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ADMINISTRATION PUBLIQUE BURKINABE : La moralisation, une nécessité impérieuse

Publié le mercredi 24 septembre 2008 à 06h57min

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L’Administration publique va mal. C’est en ces termes que l’on peut résumer l’article ci-dessous qui recense les maux de cette administration, dresse le profil de ses acteurs dont beaucoup excellent dans les mauvaises pratiques et attitudes, etc. Il en conclut à la nécessité d’une moralisation de cette administration où "la pagaille est en passe d’y devenir le dénominateur commun" et ressemble, en outre, à un navire qui "tangue dans une eau troublée par ses propres passagers".

L’Administration publique burkinabè souffre de plusieurs maux. Une telle affirmation pose un problème au "pays des Hommes intègres" ou l’intégrité est en train de se noyer dans l’océan de l’individualisme, de l’égoïsme et de l’hypocrisie les plus abjects. Décidément, une mauvaise folie s’est emparée des hommes. La pagaille est en passe d’y devenir le dénominateur commun. Elle est même une stratégie occulte de gouvernance. La bonne gouvernance qui est devenue pratiquement l’hymne de nos grands sommets est engloutie dans des concepts et se refuse à la réalité. La mafia s’est généralisée. Le sens de la nation s’effrite.

Il a même pratiquement disparu malgré l’effort de quelques patriotes. Le sacrifice est désormais un comportement ancien raconté ironiquement aux jeunes générations dans des postures condamnables. Le sens de l’honneur est quasi inexistant même si quelques braves citoyens tentent de le préserver. L’honneur ne se mange pas, soutiennent certains si fait que les bonnes gens sont tournées en dérision. Le culte aux devoirs de la patrie se dissipe.

On vulgarise désormais le culte de la personnalité où de simples humains sont hissés au rang de demi-dieux vénérés et adorés. Le navire de l’Administration tangue dans une eau troublée par ses propres
passagers. Les faits et réalités de notre Administration n’incitent pas
l’optimisme. Ceux qui ont le souci d’en parler sont traités de tous les noms de reptiles. Ils sont considérés comme des personnes qui n’ont rien à faire ou remplies de rancœur ou plus exactement jalouses de la réussite sociale de leurs semblables. Mais passons.

Notre halte du jour sera sur l’Administration burkinabè comme susmentionné. La moralisation de cette Administration est une nécessité impérieuse. Malheureusement, beaucoup ont une perception illusoire du service public, ce qui suscite beaucoup d’amalgames. Disons-le franchement. L’Administration publique est malade et a surtout mal de ses hommes qui l’animent. Les hommes de l’Administration agissent à l’image du ver qui ronge le fruit qui l’abrite mais qu’il finit par détruire cette chienlit de l’Administration et de ses hommes, nous partirons de plusieurs constats.

Des ministères et institutions

Depuis que le vent de la démocratie a soufflé dans notre pays, plusieurs gouvernements se sont succédé. Mais que constatons-nous ? A chaque fois qu’il y a un changement à la tête d’un département ministériel ou d’une institution, le boss arrive avec "ses hommes". Si cela peut encore être compris, il n’en demeure pas moins que c’est une réalité qui indispose. Souvent, on change les hommes pour changer. Peu importe vos compétences. Si vous avez travaillé avec le prédécesseur d’un boss, vous avez peu de chance de poursuivre votre mission. Dans le jargon, il est souvent dit que chacun doit savoir profiter. Le boss amène alors parents, amis et connaissances pour profiter de la bonne situation. Il n’oublie pas de leur donner ce conseil : "Faites vite parce que je ne sais quand notre départ. C’est votre temps. Si vous vous amusez, tant pis ». Après un tel conseil, les attributions et les missions sont rangées dans les oubliettes.

