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Eléazar Lankoandé : "L’ARTEL est garante des intérêts des Burkinabè"

Publié le jeudi 9 octobre 2008 à 17h34min

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Eléazar Lankoandé

L’autorité de régulation des télécommunications a fait une sortie remarquée au mois de septembre dernier en publiant un rapport sur la qualité de service des opérateurs de téléphonie mobile. Dans la même foulée, elle vient de lancer une opération d’identification comme nous l’annoncions en avant-première dans la rubrique "Pot-pourri". Pour mieux comprendre ces deux initiatives, nous avons rncontré le directeur général de l’ARTEL, Eléazar Lankoandé.

"Le Pays" : Quelle est la petite histoire de l’institution que vous dirigez ?

Eléazar Lankoandé : L’histoire de ARTEL est liée à la réforme du secteur des télécommunications. Le gouvernement a adopté une vision et une politique du secteur. Une loi est venue préciser le cadre règlementaire suivi de la création d’un organe de régulation qu’est l’ARTEL. Nous veillons donc à l’application des lois dans le secteur des télécommunications. Dans la foulée, il y a eu la privatisation de l’opérateur historique qu’est l’ONATEL .
Sur le plan juridique nous existons depuis 1998 avec l’adoption du cadre réglementaire et législatif. Mais c’est seulement depuis 2000 que l’autorité est opérationnelle. Notre mission se décline en trois volets : la protection des intérêts des consommateurs pour qu’ils bénéficient des services aux normes internationales et de qualité de la mise à leur disposition des informations qu’ils sont en droit d’attendre ; le deuxième volet est la protection des intérêts de l’Etat burkinabè en veillant à la promotion et à la protection d’un marché concurrentiel en vue d’accroître l’attractivité du marché burkinabè aux investisseurs. Nous veillons également à ce que les détenteurs de licences exécutent dans les délais leurs obligations.
Le troisième volet est la protection des investissements effectués par les opérateurs en leur assurant un cadre concurrentiel, transparent, sain et prévisible. Notre travail au quotidien est de concilier ces intérêts quelques fois contradictoires.

Vous avez parlé d’intérêts contradictoires. De quels moyens d’actions dispose l’autorité pour exécuter ses missions dans un secteur de pointe comme les télécommunications.

Il est important de disposer de ressources humaines très compétentes et en nombre suffisant ainsi que des technologies très performantes au regard des changements rapides dans ce secteur. Nous devons être en mesure d’anticiper sur les innovations dans le secteur afin d’assurer une régulation efficace. Nous étions confrontés à ces deux problèmes mais le gouvernement a pris des dispositions pour y remédier.
Dans le domaine de la gestion des fréquences qui sont des ressources rares, nous avions des équipements qui étaient dépassés. Aujourd’hui, nous sommes au stade d’acquérir des équipements ultra modernes afin que partout où quelqu’un utilisera une fréquence, nous puissions le suivre pour voir s’il a une autorisation ou pas.

Une partie de l’opinion pense que vous êtes plus concentrés sur la téléphonie mobile que les autres secteurs. Est-ce justifié ?

Cela est dû à l’essor de la téléphonie mobile. On ne peut pas le nier. De 25500 abonnées en 2000, l’on est passé à 2 508 755 abonnés au 30 juin 2008. C’est le secteur locomotif des télécommunications. Le nombre d’usagers a été multiplié par 100 ou plus.
Par contre, pour ce qui est du fixe, on n’a qu’un seul opérateur. C’est seulement avec la privatisation que le cahier de charges a été adopté. Et nous allons veiller à son respect.

Quel est l’esprit de cette conférence de presse qui a distribué de bonnes et de mauvaises notes aux opérateurs de téléphonie mobile ?

