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Refondation : René Emile KAboré persiste et signe

Publié le lundi 22 septembre 2008 à 08h37min

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Si on avait pensé qu’à l’occasion de la Convention du CDP, les Refondateurs du parti majoritaire, battant leur coulpe à travers une lettre-repentir, avaient rejoint le rang, la queue basse, il faudra revoir le jugement. Déjà à travers l’Observateur Paalga, des précisions avaient été données sur l’absence de toute autocritique dans leur fameuse correspondance ; avec la présente interview qu’Emile René Kaboré a accordée à San Finna, les choses en tout cas en ce qui le concerne demeurent en l’état, le fond du problème n’ayant pas été vidé. Comme à l’accoutumée, l’homme qui ne fait pas dans le « lib-lib », nous sert un entretien décapant que voici.

Votre parti, le CDP, vient de tenir une Convention les 13 et 14 septembre. Au-delà des sujets importants qui ont été débattus et sur lesquels nous reviendrons, il est sans cesse revenu la question de la lettre que les Refondateurs ont adressée au président du parti. Certains parlent d’autocritique. Toujours est-il que selon notre confrère l’Observateur Paalga du 19 septembre 2008, cette lettre serait la suite de trois rencontres que vous auriez eues avec le président du parti. Qu’en est-il au juste ?

René Emile Kaboré : Vous me permettrez avant toute chose, de remercier l’ensemble de la presse pour l’intérêt qu’elle n’a cessé de porter au « courant des refondateurs du CDP ». Les journaux, les radios et jusqu’à la télévision nationale ont couvert de façon professionnelle les différentes phases de ce combat mené pour donner à notre parti plus d’opérationnalité au soutien que nous devons au président du Faso et à son programme politique. San Finna a été parmi les analystes les plus fins de cet évènement et nous tenons à le souligner.

Je dois ensuite préciser que je réponds à votre question à titre personnel ; je dis bien à titre personnel.

- D’abord, sur la question de l’autocritique, je suis catégorique, comme du reste notre groupe l’a toujours été sur ce point. N’ayant pas été formé à cette pratique et n’en ayant aucune expérience, il serait risqué d’en devenir un adepte.

- Ensuite, s’agissant des « trois bonnes rencontres, la dernière ayant eu lieu le 11 septembre dernier », je tiens à dire ceci : depuis notre lettre adressée au président du parti le 23 avril 2008 l’informant de la création de notre courant, je n’ai jamais participé ou assisté à une rencontre avec le président du parti ou l’un quelconque de ses éventuels mandataires. Je ne l’ai même jamais aperçu si ce n’est à la télévision comme tout le monde.

Concernant la lettre elle-même, je ne peux rien vous en dire puisque n’en étant pas signataire. J’ai toujours soutenu que la sanction qui m’a été infligée relève de l’arbitraire puisque contraire aux statuts et règlement intérieur de notre parti (cf lettre du groupe de refondateurs au président du CDP en date du 19 juin 2008). Primo, la preuve de l’accusation n’est pas produite. Secundo, je n’ai jamais été entendu. Tertio, le Bureau Politique, organe auquel j’appartiens, n’a jamais produit son rapport dans cette affaire. Quarto, la commission de contrôle n’a pas donné son avis au rapport du Bureau Politique, et pour cause… C’est on ne peut plus clair pour tout le monde. Si la direction reconnaît ses erreurs, ce qui est humain, je serais le premier à applaudir, ça sera un autre point de gagné pour la démocratie en construction au Burkina. Mais si au contraire, elle veut persister dans son erreur pouvant aller jusqu’à m’exclure du parti, libre à elle. Les Latins disent « errare humanum est sed perseverare diabolicum ». Je reste convaincu que seule l’application de nos textes peut permettre une sortie qui fasse grandir notre parti, car, ne l’oublions pas, notre action a aussi et entre autres, une valeur pédagogique. Les militants, toute la classe politique nationale et même des observateurs étrangers attendent de voir. Et comme je vous le disais dans l’interview que je vous avais accordée dans ce même journal le 25 mai 2008, la manière dont la direction du CDP règlera ce problème nous situera sur le niveau réel de notre démocratie.

Est-ce à dire que si, comme le laisse un peu entendre le président du parti, la lettre permettait de reconsidérer la position à votre en droit, vous récuseriez la levée de la suspension ?

REK : Je ne peux pas être plus clair. Par honnêteté intellectuelle, je ne peux pas en accepter les bénéfices. C’est une question de principe.

Et si la Direction du CDP maintenait votre suspension jusqu’au prochain congrès qui pourrait vous exclure ?

REK : Très honnêtement, je ne mourrais pas si je restais simple militant de base ou même si l’on m’excluait du parti. Au CDP, nous sommes plus d’un million et demi, si l’on prend en compte tous ceux qui donnent leurs suffrages au président Compaoré. Sur ce plus de million et demi de militants, combien sont au Bureau Exécutif ou au Bureau Politique ? Neuf cent ou mille ? Est-ce à dire que tous les autres sont moins CDP ? Et puis, combien sont-ils qui soutiennent le Président Compaoré ou qui servent le Burkina Faso sans être au CDP ? Combien de militants sont refondateurs sans être dans les organes dirigeants du CDP ? Etre dans le parti, être député, être ministre, ne constitue pour moi que des moyens. Des moyens de servir mon pays et son peuple. Alors, vous savez… Ce pour quoi je me bats, c’est pour que les choses changent dans l’intérêt de notre parti mais aussi et surtout dans celui de notre pays. C’est un choix et j’entends m’y conformer. C’est Oscar Wilde qui disait : « Dans la vie, il y a deux priorités : la première, c’est de se choisir une image pour s’y conformer ; la deuxième, personne ne sait ce que c’est ».