Le self-service doit commencer. On n’est plus là pour gérer une institution de la République. Le boss vient et le plus souvent, il trouve que son prédécesseur avait entamé de nobles projets et ambitions. Il n’en a cure. Ses premiers instants seront "judicieusement" utilisés pour détruire ce qu’il a trouvé pour essayer de refaire les choses selon son entendement. Le temps qu’il puisse refaire, un changement intervient. Il s’en va, le plus souvent en pleurs sans avoir accompli sa mission. Son équipe aussi. Ils sont venus se servir. Heureusement que tous ne le sont pas.

Des directeurs centraux des ministères et institutions

Façonnés et/ou installés le plus souvent par la générosité du boss, beaucoup de directeurs centraux ressemblent plus à des marionnettes qu’à des décideurs. Si vous les rendez souvent visite, ils font réellement pitié. Ils sont directement rattachés au boss. Ils sont souvent remplis d’idées nobles mais incapables de les proposer. Ils ont érigé le silence en règle de bonne conduite citoyenne. Ils appellent cela prudence. Mais c’est généralement une forme de lâcheté. Néanmoins, ils ont aussi leur petit monde qui ne jure que par leur nom. Ils reçoivent le plus souvent des présents du petit monde soit pour les transmettre au boss, soit pour eux-mêmes. Ils aident souvent le boss à transgresser les acquis du prédécesseur. Il faut se réjouir aussi à ce niveau parce qu’il en existe de très sérieux qui n’hésitent pas à faire des propositions intéressantes même si cela doit couper l’appétit du boss. Malheureusement, ils se comptent sur les doigts d’une main. Les boss qui comprennent se servent d’eux. D’autres plus limités s’en débarrassent simplement.

Des directeurs régionaux et provinciaux

Le milieu déconcentré est plus infernal. C’est peut-être normal vu que certains n’ont jamais dirigé de leur vie, même pas une famille. Devenus subitement responsables au détour d’un conseil de ministres, ils se croient automatiquement investis d’un pouvoir à la limite inné. Faites souvent attention à leur démarche : du surnaturel. Interrogez-les sur leur origine de sang, ils vous indexeront le ciel. Ah oui ! Avec ces genres de types-là, l’Administration se mue en royaume. Ils deviennent des roitelets, eux pour diriger, les autres pour suivre. Ils vous interdiront par moment de regarder librement les étoiles sans leur accord. Allez les voir au bureau : ils n’ont pas les pieds sur terre.

Curieusement, ce sont eux encore qui ne travaillent pas souvent. Cloîtrés dans leur bureau, ils passent le clair de leur temps au téléphone ou sur le Net dans un cadre rendu agréable par une climatisation permanente. Le langage est le plus souvent tyrannique. Causer à leurs collaborateurs, c’est condescendre. L’attitude souvent utilisée est proche de celle qu’utilisaient les maîtres de l’Antiquité à l’égard de leurs esclaves. Ils sont aidés dans cette posture indigne de l’Administration (la vraie) par une race d’agents vautours qui vont dans tous les sens. A ce niveau également, des directeurs vertueux se recrutent mais nous déplorons leur faible effectif.

Nous pensons très sincèrement que si la classe dirigeante se comporte de la sorte, c’est qu’elle est cautionnée par les agents qui, dans leur majorité, sont devenus inaptes à l’Administration. Et voici les types d’agents qui écument les bureaux de nos services publics :

1. Les travailleurs hypocrites et égoïstes

Comme vous pouvez le constater, l’hypocrisie et l’égoïsme vont ensemble et érigent les murs de la médisance et de la nuisance. Ils se recrutent parmi les agents qui doutent de leur compétence et incapables de vraies performances objectives. Alors, ils créent d’autres canaux qui puissent compenser ce déficit. Qu’est-ce qu’ils font ? Ils courent après les directeurs ; ce sont les colporteurs de vraies fausses nouvelles dans les services. Ils détiennent toutes les biographies de leurs collègues qu’ils ont concoctées de leur imaginaire. Ils sont choyés des faux directeurs et obtiennent plus d’audiences auprès de ces derniers et bénéficient d’une bonne écoute. Mais en réalité, ces directeurs savent que cette catégorie d’agents ne sont que des coquilles vides qui ne connaissent rien en dehors des ragots. Mais ce type d’agents est facilement identifiable. Ils paniquent au moindre mouvement. Nous l’avons souligné plus haut.
Ce sont des agents vautours.

