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AFRIQUE DU SUD : Mbeki dans la tourmente de l’impeachment

Publié le dimanche 21 septembre 2008 à 23h34min

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Thabo Mbeki

C’est le modèle sud-africain qui le veut. Quand le président n’ a plus la confiance de son parti, il peut être démis de ses fonctions. Thabo Mbeki a le malheur d’inaugurer cette amère et humiliante expérience, par la volonté de l’ANC avec lequel il n’est plus en odeur de sainteté. Depuis son duel perdu avec Jacob Zuma pour la conquête du parti, en décembre dernier, on savait le président Mbeki très affaibli, mais on ignorait comment il quitterait le pouvoir.

Il ne connaîtra donc pas une fin de règne tranquille, en 2009, année où devait s’achever son mandat. Après son accession à la direction de l’ANC, Jacob Zuma avait pourtant évité de gêner l’action de Mbeki, promettant de cohabiter avec son adversaire jusqu’à la fin de son mandat. Mais le procès de la corruption intenté contre le nouveau patron de l’ANC est passé par-là.

Ce fut sans doute un moment décisif, qui a définitivement enterré la cordiale entente entre les deux détenteurs du pouvoir sud-africain. Car non seulement Jacob Zuma a bénéficié d’un non-lieu qui lui ouvre désormais les portes de l’Etat après celles du parti, mais en plus, il subodore une tentative de manipulation de la justice orchestrée par le camp Mbeki. Des magistrats ont mis en évidence une politisation du procès dont l’objectif final est de faire condamner Zuma et donc, de l’écarter de la course à la présidentielle.

Dès lors, le bras de fer feutré entre les deux hommes prenait une nouvelle dimension, celle d’une guerre ouverte. Sous d’autres cieux, des hommes politiques ont souvent eu recours à de telles pratiques pour écarter des adversaires. En France, l’épique bataille entre Dominique De Villepin et Nicolas Sarkozy pour la succession de Jacques Chirac s’est faite sur fond d’affaire Clearstream, du nom des fichiers tronqués pour piéger Sarkozy. La leçon, dans les deux cas, est qu’il ne faut pas jouer à déstabiliser ses adversaires par l’instrumentalisation. En tout cas, en démocratie, cela se retourne toujours contre ses auteurs.

Si donc officiellement Mbeki paye pour ses interférences dans le cours de la justice, en vue de noyer Zuma, il reste que son départ était souhaité depuis fort longtemps par les partisans de Jacob Zuma. Quels que soient les griefs exprimés contre le président sortant, l’on ne peut que saluer l’élégance politique dont il fait montre en s’inclinant devant la décision de son parti. Il épargne ainsi à l’Afrique du Sud une autre source de conflit. Il est évident que le régime politique sud-africain a ceci de particulier que le président est élu au suffrage indirect. Son parti peut, de ce fait, le démettre en cas de défaillances graves. Certains parleront de dictature du parti, mais il reste que cet impeachment est un garde-fou contre les dérives du président.

Mais que retenir de cet homme qui, neuf années durant, a présidé aux destinées de la première puissance continentale ? Sans doute beaucoup d’engagement pour la résolution des conflits en Afrique, sous le signe de la renaissance africaine. Il voulait des solutions africaines aux problèmes africains. Thabo Mbeki a, en effet, beaucoup oeuvré pour la paix, même si son action a connu des forunes diverses. En Côte d’Ivoire notamment, où il s’est beaucoup dépensé pour aider à une sortie de crise, sa médiation a été entachée par sa méconnaissance des hommes et du terrain. Séduit par le discours anti-colonialiste de Laurent Gbagbo, il n’a pas toujours su observer l’impartialité requise en de pareilles circonstances.

Sa dernière bataille pour réconcilier des frères africains fut celle du Zimbabwe. Cette médiation a pu aboutir à un accord entre les parties en conflit, bien que là aussi, Mbeki ait été souvent accusé de partialité. La crise zimbabwéenne a beaucoup absorbé le président sud-africain qui espérait sans doute en récolter des dividendes. Visiblement, l’ANC, elle-même divisée sur la question, ne se satisfait pas de cette opération presque réussie de sauvetage du Zimbabwe. Mbeki a parcouru le continent pour gérer les foyers de crise. Mais le pompier de l’Afrique n’a pu éteindre le brasier interne allumé par ses camarades de parti, et qui a fini par l’emporter. Comme quoi, succéder à Nelson Mandela n’est pas un exercice des plus faciles.

Par Mahorou KANAZOE

Le Pays

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