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Rencontre sur la pratique transfrontalière de l’excision : Un engagement pour atteindre la tolérance zéro d’ici à 2015

Publié le jeudi 16 octobre 2008 à 00h39min

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Mme Chantal Compaoré et Mme Larba Tandja

La rencontre sur la pratique transfrontalière de l’excision, qui a débuté le 13 octobre 2008 à Ouagadougou, a clos ses travaux, hier mercredi 15 octobre. Placée sous le copatronnage de Mme Larba Tandja (Première dame du Niger) et de Mme Chantal Compaoré (Première dame du Burkina Faso), la rencontre a permis d’insister sur la nécessité d’une coopération sous-régionale pour éradiquer le phénomène de l’excision d’ici à 2015.

L’excision se pratique toujours au Burkina Faso, au Bénin, en Côte d’Ivoire, au Ghana, au Mali, au Niger et au Togo. La lutte contre ce phénomène dans ces pays est une réalité. Les résultats enregistrés sont disparates. La prévalence de l’excision est de 2,2% au Niger, de 49,85% au Ghana, Togo, Bénin, Côte d’Ivoire, Burkina Faso et de 85% au Mali. Il n’existe pas d’action concertée entre ces pays pour mener la lutte. Ceci favorise une pratique transfrontalière de l’excision. Le phénomène implique des familles, des filles ou des exciseuses qui se déplacent souvent spécialement d’un pays à un autre pour réaliser clandestinement l’excision.

L’intention étant de contourner ou enfreindre les lois interdisant la pratique. Et aussi, utiliser la frontière entre les Etats comme une barrière protectrice. Pour briser ces barrières et donner à la lutte un caractère transfrontalier, le ministère de l’Action sociale et de la Solidarité nationale du Burkina en partenariat avec le Fonds des Nations unies pour les femmes (UNIFEM) a convié les experts des ministres en charge de l’excision, les Premières dames ou leurs représentantes du Bénin, du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire, du Ghana, du Niger et du Togo pour réfléchir sur le phénomène de la pratique transfrontalière de l’excision. Des travaux des experts et des ministres, les participants se sont fait une idée sur les contours et l’ampleur du phénomène.

Ainsi, le Fonds des Nations unies pour les femmes a réalisé en partenariat avec le Centre de recherche et d’intervention en genre et développement, une étude exploratoire sur la question au niveau des zones frontalières entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Mali et le Niger. L’étude a révélé que la pratique existe mais les zones endémiques se situent à la frontière avec le Mali qui n’a pas de loi sur l’excision et la Côte d’Ivoire à cause de la période de crise. "Dans toutes les zones frontalières, les liens socioculturels entre les communautés servent de support à la pratique transfrontalière. Il y a aussi des réseaux bien organisés permettant de convoyer les filles à exciser", a précisé Mme le ministre de l’Action sociale et de la Solidarité nationale du Burkina, Pascaline Tamini.
L’excision transfrontalière est pratiquée dans le but de pouvoir contourner les dispositions juridiques.

La tolérance zéro, pour ne pas demeurer un idéal lointain, exige, selon la Première dame du Burkina, Chantal Compaoré, des stratégies intégrées et appropriées prenant en compte l’aspect spatial, temporel, idéologique et religieux. Mme Chantal Compaoré a également expliqué le parcours du Burkina dans la lutte contre cette pratique déshumanisante. En effet a-t-elle dit, le Burkina Faso a conçu son premier plan d’action de 1992 à 1995. Aujourd’hui, le Burkina Faso est à son 3e plan d’action tolérance zéro aux Mutilations génitales féminines (MGF) 2008-2012. L’expérience du Niger a été livrée par la Première dame du Niger, Larba Tandja.
Dans son pays, l’opération est exécutée par des personnes appelées "Wanzams". Mais dit-elle, il est encourageant de noter qu’à ce jour la prévalence de la pratique de l’excision au Niger a diminué pour se situer à 2,2% (enquête sur la démographie et de la santé 2006). La pratique varie à l’intérieur du Niger.

"Elle est quasi systématique chez les Gourmantchés vivant à l’Ouest du pays où le taux de prévalence est de 69%, assez présente dans la région de N’Guigmi à l’extrême Est du pays avec un taux de 40%, et plus faiblement dans la capitale et ses environs". Les représentants des Premières dames de la Côte d’Ivoire, Ohouochi Clotilde, du Bénin Mema Buo Mamatou, du Ghana, Mariam Tackie et du Mali Fatoumata Gouinko ont présenté la situation de leur pays. Les partenaires techniques et financiers ont réaffirmé leur engagement contre la pratique de l’excision. La Première dame du Niger, Larba Tandja et celle du Burkina ont souhaité que les conclusions des travaux dites Déclaration de Ouagadougou (encadré) puissent se traduire en actions concrètes et qu’aucune recommandation contre la pratique de l’excision ne dorme dans les tiroirs.