Nous visions trois objectifs. Le premier était de donner la bonne information au public. Parce que c’est son droit et c’est une de nos missions. Si vous achetez une carte pour communiquer, il faut pouvoir le faire sans être interrompu. Nous avons contrôlé tout cela auprès des opérateurs. C’est leur droit de connaître le niveau de qualité de service par rapport aux normes internationales qu’on leur offre.
Cette procédure de contrôle de qualité a été préparée avec tous les acteurs concernés. C’est un processus validé par l’ensemble de ceux qui sont concernés dans le secteur. Désormais, nous avons ce processus qui va servir à mesurer la qualité de service des opérateurs. Pour nous, il était important que les clients le sachent.
C’était une occasion d’interpeller les opérateurs au respect des seuils fixés dans leur cahier de charges. Nous avons donc adressé des mises en demeure afin qu’ils se conforment aux normes.

Quels sont les manquements les plus graves ?

On ne peut pas graduer. Tout dépend des attentes des usagers. Il y en a qui ne sont intéressés que par la qualité du réseau, et d’autres c’est de pouvoir communiquer sans être interrompus. Notre rôle est de donner les seuils. Par exemple, pour la ville de Ouagadougou, sur 30 zones on a pu constater chez certains opérateurs un taux d’échec de communication anormal dans 16 zones. C’est quelque chose qui a été notifié aux opérateurs concernés.
Les autres critères sont essentiellement basés sur la couverture de certains axes routiers et la couverture de certaines localités. Une procédure de mesure a été adoptée à cette fin

Comment les fautifs ont-ils réagi dans un milieu aussi concurrentiel ?

Des gens ont vu, comme vous l’avez rappelé, que nous avons distribué de bonnes et mauvaises notes. Mais tel n’était pas notre objectif. Nous attirons seulement l’attention de nos partenaires sur leurs engagements envers les usagers en donnant les seuils requis et le niveau de satisfaction de chaque opérateur.
Nous avons donné un délai d’un mois pour les mises en demeure conformément à la loi pour que ces manquements soient corrigés. Du reste, les contrôles que nous faisons ne sont pas confidentiels puisqu’ils sont publiés dans le journal officiel.
Au-delà de cette échéance, des mesures de contrôles seront menées pour voir s’ils s’y conforment.

Si d’aventure, certains opérateurs ne s’exécutaient pas, quelles sont les sanctions ?

Les sanctions sont codifiées par la loi. Elles vont de 100 F à 1 million de francs CFA pour les sanctions pécuniaires selon la gravité de la faute. Vous trouverez certainement que c’est anodin au vu des masses d’argent qui circulent. Mais cela va être corrigé par la loi. Sinon la mise en demeure en soi est déjà une sanction.

Vous n’êtes donc pas habilité à retirer la licence d’un opérateur ?

Non, cela relève d’un autre niveau. La licence est attribuée à un opérateur par décret pris en conseil des ministres. C’est le même organe qui peut la lui retirer. Artel peut faire seulement les constats des manquements et dire le taux de satisfaction du cahier de charges.

Est-ce que la qualité de service actuel est adaptée aux prix des services ?

Nous ne sommes pas rentrés dans ces détails. Mais nous tenons à rassurer les usagers que nous suivons de près l’évolution des prix au niveau national et au sein de l’UEMOA. Le rapport qualité- prix est important. Bientôt, dans un élan de communication, nous allons mettre les informations à la disposition du public. Sinon, par rapport au coût moyen de l’appel dans l’espace UEMOA, le Burkina est en milieu de tableau. Sur le plan intérieur, on est en-dessous de la moyenne ; c’est sur le plan des appels internationaux que nous sommes au-dessus de la moyenne. A ce niveau, il y a des efforts à faire.

Peut-on s’attendre à ce que les prix baissent encore au niveau national ?

Tout dépend du développement des réseaux. Si un réseau prend de l’ampleur, il fait des économies d’échelle et peut diminuer ces coûts d’appels et de certains services aux usagers.
Une de nos missions est de voir si les coûts des opérateurs sont orientés vers la réalité.
Les usagers doivent pouvoir bénéficier des effets de la concurrence et disposer d’une offre diversifiée du service.

Selon certains, les coûts pourraient baisser n’eussent été les prélèvements de l’ARTEL. Quelle est la réalité de ces prélèvements ?

