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9e grande conférence du Médiateur du Faso : Et si l’on instituait la notion de crime culturel ?

Publié le lundi 28 juin 2004 à 08h18min

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Les Burkinabè ont une histoire et donc un héritage du passé. Ce patrimoine fait d’institutions politiques et sociales, de cultures matérielles variées, des modes de pensées et de vie qui nous caractérisent aujourd’hui et qui constituent notre fondement culturel a été l’objet de la réflexion du Pr. Jean-Baptiste Kientéga à travers le thème : "Respect et protection du patrimoine historique et culturel". C’était mercredi 23 juin 2004 à la Caisse générale péréquation.

Restituer l’histoire des Burkinabè, c’est pénétrer dans les cultures, c’est-à-dire l’ensemble des structures sociales, des manifestations artistiques, religieuses et intellectuelles propres à chaque groupe. Des fouilles archéologiques, de professeurs d’université (Pr. Antoine Kalo Millogo, Lassina Koté et Jean-Baptiste Kientéga) et des chercheurs bénévoles ont permis de le faire. Ces recherches, il a fallu les faire car comme l’a dit le conférencier, le Pr. Kientéga : "Notre mémoire collective est plus fragile en ce qui concerne le passé précolonial que sur les évènements de la conquête, de la colonisation et de la post-indépendance". Ainsi les éléments de culture qui constituent notre patrimoine se présentent sous des formes physiques, tangibles, visibles, matérielles ou sous des formes immatérielles.

Au Burkina Faso une riche culture matérielle

La culture matérielle comprend les vestiges légués par les ancêtres. Il s’agit d’outillage lithique de plusieurs provenances et de représentations rupestres de Aribinda, Pobé-Mengao, Doketi, Kawara, Yobiri, etc. On peut citer les buttes anthropiques qui sont des restes d’habitations en matériaux non définitifs comme le banco ; les modes d’inhumation en hypogée ou de jarre-cercueil ; les vestiges des activités métallurgiques (or et fer) ; l’architecture civile ou militaire en pierre ou en terre, la céramique, la sculpture, etc. Le conférencier a également révélé que l’outillage le plus ancien, jamais découvert au Burkina Faso, date de 400 000 ans et a été découvert dans le site de Zigberi à proximité de Markoye par Antoine Kalo Millogo. Pour le conférencier, ce legs en culture matérielle constitue la somme des savoirs et savoir-faire technologiques dont nous avons hérité de nos ancêtres. Pour cela, "nous devons nous appliquer à faire connaissance avec ce passé et ces paquets technologiques car il est la clé du développement réel". Les problèmes de développement prennent racines dans les réalités socioculturelles. Voilà pourquoi affirme le Pr. Kientéga, il est nécessaire d’introduire la dimension culturelle et humaine dans tous les projets de développement, de la conception à l’exécution. Quant à la culture immatérielle, il est ressorti que la magie est l’une des caractéristiques types. Le savoir magique peut être compris comme l’ensemble des pratiques reposant sur la croyance et qu’il existe entre les êtres de la nature des rapports réguliers, des lois censées permettre à l’homme de se concilier les bonnes grâces d’une puissance supérieure : les Yônyôosé affirment que leurs ancêtres utilisaient le vent comme moyen de communication pour s’expédier des colis. Pour le conférencier, le domaine de la magie demeure encore inexploré. Les chants et danses traditionnels eux, grâce à la SNC, connaissent de plus en plus un engouement ainsi que les recherches linguistiques. Cependant des inquiétudes subsistent : "Que deviendront dans un siècle des langues comme le doghosié, le padoro, ou le kalensé, le ko ou le viguié ?" s’est interrogé le Pr. Kientéga.

L’organisation sociopolitique ancienne des peuples du Burkina présente des similitudes avec beaucoup d’autres systèmes sociopolitiques africains. L’histoire révèle trois groupes sociaux précoloniaux classés en deux catégories : la première concerne les sociétés à pouvoir centralisé, fortement hiérarchisées (moosé, gulmacéba, fulbé, gan, touareg, kurumba). La seconde catégorie concerne les sociétés sans pouvoir centralisé (gurunsi, lobi, dagara, dyan, turka, bissa, sénoufo, gouin). Tous ces peuples aux origines diverses, aux comportements sociopolitiques différents ont généré et développé des cultures qui traduisent leurs différences. Le Burkina Faso est aujourd’hui riche de cette diversité culturelle.

La garantie de survie de notre culture

Cette diversité culturelle n’échappe pas aux dangers. Il y a d’abord le regard que le Burkinabè porte sur son passé, regard emprunt d’ambitions et d’intérêts souvent contradictoires et qui poussent à déformer la vérité historique. Pour le conférencier, il peut entraîner un manque de cohésion sociale. Ensuite, il y a le phénomène de la mondialisation qui pousse à une destabilisation culturelle de nos sociétés parce que nous préférons nous aligner sur des standards étrangers. Enfin, il y a les fouilles clandestines, les pillages et trafics illicites des biens culturels, les piratages de biens immatériels comme la musique. Pour le conférencier, comme tous les peuples, les Burkinabè ont un passé, une histoire qu’ils doivent assumer dans son entièreté. Cela passe d’abord par l’inventaire de ce patrimoine culturel national : "Sa réalisation est le préalable à l’élaboration et à l’exécution de toute politique de préservation".

Au plan institutionnel, il existe déjà un musée national. Mais affirme le Pr. Kientéga, un musée où l’on ne fait pas de la recherche n’est pas un musée, c’est un conservatoire.

Il a donc préconisé des mesures scientifiques et techniques pour le musée national, (études, classement, entretien, restauration).

L’arsenal juridique qui tarde à voir le jour mérite une accélération de son processus. Pour lui, comme les crimes de sang ou crimes économiques, les lois devraient sanctionner sévèrement les coupables de crimes culturels.

Ismaël BICABA (bicabai @ yahoo. fr)
Sidwaya

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