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Blaise Compaoré à la 63e Assemblée générale de l’ONU : "Une rencontre qui doit être porteuse de solidarité nouvelle"

Publié le mercredi 1er octobre 2008 à 12h16min

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Du 20 au 25 septembre 2008, le président du Faso, Blaise Compoaré a participé à New York, aux Etats-Unis, à la 63e session ordinaire de l’Assemblée générale de l’ONU.

En attendant de revenir plus en détails sur cette Assemblée générale, nous vous proposons le bilan tiré par le président du Faso de sa participation à ce grand rendez-vous des nations. Une participation fort remarquée, son pays présidant, pour ce mois, le Conseil de sécurité de l’ONU. Pour rappel, le Burkina Faso est, depuis janvier 2008, membre non-permanent du Conseil de sécurité de l’ONU.

"Le Pays" : Vous êtes au terme de votre séjour à New York où se tient la 63e Assemblée générale de l’ONU. Quel aperçu général faites-vous de ce séjour ?

Blaise Compaoré : Je dois d’abord me réjouir que le monde se retrouve dans sa globalité à un sommet de chefs d’Etat, pour un examen, en quelque sorte une revue de l’état du monde, au regard des graves préoccupations qui sont les nôtres aujourd’hui, dans un contexte marqué surtout par des crises très graves. Il s’agit notamment de la crise énergétique, de la crise alimentaire et plus récemment de la crise financière. Je me réjouis aussi de voir que toutes les voies sont allées vers une démarche novatrice dans le traitement des questions telles qu’on les percevait jusque-là. J’ai eu l’occasion de prendre part, personnellement, aux différents entretiens de haut niveau sur les questions alimentaires, de santé comme le paludisme. Je pense que c’est une occasion de parler de la paix et de la sécurité du monde. Nous avons eu, au Conseil de sécurité, à interpeller les nations sur la nécessité d’utiliser, avec plus d’efficacité, la médiation comme mode de règlement des conflits et des différends entre Etats. D’une manière générale, c’est une Assemblée qui doit être porteuse d’idées et de solidarité nouvelles pour notre monde.

Vous venez de présider le Conseil de sécurité de l’ONU. Quels sont les enseignements que vous tirez de cette expérience ?

Je dois d’abord dire que le monde est une diversité. Car, à ce Conseil, toutes les régions du monde sont représentées. On peut supposer qu’il y ait donc là, une grande diversité de pensées, d’idées sur les grandes questions du monde. Je dois me satisfaire du fait que lorsqu’on écoute les uns et les autres, il y a comme une sorte de consensus sur la question que nous avons introduite à ce Conseil, à savoir qu’il faut aller vers des règlements pacifiques des différends. Personnellement, je me réjouis de savoir que tous les 6 mois, nous ferons une évaluation de ce mode de règlement des différends et je suis persuadé que cela va apporter un plus au monde en matière de stabilité et de sécurité.

Lors des différentes réunions auxquelles vous avez participé, vous vous êtes surtout fait l’avocat des pays pauvres. Vous êtes allé jusqu’à dire que le droit à l’alimentation est le premier droit de l’homme. Croyez-vous avoir été compris ?

Non seulement le droit à l’alimentation est un droit essentiel. Mais aussi ce droit ne suppose pas seulement le droit d’être nourri. Il faut être nourri dans la dignité. Au regard de la situation alimentaire du monde, on peut penser que, quelle que soit la situation, on ne devrait pas avoir faim aux Etats-Unis, en Europe ni dans certaines régions du monde. Mais la faim va particulièrement affecter les pays pauvres pour lesquels il y a des problèmes alimentaires, tout simplement parce que nous ne nous sommes pas assez occupés du petit producteur. J’ai surtout souligné la nécessité que l’on prenne en compte le petit producteur pour l’aider à trouver la terre, la semence, l’eau, les engrais, une meilleure organisation de l’encadrement notamment par le rétablissement des services agricoles dans nos pays, ainsi que l’élaboration de véritables politiques pour les gouvernements africains. J’ai aussi souligné la nécessité de nous aider à avoir de meilleures conditions de conservation car 40% des productions agricoles en Afrique se dispersent dans différentes pertes et des destructions. Ce qui joue aussi sur la sécurité alimentaire dans son ensemble.

D’une manière générale, nous ne pouvons continuer d’avoir 4% des investissements, des engagements de la Banque mondiale dans l’agriculture, avoir des budgets consacrés à l’agriculture en Afrique qui parfois, sont à 4% des budgets totaux et pouvoir rompre avec l’insécurité alimentaire. J’ai surtout plaidé sur le fait qu’il est possible d’avoir de la nourriture suffisante pour tous les hommes sur cette terre à condition qu’on s’organise mieux et que la solidarité internationale soit plus réelle.

