alors craindre que bien de mythes ne tombent ; les rêves de plus d’une génération avec. En effet, si les morts ont systématiquement raison devant les vivants, ils ne peuvent par contre se soustraire à la vérité de l’Histoire, qui, elle, est implacable et ne s’embarrasse d’aucun statut. A titre d’exemple, le Burkina Faso, faut-il le rappeler, a connu plus de régimes d’exception que constitutionnels dans sa courte histoire politique.

Des régimes d’exception qui ne sont pas tous advenus en douceur. Ce qui oblige, si on arrivait à l’extrémité d’ouvrir le dossier SANKARA, à ouvrir tous les autres, ce qui pourrait valoir des surprises désagréables à certains sankaristes.

Alors même que la Commission des droits de l’Homme de l’ONU a clos le dossier Thomas SANKARA, certains esprits malins se plaisent à réclamer sa réouverture à la faveur des propos discordants tenus, le 28 août dernier, par Prince JOHNSON devant la Commission Vérité et Réconciliation (CVR) de son pays. C’est la preuve comme nous n’avons jamais cessé de le rappeler que le dossier a bel et bien quitté le prétoire pour servir de fonds de commerce politique à certains.
« Le dossier Thomas SANKARA doit être rouvert à cause des propos tenus par Prince JOHNSON devant la CPI ».

Ceux qui tiennent cet argumentaire au motif que Prince JOHNSON a déclaré être venu « sur ordre » au Burkina Faso, « exécuter » Thomas SANKARA, sont loin de vouloir, comme ils le prétendent, la justice pour le défunt président du Conseil national de la révolution (CNR). En effet, et comme nous n’avons eu de cesse de le rappeler, il est difficile, voire impossible, « d’ouvrir » un dossier de coup d’Etat devant une juridiction de jugement du moins quand ledit coup d’Etat est consommé. Cela n’est pas loin d’être un exercice inutile si tant est qu’il est difficile de rétablir les faits dans toute leur véracité pour savoir qui a fait quoi, même si on peut arguer de façon simpliste que le bénéficiaire du coup d’Etat en est l’instigateur principal.

Qui plus est, dans le cas d’espèce, les antagonismes étaient si exacerbés entre les deux camps et les rumeurs de coup d’Etat « circulaient » de toutes parts, que l’on peut parler de légitime défense pour ceux qui sont sortis indemnes de cette situation malheureuse. Lesquels, loin de savourer leur victoire, ont plutôt reconnu dans le défunt, « un camarade qui s’est trompé ». Par la suite, ils l’ont élevé au rang de héros national pour lui accorder toute la place qui est la sienne dans l’histoire politique du Burkina Faso. Les tentatives de réconciliation avec la famille du défunt, même si elles ont été vaines, n’ont jamais manqué. C’est dire si contrition il y a eu, ce qui ne semble pas être le cas chez ceux qui triturent cette affaire pour en tirer des dividendes politiques.

Tout héritier de SANKARA qu’ils se prétendent, ils n’ont pas hésité à se battre comme des chiffonniers autour des 15 millions de francs CFA que la veuve de celui-ci leur avait donnés pour organiser la « lutte ». Un épisode malheureux qui reste vivace dans les mémoires, et qui a depuis divisé profondément la « famille ». On a, du reste, remarqué qu’au niveau des sankaristes, l’utilisation des propos de Prince JOHNSON n’est pas la même. Les plus sages ont, en effet, compris qu’il fallait se battre avec des moyens orthodoxes pour exister en politique, ce qui leur vaut le respect de la communauté entière.

Quant à ceux qui pensent que ce dossier va leur donner une carrure nationale, l’histoire montre qu’ils sont en train de reculer sur l’échiquier politique. On est mémoratif que lors des législatives de 2002, ils avaient effectué une percée remarquable avec un nombre de députés que leur jeunesse n’aurait pas dû leur conférer. C’est qu’à l’époque, leur argumentaire avait quelque peu fait illusion à un moment où de nombreux électeurs accordaient volontiers une prime à la démagogie. De nos jours, le disque est rayé et le son a de la peine à se faire entendre. Ils en sont donc à se raccrocher à des branches pourries avec de fortes chances de se casser la figure.