Ils vont dans tous les sens. A la descente du boulot, ils accusent très souvent des retards surtout si le directeur s’y trouve. C’est ainsi que beaucoup d’entre eux prétextent souvent les toilettes pour justifier ces retards. Après le départ de leurs collègues, ils s’introduisent dans les bureaux des directeurs. Voici à peu près le discours qu’ils peuvent tenir : "Monsieur le directeur, vous savez que je suis là pour vous aider. Vous avez dû le remarquer ce matin à votre arrivée au service. Un groupe se tenait au bord du pavillon. Ce même groupe est dangereux. Figurez-vous qu’on vous accablait de tous les péchés d’Israël ? Surtout un tel-là. C’est lui qui tenait les autres en haleine. Il faisait cas du séminaire de formation auquel vous avez eu à participer trois fois sur le même thème. L’autre, lui, se plaignait du fait que vous m’aviez envoyé à l’autre séminaire de formation qui ne correspondait pas à mon profil.

Il a ajouté même que tous les séminaires de formation ayant trait à son service sont détournés pour d’autres personnes et c’est l’état de fait qui perdure pour qu’il ait sept ans (07) sans la moindre rencontre de perfectionnement. L’autre collègue enfin, lui se dit dépassé parce qu’il vous suspecte d’entretenir des relations coupables avec la secrétaire. Il projette même de vous "taper" dans les journaux de la place. Demain, si vous les accueillez avec mauvaise mine, vous confirmerez mes dires ». Tenez ! Le lendemain sonné, l’auteur d’un tel développement viendra le premier au service convaincu du "mauvais quart d’heure qui arrivera à ses collègues diffamés". A l’heure de leur contact avec le directeur, il sera tout près pour observer le moindre geste et enregistrer la moindre parole. Si le directeur va dans son sens, son plan a marché. Il accompagne la scène par un sourire. Les innocents agents constateront malheureusement la mauvaise
attitude du directeur.

Naturellement, ils ne seront pas contents. L’agent vautour suivra tout. Il viendra même marquer sa surprise et déplorer la situation. Comme l’hypocrite n’a pas honte ! Le vautour retrouvera son directeur pour les conclusions de la scène qu’il a provoquée. Ainsi, il reprend son bâton de pèlerin. Voilà pourquoi leur calendrier est très chargé. Il faut colmater les brèches, rassembler les vraies fausses nouvelles, suivre les collègues et gérer leur itinéraire quotidien pour ensuite faire un bilan. Quel malheur ! Il est à préciser pour terminer que les agents vautours n’ont pas de déontologie et manquent cruellement d’éthique professionnelle. Ils sont très inaptes pour le bien de l’Administration publique. Malheureusement, ils peuplent les différents couloirs.

2. Les agents traîtres ou les caméléons de l’Administration

Il est très difficile de parier sur leur couleur. Ces messieurs et dames sont par moment adulés. Malheureusement, au détour d’une alléchante proposition, ils changent de visage (au propre comme au figuré). Si vous les abordez en ce moment, ils vous définiront autrement la dignité parce qu’ils viennent de perdre la leur. Ils vous diront que l’intégrité ne se porte pas au cou. Subitement, ils conseillent à leurs proches de "se chercher" parce que lui aussi "s’est cherché". Ils nuisent rarement à leurs collègues sauf en cas de légitime défense. Ils aiment le leadership et font tout pour sa conservation. Ils rejoignent par moment les agents vautours avec une moindre dose d’hypocrisie.