Vous avez participé, en marge de l’Assemblée générale, à une réunion sur le paludisme. Quelles sont les décisions qui ont sanctionné ces travaux ?

Je dois me féliciter de la qualité de cette réunion qui a fait le tour des expériences en cours dans le monde. Bien sûr, il faut encore beaucoup de moyens, notamment financiers, car à la fois il faut continuer de procurer des médicaments plus efficaces aux malades, ce qui coûte cher, mobiliser davantage et sensibiliser encore plus les populations. Tout cela demande des moyens. Je crois par ailleurs que la lutte contre ce fléau nécessite un environnent plus assaini. Ce que je retiens surtout de la réunion sur le paludisme, c’est qu’il y a plus de 3 milliards de dollars d’engagements fermes qui ont été annoncés.

En marge de l’Assemblée générale, vous avez également honoré de votre présence, une manifestation de Microsoft. Quel sens entendiez-vous donner à votre participation à cette réunion à laquelle ont pris part Bill Gates et Modibo Diarra ?

Il est vrai que je ne connaissais pas physiquement Bill Gates. Mais je considère que sur bien des terrains, nous avons pu nous rencontrer. Car depuis quelque temps, à Ouagadougou, nous essayons de réunir, chaque année, des décideurs africains, des chercheurs, des hommes et des femmes qui oeuvrent dans le domaine des nouvelles technologies, pour apporter un plus à l’Afrique, notamment à travers des réflexions portant sur le partage des meilleures pratiques dans le domaine de la gouvernance électronique. C’est un programme appuyé par Microsoft. Au-delà, nous avons aussi des programmes dans les domaines du paludisme, la poliomyélite, la santé de manière générale. Et à ce propos, je dois parrainer, d’ici un an, la préparation d’un vaccin plus efficace contre la méningite. Ce vaccin sera, en grande partie, financé par Bill Gates.

Pour moi, il était d’abord question de saluer la disponibilité et l’humanisme de cet homme. En marge de cette rencontre, nous avons parlé de l’avenir. Et je me réjouis de constater que malgré son calendrier très chargé cette année, il a pris l’engagement de visiter le Burkina Faso afin de pouvoir observer, sur le terrain, quelles sont les préoccupations réelles. Ce qui est très utile pour nous.

On semble assister à une sorte de résurgence de la guerre froide avec la situation en Abkhazie et en Georgie. Que peut faire le Conseil de sécurité face à cette crise ?

Cette question n’est pas à l’ordre du jour de la présidence du mois. Mais, certainement, celle-ci sera évoquée plus tard. Je dois souligner qu’au cours du mandat, nous avons eu à présider la réunion sur la médiation dans cette partie du monde. Et ce matin même (ndlr : 25 septembre )une réunion ministérielle va être organisée sur le Moyen-Orient et la Palestine. Les membres du Conseil de sécurité, au niveau ministériel, devraient donc se rencontrer pour aborder les problèmes cruciaux du Moyen-Orient. Il est sûr que la question du Caucase reviendra dans les débats. Mais ce que nous avons toujours souligné, c’est qu’il est important que les questions soient traitées d’abord au niveau régional ou sous-régional avant d’être portées à un niveau mondial. Nous ne pouvons donc qu’accompagner de nos vœux toutes les initiatives européennes en cours. Il y a toujours beaucoup de concertations entre l’Europe et la Russie et nous espérons qu’une solution sera trouvée dans le cadre de la légalité internationale.

Propos recueillis à New York par Cheick Beldh’or SIGUE


Alain Yoda (ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères et de la coopération régional : "Je constate que la diplomatie est abordable"

Nommé récemment à la tête de la diplomatie burkinabè, Alain Yoda qui a quitté le département de la Santé pour celui des Affaires étrangères et de la coopération régionale, a embarqué avec Blaise Compaoré pour prendre part à la 63e session de l’Assemblée générale de l’ONU. Un baptême du feu pour le ministre Alain Yoda ? Comment juge-t-il sa nouvelle fonction à l’aune de sa participation à la 63e session de l’AG de l’ONU ? Alain Yoda apprécie.

"Le Pays" : C’est votre baptême du feu, étant donné que c’est la première fois que vous vous rendez à New York en tant que ministre des Affaires étrangères. Avec quels sentiments retournez-vous à Ouagadougou ?

Alain Yoda : (Rires). D’après les échos que j’ai eus, tout s’est bien passé. J’ai le sentiment d’avoir fait ce que je devais faire, dans la mesure de mes moyens. J’étais entouré de collaborateurs très compétents, qui ont de l’expérience. Cela a donc été beaucoup plus facile pour moi que si j’étais tout seul, au milieu de la communauté internationale. J’étais également avec le chef d’Etat qui a de l’expérience et qui a un réseau de relations de qualité. Toutes choses qui ont permis de régler un certain nombre de questions qu’il aurait été plus difficile pour moi d’aborder tout seul. La diplomatie est différente de ce que j’ai fait jusqu’à présent, mais je constate que c’est abordable.

