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Côte d’Ivoire :Un jeu de ping-pong politique

Publié le mardi 29 juin 2004 à 08h13min

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G. Soro et L. Gbagbo

A l’image d’un bâteau ivre, le "navire" Côte d’Ivoire ne cesse de
tanguer sur le rocher de l’instabilité socio-économique et
politique. Pas facile de recoller les morceaux de la crise. Les
multiples rencontres susceptibles de donner un contenu au
consensus et à la paix se sont soldées par des échecs
cuisants. Le président ivoirien, Laurent Gbagbo, semble très
bien se sentir dans cette crise à rebondissements.

Toujours
prompt à prendre des engagements mais incapable de tenir
ses promesses. Sans doute le fait-il à dessein. Et de façon
cavalière. Combien de conclaves dits "de dernière chance" y
a-t-il eus à propos de la crise ivoirienne ? Le président en
exercice de la CEDEAO, John Kufur, a tenté à plusieurs reprises
de reconcilier les différents protagonistes. En vain.

Gnassingbé
Eyadéma du Togo, Moammar El Khadafi de la Libye, Olesegun
Obassandjo du Nigeria, Lansana Conté de la Guinée et bien
d’autres chefs d’Etat se sont livrés sans succès à cet exercice.
Pourtant, le remède, savamment concocté à Marcoussis, a été
servi aux acteurs ivoiriens sur un plateau d’or. Restait donc à
passer à l’application de cette potion curative. Et c’est justement
à ce niveau qu’il y a problème.

La rencontre prévue ce mercredi
entre Laurent Gbagbo et les autres signataires des accords de
Marcoussis, à Yamoussoukro, ville natale de feu Félix
Houphouët Boigny, risque d’être une rencontre de plus. Déjà, le
Secrétaire général des Forces nouvelles, Guillaume Soro, a
exprimé son ras-le-bol face aux attitudes de Gbagbo et a déclaré
qu’il ne participerait pas à cette énième réunion. Gardant sans
doute aussi en mémoire le récent attentat qui a failli lui ôter la
vie et les tueries des 25 et 26 mars à Abidjan.

Laurent Gbagbo veut ainsi faire passer en force la pillule du
consensus. Oubliant royalement que la paix ne peut résulter que
d’un dialogue franc et d’une détermination farouche des acteurs
politiques à sortir de la crise.

Mais la Côte d’Ivoire malade refuse
délibérément de se soigner. Apparemment, certains
protagonistes y trouvent leurs comptes et ne souhaiteraient
donc pas que la situation revienne à la normale. La plupart
d’entre eux se trouvent dans l’entourge du président Gbagbo.
Au niveau du camp adverse, on se livre plutôt à des querelles
de clocher et de leadership. Les bisbilles politiques entre
Ibrahim Coulibaly dit "IB" sous surveillance judiciaire en France,
et Guillaume Soro risquent de fragiliser les forces nouvelles.

Ces incohérences sont naturellement profitables à Laurent
Gbagbo qui ne manque d’ailleurs pas de stratégies pour que de
telles scènes se répètent. Il a toujours su diviser pour mieux
régner. Mais les partis signataires des accords de Marcoussis,
mis à part le Front populaire ivoirien (FPI, parti au pouvoir) ne
sont pas prêts à se faire rouler dans la farine. Malgré tout,
Gbagbo persiste et signe : il faut que sa volonté soit faite. Pour
cela, il ne lésine pas sur les moyens.

La rencontre de demain est décisive. Mais les faits sont têtus.
Une lecture de la crise ivoirienne montre fort bien que la
recherche de la paix ne saurait se limiter à des discours. Il ne
sert à rien de tenir de multiples rencontres si l’on n’est pas
soi-même résolu à tracer de façon concrète, les chemins
conduisant à la concorde nationale.

Si la Côte d’Ivoire ne se résout pas à s’engager fermement
dans cette voie, elle risque de basculer complètement dans le
chaos. Son économie se porte très mal. Les communautés
étrangères ont été forcées de déserter les champs de café, de
cacao, de cannes à sucre... Sur le plan politique, elle est
toujours à la recherche de ses repères. Au niveau social, la
difficile équation de la réconciliation est toujours à l’ordre du
jour.

La plupart des opérateurs économiques ouest-africains ont
déserté le port d’Abidjan pour d’autres destinations. Le Burkina,
le Mali et le Niger par exemple déposent désormais leurs
malles au port de Lomé (Togo) ou de Tema (Ghana). La santé
économique de la Côte d’Ivoire, majestueusement qualifiée
jadis d’"Eléphant d’Afrique", est donc chancelante et aura fort
probablement du mal à reprendre des énergies.

Tout dépend en réalité des signataires des accords de
Marcoussis et principalement du chef de l’Etat, Laurent Gbagbo.
C’est une erreur historique grave que ses les protagonistes
regretteront tôt ou tard. Car, de toute évidence, ils ont
délibérément enfoncé un poignard dans le flanc frémissant de
la réconciliation nationale. L’ancien président ivoirien, feu Félix
Houphouët Boigny doit être en train de se retourner dans sa
tombe. Lui qui affirmait à juste titre que "la paix, ce n’est pas un
mot, c’est un comportement".

Le Pays

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