Ceux qui sont dans les secteurs le savent. Tout ce que perçoit l’ARTEL est codifié soit dans la loi ou les cahiers de charges. Ce sont la gestion du plan de numérotation, du plan de fréquence et la résolution des brouillages. Le cadre légal permet de percevoir des redevances pour pouvoir faire face à ces missions. C’est comme cela un peu partout en plus des redevances de régulation qui n’ont rien à voir avec le coût d’appel.
Les opérateurs paient pour obtenir les numéros. Mais sur les appels il n’y a pas de redevance qui nous revient.

Que cache l’opération d’identification des détenteurs de carte à puce ?

Le secteur des télécommunications est un secteur transversal. Tous les autres secteurs d’activités sont touchés. Les outils de télécommunication sont aujourd’hui des outils de développement et il faut lutter contre leur utilisation malveillante par certains individus.
On a constaté qu’il y a une utilisation abusive et malsaine de cartes SIM anonymes.

Lesquelles ?

De petits malins bloquent souvent le standard des sapeurs-pompiers. On a eu plusieurs cas de menaces anonymes au téléphone. Nous tenons à ce que chacun soit responsable de ses actes. S’il en fait une utilisation détournée, il répondra de ses actes. Après concertations avec tous les opérateurs et les services de sécurité, nous avons décidé de mettre en place une opération vigoureuse afin que tout détenteur de carte soit connu.

Est-ce à dire que les numéros masqués vont tomber dans l’illégalité ?

Je tiens à préciser qu’il y a une différence entre le service des numéros masqués et les cartes SIM anonymes. Le numéro masqué est un service commercialisé par l’opérateur. Son détenteur est connu et en fonction du moment de son appel on peut l’identifier en mettant en branle une procédure en fonction de la gravité de ce qui lui est reproché. Utiliser un numéro masqué ne veut pas dire qu’on ne sait pas qui appelle. La loi sur les données personnelles autorise de lever l’identité sur une action du procureur du Faso. Les numéros masqués vont continuer à exister.

Ce sont donc les vendeurs ambulants de puces qui sont visés par cette opération ?

Tout à fait. C’est la vente des cartes SIM sans identification préalables de celui qui l’achète qui est visée. A partir de la fin de l’opération, personne ne doit pouvoir acheter une carte à puce sans sa pièce d’identité. Le numéro de la carte à puce et l’identité du détenteur seront conservés dans la base de données de l’opérateur concerné.

Un numéro, une identité : mais on pense à un flicage ?

Non, absolument pas. Nous avons une loi qui protège les données personnelles des citoyens. La commission informatique et liberté est garante de l’utilisation de ces données qui ne peuvent servir à d’autres fins que celles pour lesquelles elles ont été collectées. Au-delà de cette opération, je voudrais rassurer les Burkinabè que nous sommes garants de leurs intérêts. C’est notre mission de nous assurer qu’ils ne sont pas l’objet d’un abus quelconque.

Vous savez que la vente de cartes fait vivre beaucoup de jeunes burkinabè. N’y a-t-il pas un risque de les priver de leur gagne-pain ?

Nous n’interdisons pas la vente des cartes dans la rue. C’est plutôt la vente sans identification de l’acheteur que nous voulons interdire. C’est un secteur où il y a beaucoup de jeunes qui sont très actifs. Il s’agit d’encadrer cette activité dans l’intérêt de tous.

Combien de personnes sont-elles concernées par l’opération ?

Difficile de répondre. Mais en concertation avec les opérateurs, toutes les personnes concernées vont recevoir des messages dans ce sens. Ils auront un mois calendaire pour se mettre à jour.

Ce n’est pas court comme délai ?

Non. Ceux qui sont de bonne volonté vont se dépêcher pour se faire identifier. Pour les autres, même si on leur donne 5 ans , s’ils sont mal intentionnés, ils ne viendront pas. Passé ce délai, les puces seront tout simplement désactivées.

Propos recueillis par Abdoulaye TAO
Le Pays

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