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Insécurité en Afrique : L’Etat à l’épreuve du grand banditisme

Publié le mercredi 1er octobre 2008 à 11h52min

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Le grand banditisme gagne en ampleur en Afrique. Fait dangereux et sans précédent, au Cameroun, à la stupeur générale, des braqueurs ont dépouillé banques et clients avant de prendre la tangente avec leur butin.

Bien entendu, personne n’a pu lever le petit doigt. Dans de telles circonstances, et comme partout ailleurs sur le continent, point n’est besoin de dire qu’il était vain d’attendre du secours des forces de l’ordre, handicapées qu’elles sont par le manque cruel de moyens.

Un véritable calvaire, la situation que vivent les forces de sécurité en Afrique. D’abord au plan des ressources humaines : effectif réduit, personnel insuffisamment formé, mal loti et placé sous l’autorité de fonctionnaires parfois trop zélés et sans grand mérite. La complaisance qu’ils affichent à l’égard de certains truands, n’a alors d’égale que la docilité avec laquelle ils traitent les dossiers des plus nantis.

Mais il faut savoir distinguer le bon grain de l’ivraie. Car ils ne sont pas légion ces individus qui entachent la réputation de nos forces de sécurité par leur inertie, leur incompétence ou tout simplement leur complicité. En effet, les services de sécurité comptent de nombreux cadres et subalternes qui, nuit et jour, traquent sans discontinuer la vermine qui hante le sommeil des populations. Cette catégorie d’agents a le sens du devoir bien fait. On en trouve dont les compétences devraient être davantage mises à profit pour redorer le blason terni de nos services publics.

Si les effectifs sont réduits, c’est aussi par manque de ressources financières. Les moyens sont à ce pas dérisoires, en tout cas largement en-dessous de ceux déployés généralement par les bandits, qu’il ne faut pas s’étonner de voir une éventuelle course-poursuite tourner à leur détriment.

Ainsi, jour après jour, l’escalade de la violence gagne nos villes et nos villages, semant le désarroi dans les familles et les services. Les brigands ne se cachent même plus. Ils opèrent en plein jour. Le scénario est toujours identique : les malfrats surgissent de nulle part, s’attaquent aux biens d’autrui et une fois l’opération réussie, ils disparaissent dans la nature, laissant les familles dans le drame. Doù la justice expéditive qui prend le pas dans les rues de nos agglomérations avec les excès que l’on sait.

Mais pourquoi une telle insécurité à travers le continent ?

L’évolution du contexte y est pour beaucoup.

D’abord la multiplicité des conflits, lesquels ont permis à toutes sortes d’aventuriers, de vendeurs et de trafiquants d’armes officiels ou non d’inonder le continent de toutes sortes d’armement et de matériel de guerre. Ensuite, au nom de l’ouverture des marchés, tout semble permis car peu de choses sont réellement interdites. On ne se gêne plus d’importer et de vendre certains types de produits. Outre l’armement, ont pris désormais place sur nos marchés : les uniformes militaires, les tenues de camouflage, les chaussures de soldats, créant alors une sorte de confusion tant il devient difficile de distinguer le vrai militaire du faux. Ainsi va la libre circulation des personnes et des biens, laquelle n’a pas que des avantages. Elle profite aussi aux délinquants à col blanc dont les inconduites peuvent mettre en danger la vie des institutions républicaines. Le crime organisé on le sait, n’a pas de frontières. On l’a constaté par le passé, lors du cambriolage à Bouaké (Côte d’Ivoire) de l’agence de la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO).

Sur un autre plan, le développement socio-économique constitue un désastre pour la plupart des pays africains. L’adoption et la mise en œuvre de politiques de développement inadéquates au regard des besoins, ont engendré chômage endémique, mauvaise répartition des richesses, injustices sociales, enrichissement illicte, népotisme, clientélisme, corruption et impunité. Autant de faits qui sont dus pour la plupart à la démission des élites politiques africaines.

Rien il est vrai, pas même la vie chère, ne saurait justifier les agissements de certains concitoyens. Il reste toutefois que la perte des valeurs morales, le manque de répères alliés à l’extrême pauvreté et au désespoir dans la quasi-totalité des républiques bananières africaines, peuvent servir de lit à toutes formes de contestations et de dérives. On le voit bien en Somalie où la déliquescence de l’Etat a donné naissance à diverses formes de délinquance : kidnappings et divers actes de piraterie. Ou encore au Nigeria où des groupuscules procèdent de temps à autres à des rapts pour revendiquer leurs parts des richesses de la manne pétrolière. Sans oublier les replis identitaires qui ont cours dans les sables du désert avec les Touareg du Mali et du Niger, les rébellions tchadiennes et centrafricaines, les conflits sur fonds de revendication religieuse en Algérie et en Égypte, etc.

Par voie de mer ou de terre, il semble désormais que le grand banditisme ait choisi de faire du continent son nouveau théâtre de prédilection. Même s’il ne faut pas le confondre avec les mouvements armés visant des objectifs politiques, cette forme de violence exprime une forme de marginalité. Elle traduit d’une certaine manière le déficit de dialogue. Les armes sont donc en passe de supplanter les négociations et autres voies pacifiques de lutte comme les grèves, sit-in, etc.

Que faire alors face au grand banditisme qui est sans pitié et qui applique la loi du far west américain ? Quelle riposte envisager ?

Tout d’abord, il appartient à l’Etat, là où il existe, de prendre ses responsabilités. Certes, la police de proximité est en marche. Mais la délation n’est pas chose facile du fait des imbrications de nos sociétés et de l’étendue des réseaux d’influence. En outre, les criminels parviennent toujours à s’extirper des geôles. Parfois même plus tôt que prévu, et sans que l’opinion ne sache pourquoi. Des solutions doivent être trouvées à ce niveau en concertation avec les magistrats.

Par ailleurs, il est illusoire de croire qu’un seul Etat pourrait venir à bout de ce fléau. Les événements survenus récemment au Cameroun montrent que des individus pourraient bien être tentés un jour de prendre l’Etat lui-même en otage. Des dispositions sérieuses doivent donc être prises par nos gouvernants. Par exemple, intensifier la coopération entre forces de sécurité du continent, qu’elles soient publiques, privées ou communautaires. Au-delà des sommets, conférences ministérielles et autres réunions d’experts, il convient de mettre en application la myriade de résolutions prises à cette fin. L’armée et les différentes forces para-militaires doivent conjuguer leurs efforts et multiplier les stratégies pour anéantir ces forces du mal dans le respect de la loi et des textes en vigueur. La communauté internationale, par le biais des partenaires techniques et financiers, devrait être associée aux actions, d’autant que les faits survenant en Somalie confirment que nul n’est à l’abri du grand banditisme.

Théâtre d’actions terroristes, de kidnapping et autres formes de piraterie, le continent s’illustre de plus en plus comme un no man’s land dans lequel seul les plus riches et les plus forts ont droit de cité. Le grand banditisme prolifère aussi parce que l’impunité semble devenir une recette d’Etat sur le continent.

Le Pays

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