Tout compte fait, le motif de votre sanction, c’est d’avoir publié votre lettre du 23 avril au président du CDP dans la presse ?

REK : J’attends toujours que l’on m’en apporte la preuve. Le comique dans tout cela, c’est que la direction du parti ne s’est pas gênée pour publier sa réponse à notre lettre. Ce qui est moins comique, c’est quand elle autorise certaines personnes, sous prétexte qu’elles sont de la direction, à écrire n’importe quoi contre des militants. Ce qui est sûr, c’est que quelque chose a changé. Les militants aspirent de plus en plus à la liberté de s’exprimer dans le parti. Ce phénomène est irréversible parce qu’il épouse son temps. Constatez vous-même ! Dans le journal « Le Pays » du 12 septembre 2008 et « L’Observateur Paalga » du 15 septembre 2008, il nous a été donné de lire la lettre de la « jeunesse indignée de Sig-Noghin » qui, en des termes durs, pose ses préoccupations au président du parti et à l’opinion publique. C’est tout dire … Est-ce pour autant qu’il faut les suspendre, les exclure ? Non et Non ! Il faut les écouter et situer les responsabilités. Sinon, à sanctionner pour sanctionner de la sorte, il ne resterait bientôt plus de militant en dehors des membres de la direction du parti…

Et pour ce qui est de la convention même, qu’en pensez-vous ?

REK : Comme vous le savez, étant suspendu et désormais militant de base depuis le 14 juin, je n’y étais pas invité. J’ai donc suivi l’évènement par les médias. Je dois dire que j’ai senti comme un éveil des consciences au regard des conclusions des travaux, au regard des points soulevés et devant les intentions annoncées.

Si la voie qu’on nous annonce se confirmait, il y aurait de réelles raisons d’espérer le changement tant attendu. Et aucune personne honnête ne pourrait douter de l’impact de l’action des refondateurs sur ce changement de cap.

La direction du parti semble être sur la même longueur que les refondateurs quant à l’appréciation des rapports entre le CDP et la FEDAP/BC

REK : Les refondateurs ont donné leur appréciation sur la question de la FEDAP/BC depuis bien longtemps, à un moment où aucun membre de la direction du parti n’osait se prononcer. Et comme vous le savez, il y en a parmi eux qui ne se gênaient pas de combattre et les ABC en son temps, et la FEDAP/BC aujourd’hui, pour des raisons qui, comme tout le monde le sait, tiennent essentiellement à la lutte de positionnement qu’ils ont engagée. Si aujourd’hui ils ont compris et qu’ils choisissent de rentrer dans les rangs, tant mieux. La FEDAP/BC est constituée de femmes et d’hommes de bonne volonté qui, reconnaissant les mérites du président Compaoré, s’organisent pour le soutenir et l’accompagner dans la construction du Burkina Faso et dans ses efforts reconnus pour la paix. Comment peut-on prétendre soutenir le président Compaoré, diriger le parti présidentiel et combattre la FEDAP/BC ? Impossible de continuer ! Sauf à faire tomber les masques. C’est une ligne que certains se sont bien gardés de franchir.

Parmi les points retenus par la convention, il y a celui relatif à la réflexion pour la modernisation de l’agriculture. Compte tenu de l’importance de ce secteur dans l’économie du Burkina Faso, quel jugement portez-vous ?

REK : Je ne porte pas de jugement. Je m’en réjouis. Voir le parti s’engager enfin dans une réflexion prospective sur un sujet aussi important est une très bonne chose qui va dans le sens de ce que les refondateurs préconisent. Je déplore le fait que ce soit seulement maintenant que l’on y pense. Car bon sang, tout le monde sait l’importance que le président Compaoré attache à l’agriculture. A titre d’exemple, rappelez-vous : les images produites pour la promotion du premier septennat nous montrait un Blaise Compaoré paysan à travers ses champs comme pour inviter tous les Burkinabé à accorder une place à l’agriculture. C’est d’ailleurs au cours de ce même septennat qu’il a donné les signes de sa volonté de moderniser l’agriculture en obtenant de l’Inde les premiers tracteurs agricoles, Etc. Etc. dont la gestion aux dires même des paysans, aux dernières Journées Nationales du Paysans, a semblé chaotique… Par la suite, le président Compaoré est allé jusqu’à mettre à la tête de l’Agriculture, un ministre d’Etat, le seul département qui avec celui des Affaires étrangères et plus récemment celui de la Santé (sauf en son temps, le ministère de l’Intégration et de la Solidarité Nationales), ont eu cette considération, depuis son accession à la magistrature suprême. C’est donc depuis longtemps que cette réflexion anticipative devait se faire. Aujourd’hui, c’est encore sous la pression que l’on y arrive : pression de la pénurie alimentaire, pression de la vie chère, pression des bailleurs de fonds (15 % du budget devront désormais être consacrés à l’agriculture). C’est ça qui est déplorable.

Lamine Koné

San Finna

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