Quels sont les enseignements que vous tirez justement de la présidence tournante du Conseil de sécurité, détenue ce mois-ci par le Burkina ?

En raison des personnalités qui y siègent, lorsque vous devez présider ces séances, cela laisse quand même des traces. D’abord de l’humilité, parce que vous parlez à des millions de gens qui vous écoutent, qui savent comment fonctionne le monde et qui sont pour la plupart puissants, et auxquels on ne peut pas raconter n’importe quoi. Je dois dire que tout est bien organisé. Et je pense que les questions qui sont posées, lorsque vous les connaissez, vous devez être en mesure de diriger les débats. Les gens sont disciplinés, mais fermes sur leurs positions et leurs convictions. C’est une expérience dont il est difficile de parler. Il faut la vivre pour l’apprécier.

Peut-on dire que le Burkina a pu imprimer sa marque lors des débats ?

Vous pourrez tirer vous-mêmes les conclusions. Le chef de l’Etat a présidé la séance de haut niveau du Conseil de sécurité au cours de laquelle il a eu à donner sa vision sur la médiation et le règlement des conflits. C’est une séance qui a été appréciée par tous les participants, quels qu’ils soient. Une séance au cours de laquelle l’expérience du Burkina a été donnée en termes de médiations et de règlement des conflits. Mais aussi l’expérience d’autres pays. Tout cela a permis de faire une déclaration présidentielle qui fait la somme de l’ensemble des médiations menées et qui indique notamment quelle approche il faut avoir pour que soit menée une médiation réussie.

Ce que je peux retenir globalement, c’est que le médiateur doit être impartial. Il doit avoir une bonne connaissance de la région dans laquelle il se trouve. Il doit connaître les acteurs et faire en sorte que tout le monde soit à équidistance de lui. Ce qui lui permet de faire des propositions plus efficaces pour une sortie de crise. La déclaration présidentielle qui a été adoptée à l’unanimité des membres du Conseil de sécurité montre que la médiation doit être la voix privilégiée pour régler les conflits régionaux. Evidemment, ces conflits ne peuvent être résolus seulement à un niveau régional. Il faut que l’Organisation des Nations unies, à travers le Conseil de sécurité, puisse avoir des représentants qui ont de l’expérience et qui ont une vision plus globale des choses, qui peuvent accompagner le médiateur en moyens financiers, logistiques, mais aussi en conseils divers pour bien mener à terme sa mission.

Avec quoi retournez-vous dans vos bagages, après avoir participé à plusieurs réunions de l’Assemblée générale ?

C’est vaste. On ne pourrait pas parler de tout en raison de la diversité des réunions aux thèmes très importants. Prenez les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), au nombre de huit. On a fait le bilan de la mise en œuvre des divers engagements qui ont été pris sur le plan international, des défis qui restent à relever et des perspectives. Pour les OMD, des tables rondes ont été organisées, au cours desquelles les objectifs ont été passés en revue pour voir où on en est dans leur mise en œuvre, et quels engagements nouveaux faut-il prendre pour que ce soit mieux réussi. Il a été aussi question du développement de l’Afrique. Là aussi, beaucoup d’engagements avaient été pris en faveur de l’Afrique en termes financiers et infrastructurels. Il a fallu faire le point sur tout cela pour savoir où est-ce qu’on en est, quels sont les défis qui restent à relever, et quelles sont les perspectives. Il y a aussi eu beaucoup de réunions parallèles. C’est par exemple la réunion du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine au cours de laquelle le point a été fait sur la situation en Somalie, au Soudan, en Mauritanie, et là également, une déclaration va être versée au Conseil de sécurité pour approfondir les questions et suggestions qui ont été faites par les ministres des Affaires étrangères de l’Union africaine.

A propos de promesses, beaucoup ont été faites à l’Afrique sans être tenues jusque-là. Avez-vous de l’espoir quant au futur ?

L’espoir fait vivre. Je crois que le monde en développement, et l’Afrique en particulier, a compris aujourd’hui qu’il vaut mieux compter d’abord sur ses propres forces, son organisation, sa détermination, sa vision de la société pour s’en sortir. Prenez le domaine de la santé, qui a été très important lors des débats. Pour ces domaines, évidemment, nous avons besoin de l’extérieur pour nous apporter de l’expertise et des financements. Mais il nous faut d’abord montrer notre détermination en y consacrant une partie de notre budget. Au Burkina Faso, 15% du budget de l’Etat est consacré à la santé. On a de quoi se tabler pour demander à l’extérieur de nous aider davantage pour pouvoir atteindre les OMD.

Propos recueillis à New York par Cheick Beldh’or SIGUE

Le Pays

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