3. Les travailleurs insaisissables

Difficile de recueillir leur avis. Ils font convenablement leur boulot. Ils ne sont ni vautours, ni caméléons mais n’ont aucun point de vue. Demandez-leur de proposer quelque chose, s’ils vous haussent la tête, c’est que vous avez gagné ! Ils ne sont jamais dans les combines et les jets de peau de banane. Ils sont utiles à l’Administration mais ne participent pas à son perfectionnement. Ils sont cependant excusables. Ils n’empêchent pas les activités des services de bien se dérouler. Ils ne nuisent pas.

4. Les travailleurs perroquets ou les académiciens

Leur bruit surplombe leurs actions. Ils ont le plus souvent des diplômes supérieurs et n’hésitent pas à y faire recours pour un rien. Ils ne tolèrent pas qu’un moins diplômé propose une idée géniale. La conception leur revient de plein droit. Ils se disent être la référence des services. Si des activités sont confiées à un tiers, ils travaillent dans l’ombre à l’échec de ce dernier. Après, ils reviennent à la charge pour faire comprendre que le directeur s’est trompé en confiant des activités à un moins averti. Ils oublient le plus souvent que leurs diplômes n’incarnent pas le couronnement de la fin. En matière d’études, ils ne savent pas qu’ils n’ont même pas encore commencé. La dimension du savoir est beaucoup plus sérieuse. Mais le savoir de nos travailleurs académiciens bloque souvent les activités des services. Ces derniers connaissent tout. Quelle illusion ! Ce n’est pas sûr qu’étant bardé de diplômes, on réfléchisse mieux. Et puis quels diplômes même ? Si on confond un service public à un amphithéâtre, l’Administration se perturbe. Ce type d’agents ne nuisent pas par hypocrisie. Ils nuisent par orgueil.

5. Les travailleurs d’opinions ou les syndicalistes

Ils jouent généralement un grand rôle dans l’Administration mais souffrent le plus souvent du martyr des directeurs véreux. Il faut cependant regretter l’existence de syndicalistes opportunistes et les "jusqu’au-boutistes". Les syndicalistes opportunistes sont des miroirs aux alouettes juste pour un but inavoué. Soit, ils ont le mandat de directeur (dans ce cas, ils rejoignent les travailleurs vautours), soit ils poursuivent quelque chose (ils rejoignent en ce moment les travailleurs traîtres). Les travailleurs syndicalistes "jusqu’au-boutistes" ne comprennent pas très bien le syndicalisme. Ils condamnent a priori leurs collègues qui n’ont pas la même lecture des choses. Eux, ils sont très "clean". Ceux qui ont des avis contraires ne méritent aucune considération. Ils commencent à bouder les autres alors qu’ils auraient dû les sensibiliser.

Ils oublient que s’il y a le droit à la grève, il y a aussi le droit à ne pas observer un mot d’ordre de grève. Quant aux syndicalistes "normaux", ils ont une très grande culture et de très bons rendements. Ils ont le courage de leurs opinions. Ce sont les seuls qui refusent les compromissions compromettantes. Ils sont courtois mais le plus souvent, les responsables confondent la liberté d’opinion au "respect de la hiérarchie". Pour ces responsables "avoir son opinion" est bien contraire "au respect de la hiérarchie". Les syndicalistes convaincus deviennent leurs adversaires. En cas de mutation du syndicaliste convaincu, une machine de Lucifer se met en branle. Les directeurs commencent à se renseigner de ses agissements à son poste d’origine. Très souvent, il est qualifié de "danger public" qui mérite une affectation "en brousse". Ces responsables oublient que les brousses font partie du Burkina Faso et que nous venons tous de ces villages qualifiés de brousse même si certains ont commencé à oublier le leur. Les syndicalistes convaincus (nous insistons sur le mot) sont très utiles à l’Administration. Le sommet de l’Etat le sait mieux que nous.