Les propos de Prince Johnson n’apportent en effet rien de nouveau au plan juridique et ne sauraient faire rebondir conséquemment l’affaire. D’ailleurs, quel crédit peut-on honnêtement accorder à un Prince JOHNSON qui serait prêt à toutes les affabulations pour se tirer du pétrin dans lequel lui et son ex-mentor sont empêtrés. Et puis, pour des révélations dans une affaire aussi délicate, il faut avouer que c’est un peu trop court, pour ne pas dire que « ce n’est pas arrivé ! ».

Pour se fier aux déclarations d’un personnage, aussi sulfureux que peu recommandable, sans nul doute que nos sankaristes et toutes ces bonnes âmes, qui se « souviennent » brutalement qu’une certaine rumeur avait fait cas d’une implication libérienne dans le drame du 15 octobre 1987, doivent être à court d’arguments. Chassez le naturel, il revient au galop, dit-on. D’autant plus que dans cette affaire, même les personnes qui semblent les plus équilibrées se surprennent à préférer les fables et récits rocambolesques aux réalités, qui, elles, sont souvent d’une si affligeante trivialité qu’elles ne nourrissent pas les rêves. En l’occurrence, comment peut-on admettre que s’il y a eu trahison entre les révolutionnaires du 4 août le 15 octobre 1987 cela n’a pas été le fait de ceux qui ont survécu, mais celui de ceux qui sont tombés ce jour ?

Dans tous les cas il est très peu plausible que le Burkina qui était prêt à toutes les guerres pour débarrasser le continent de l’oppression, qui « abattait » les dictateurs et les dictatures à coup de slogans, se laisse aller à quelques scrupules au point de faire obstacle au débarquement de Samuel DOE comme le laisse entendre Prince JOHNSON et consort.
Pour revenir au procès que certains font mine d’appeler de tous leurs vœux comme s’ils étaient sûrs que leur cause y triompherait, ce n’est pas tant la commission d’un coup d’Etat que sa nature qui rend son jugement difficile.

Qui peut savoir ce qui peut sortir d’un pareil procès ? Parce que si jusque-là des acteurs de l’époque s’obligent à une certaine réserve, il n’est pas évident qu’ils le puissent s’ils devaient être à la barre. Il faudrait alors craindre que bien de mythes ne tombent ; les rêves de plus d’une génération avec. En effet, si les morts ont systématiquement raison devant les vivants, ils ne peuvent par contre se soustraire à la vérité de l’Histoire, qui, elle, est implacable et ne s’embarrasse d’aucun statut. A titre d’exemple, le Burkina Faso, faut-il le rappeler, a connu plus de régimes d’exception que constitutionnels dans sa courte histoire politique.

Des régimes d’exception qui ne sont pas tous advenus en douceur. Ce qui oblige, si on arrivait à l’extrémité d’ouvrir le dossier SANKARA, à ouvrir tous les autres, ce qui pourrait valoir des surprises désagréables à certains sankaristes. Ceux-ci ont en effet oublié ( ?) qu’ils ont été les bénéficiaires d’un de ces coups d’Etat et qu’ils ont, à une certaine époque, approuvé publiquement certaines exécutions capitales. Et puis, notre si « grande révolution » a été loin de ne faire que des heureux dans ce pays ! Combien de Burkinabè sont passés de vie à trépas soit directement soit indirectement d’elle ou de l’une quelconque de ses mesures ? Ces morts sont-ils moins méritants que les autres ? Sied-il d’insulter la douleur de leurs ayants-droit et leur mémoire en privilégiant un « dossier par rapport à tous les autres » ? Plus généralement, l’Etat de droit apaisé que nous vivons, gagne-t-il à réveiller les vieux démons ?

Si l’on veut inculquer une culture démocratique aux jeunes générations, il y a un impératif à rompre avec cette habitude d’exhumer certaines affaires et de les brandir tels des épouvantails. On inocule ainsi le virus de l’intolérance dans une société qui gagne progressivement en harmonie. La République se bâtit progressivement et il faudrait faire attention à ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Que nos tartufes en prennent de la graine.

Par Alpha YAYA

L’Opinion

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