Boureima SANGA, Séraphine SOME et Alban KINI

Sidwaya


Déclaration d’engagement de Ouagadougou

Nous, participantes et Participants, représentant les Etats frontaliers que sont. le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Mali, le Niger et le Togo, réunis à Ouagadougou (Burkina Faso), les 13, 14 et 15 octobre 2008, en une rencontre d’experts et des Ministres, sous le haut patronage de Madame Chantal COMPAORE, Première Dame du Burkina et de Madame Larba TANJA, Première Dame du Niger,

- Félicitant le Burkina Faso pour l’organisation de cette importante plate-forme d’échanges et de partage d’expérience entre nos différents pays ;
- Considérant l’engagement des Etats africains dans la lutte en faveur de l’élimination totale des Mutilations Génitales Féminines à travers des instruments juridiques ;
- Considérant que les Mutilations Génitales Féminines constituent une violation flagrante des droits humains et une atteinte grave à l’intégrité physique, psychologique et morale des femmes et des filles ;
- Considérant le caractère transfrontalier de la pratique qui apparaît comme une variante de la pratique clandestine des Mutilations Génitales Féminines et une manifestation de la résistance des populations au changement ;
- Convaincus que les Mutilations Génitales Féminines ont des conséquences néfastes sur la santé des femmes et des filles, à court, moyen et long terme ;
- Convaincus que les Mutilations Génitales Féminines n’ont aucun fondement religieux ;
- Conscients que l’on ne peut parvenir à l’élimination totale des Mutilations Génitales Féminines que par une lutte multisectorielle impliquant tous les I’acteurs de la vie socioprofessionnelle ;
- Conscients de la nécessité d’harmoniser les interventions et de renforcer la solidarité sous régionale en matière de lutte pour l’élimination des Mutilations Génitales Féminines ;
- Prenant acte des résultats de l’étude sur la pratique transfrontalière des Mutilations Génitales Féminines ;
- Résolus à tout mettre en œuvre pour mettre fin à cette pratique néfaste et inutile ;

1. Nous nous engageons à participer activement à la lutte pour l’élimination totale des Mutilations Génitales Féminines non seulement dans nos pays respectifs mais aussi partout où cette pratique existe ;

A l’endroit des Etats

2. Saluons les décisions importantes déjà prises par les différents pays dans le domaine de la lutte pour l’élimination des Mutilations Génitales Féminines (MGF), notamment la Résolution A/RES/53/117 de l’Assemblée Générale des Nations Unies, la Déclaration du Secrétaire Général des Nations Unies sur les Violences faites aux femmes y compris les Mutilations Génitales Féminines (MGF), le Protocole à la Charte Africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits de la Femme, les plates-formes de Beijing et du Caire et l’adoption de la date du 6 février comme « Journée Internationale Tolérance Zéro aux MGF » ;
3. Demandons à nos Etats respectifs de signer, ratifier et veiller à l’application du Protocole à la Charte Africaine des droits de l’homme et des peuples relatifs aux droits de la Femme et du Protocole facultatif à la CEDEF et d’intégrer la problématique des Mutilations Génitales Féminines dans les priorités nationales

4. De renforcer l’ancrage institutionnel de lutte par l’harmonisation des instruments juridiques, en veillant à leur application par la mise en place de mécanismes opérationnels pour une synergie d’actions ;
5. de contribuer aux financements des plans d’action au niveau national et régional pour l’abandon des Mutilations Génitales Féminines
6. D’intensifier les actions de formation, Communication pour le Changement de mentalité en vue d’un nouveau dialogue social en faveur de l’élimination des Mutilations Génitales Féminines par l’harmonisation des outils de communication dans les zones frontalières .
7. De prendre toutes les mesures nécessaires pour l’intégration des questions de Mutilations Génitales Féminines dans les Enquêtes Démographiques de Santé (EDS) et MICS (Enquête à indicateurs multiples), en ce qui concerne les filles de la tranche d’âge de O à 14 ans ;
8. De mettre en place un observatoire régional sur l’évolution de la pratique de l’excision dans les différents pays et de produire des rapports annuels à ce sujet.

A l’endroit de la Société Civile

9. Demandons aux Organisations de la Société Civile d’intensifier leurs actions de lutte sur le terrain et de travailler en synergie en se conformant aux plans d’action national et régional ;
10. Lançons un appel pressant aux leaders religieux africains engagés dans la lutte contre les Mutilations Génitales Féminines à diffuser les messages contenus dans leur guide de sensibilisation ;
11. Demandons aux professionnels des médias de réduire les coûts des couvertures médiatiques et aux communicateurs traditionnels, au regard de leur pouvoir éducatif et informatif, de s’impliquer plus fortement et résolument dans la lutte pour l’élimination des Mutilations Génitales Féminines ;
12. Demandons aux réseaux de jeunesse à s’impliquer résolument dans les actions de sensibilisation pour l’élimination des Mutilations Génitales Féminines
13. Exhortons les Organisations de la Société Civile des différents pays à travailler en synergie pour une lutte efficace au niveau des zones frontalières et à l’intérieur des pays.

Aux Partenaires Techniques et Financiers

14. Lançons un appel aux partenaires techniques et financiers afin de soutenir et financer les programmes et les initiatives prises dans les différents Etats pour mettre fin aux violences basées sur le genre et ce, conformément aux nouvelles modalités de l’aide au développement, notamment, les appuis budgétaires sectoriels et la Déclaration de Paris ;
15. De renforcer les capacités opérationnelles des structures d’écoute, des centres sociaux et des formations sanitaires de prise en charge des victimes et des séquelles des Mutilations Génitales Féminines ;
16. D’adopter une approche régionale dans leurs appuis aux différents pays pour permettre un financement harmonisé et pluriannuel de l’élimination des Mutilations Génitales Féminines.

Fait à Ouagadougou, le 15 octobre 2008

Les Participantes et les Participants

Sidwaya

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