6. Les travailleurs pilleurs

Peu importe ce qui se passe au service. Que le directeur soit arrogant, que les collègues se comportent mal ou que les activités se bloquent, le travailleur pilleur reste insensible. Ce sont des agents qui se sont trompés de porte. Ils font la confusion du service public et du commerce. Que le pays recule ou qu’il saute, ce n’est point leur problème. Leur plus grand plaisir se trouve devant les billets de banque. Quand les comptes sont bons, tout est bon. Ce sont les mêmes qui veulent faire pousser au moins une villa par trimestre. Un agent pilleur est terrible et a un courage extraordinaire.

Il veut qu’en moins de cinq (05) ans de service, il passe toute une demi-journée sans pouvoir identifier le nombre exact de ses réalisations. Nous ne sommes pas bons financiers mais de ce que nous avons appris, si un bébé accède à la catégorie exceptionnelle de notre Fonction publique le jour de sa naissance, même s’il économise tout son argent, à la retraite, il ne pourra pas compter le demi-milliard. Alors pourquoi des travailleurs publics comptent des milliards ? Il y a donc maldonne quelque part. Les pilleurs travaillent contre le développement du pays. Ils s’illusionnent de leur avenir "qu’ils ont assuré".

7. Les travailleurs "intouchables" ou les politiciens

Eux aussi se trompent de domaine. Quand vous parlez de performances professionnelles, ils brandissent leurs cartes politiques. N’étant pas visibles dans leur profession, ils trouvent un palliatif pour se faire sentir. Ils sont aussi arrogants. Ils n’hésitent pas à vous montrer le contact des "grands" chaque fois qu’ils manquent d’arguments (ils n’en ont même pas assez). Ils dirigent souvent les directeurs qui sont faibles. Cependant, eux aussi paniquent au moindre changement. Ils n’ont pas de convictions. Leur credo se trouve dans l’assiette des miettes qu’on leur donne pour "services rendus". Ils ne savent pas qu’on les utilise comme des kleenex jetables à tout moment.

8. Les travailleurs au féminin

Les femmes qui travaillent dans l’Administration sont réputées elles aussi dans leur majorité être des rapporteuses. Chaque jour a son thème et son objet. Elles rivalisent surtout sur les accoutrements. La "guerre des modèles" est leur principale préoccupation. C’est souvent ridicule de les voir. Avec le salaire qu’on connaît, elles sont la majeure partie de leur temps chez les tailleurs. Avoir au minimum une nouvelle tenue par mois est un "devoir de femmes". Allez-y souvent voir leur conjoint, vous tomberez des
nues, tellement le paradoxe vous coupera le souffle. C’est aussi de l’émancipation tout cela ?

9. Les travailleurs dinosaures ou les vétérans

Ce sont nos "pionniers", c’est-à-dire nos "tontons" et "tanties". Ils ont "tout vu". Ils méritent respect et considération de la part des jeunes générations. Ce qu’il faut cependant déplorer, c’est que ces vétérans ne font pas toujours honneur à leur âge. Beaucoup sont complexés et d’autres très angoissés et pleins de rancoeurs. Ils jalousent avec les jeunes qu’ils détestent. Comme l’autruche, ils refusent la réalité du moment. Incapables de rattraper le temps gâché, ils jettent l’anathème sur les jeunes qu’ils taxent d’irrespectueux et d’impolis. C’est vrai aussi que les jeunes actuels sont souvent difficiles, mais nous souhaitons humblement que la sagesse ne change pas de main.

Quand on a des cheveux blancs, le premier à les honorer, c’est soi-même. Si le respect de soi-même fait défaut, le respect des autres sera impossible. Dans l’Administration, la confusion est criarde. Quand certains vétérans travaillent avec des collègues qui ont l’âge de leurs enfants, bonjour les dégâts. On refuse de considérer l’autre comme un collègue qui marque son refus de considérer l’autre aussi comme son père. Mais dans la diplomatie, on constate souvent ces approches de "papa" et de "fils". Tout est une question de comportement.

10. Le syndrome des "cadres"

Nous ne saurons passer sous silence ce que nous avons nommé le "syndrome des cadres". C’est le complexe qu’ont certains cadres de l’Administration devenus cadres par la force des choses et surpris de l’être. Ils sont très arrogants et chantent partout le statut qui est le leur. Ils tolèrent rarement les contradictions surtout celles venant des catégories dites "inférieures". Leur arrogance bloque l’esprit d’équipe. Eux aussi nuisent.

Prétendre dresser la liste exhaustive de toutes les catégories d’acteurs de notre Administration est un leurre. Est leurre aussi le fait de vouloir que tout le monde se ressemble. Ce n’est même pas possible si on en croit à "l’insociable sociabilité des hommes" d’Emmanuel Kant. Mais si les hommes qui animent l’Administration ont de tels écarts, l’Etat aussi partage des responsabilités. Comment ?

Nietzsche disait que "l’Etat est le plus froid des monstres froids". Les salaires servis aux travailleurs sont une invite à plus de corruption. Aujourd’hui, quel travailleur n’est pas vulnérable ? Il faut une kyrielle de stratagèmes pour pouvoir survivre face à une ribambelle de difficultés. La courte échelle est très souvent prisée. Il y a aussi la disparité très sensible des avantages par rapport aux différents secteurs d’activités. Certains agents d’exécution rivalisent avec les cadres de la même Administration. Il existe des secteurs d’activités oubliés de l’Etat et d’autres très prisés où les agents sont motivés sans cesse. C’est vrai que ces motivations sont à encourager mais qu’on songe aux autres parce que tous sont utiles au destin de la collectivité. L’enseignant a besoin de l’agent de santé qui a lui aussi besoin d’autres acteurs de l’Administration. Les enfants du financier ont besoin d’aller à l’école. Tous les secteurs d’activités sont
interdépendants.

ourquoi les uns vautrent dans un luxe insultant et les autres croupissent dans une précarité ambiante ? Il y a à ce niveau aussi maldonne. Et l’impunité ? Les gens commettent n’importe quoi et il n’y a rien. Heureusement qu’à ce niveau, son Excellence Monsieur le Premier ministre essaie de faire quelque chose. Il lui reste peut-être à épouser l’idée du professeur Laurent Bado sur les "délits d’apparence" : vous êtes agent comme "Monsieur tout le monde", subitement vous vous retrouvez dans une réalité de pacha, vous rendez compte de "vos efforts". De !a responsabilité de l’Etat enfin, nous nous inquiétons du nouveau système d’évaluation qui augmentera le nombre déjà considérable de travailleurs vautours, de travailleurs politiciens. Cela risque de compromettre l’objectivité (déjà décevante) des agents investis du pouvoir de notation.

Au nom de l’intégrité, vertu cardinale de notre pays, chacun doit travailler à mériter la confiance de la nation. De toutes les façons, l’Histoire se réservera le droit d’écrire certains noms sur sa page noire. L’actuel gouverneur de la région de l’Est (NDLR : Kilimité Théodore Hien) n’a pas tort, lui qui disait ceci dans le quotidien "L’Observateur Paalga" : "Pour ce qui concerne la moralisation de l’Administration, je souhaite que l’on puisse accélérer. Nous sommes un pays pauvre. Si nous ne pouvons pas organiser une distribution rationnelle de nos richesses, si nous laissons nos richesses pillées par une minorité, cela veut dire que nous allons rater notre mission historique, notre passage sur terre". Vivement, que monsieur le gouverneur soit entendu pour qu’on ne rate pas notre mission historique. La vie est une scène de théâtre. On nous l’a appris. Quand on joue un mauvais rôle, on est un mauvais acteur. Une autre prétention est une hérésie.

Yacouba H.S. OUEDRAOGO

Direction provinciale de l’Action sociale et de la Solidarité nationale du Yatenga

Le Pays

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