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Résolution des conflits en Afrique : L’ONU a-t-elle les moyens de sa politique ?

Publié le lundi 28 juin 2004 à 08h18min

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C’est à une véritable battue que vient de se livrer une mission
du conseil de Sécurité de l’ONU qui s’est successivement
rendue en Sierra Leone, au Liberia et en Côte d’Ivoire. Son
objectif, apprivoiser, amener à la raison et contraindre à la
cohabitation et en cas de refus, sanctionner cette faune politique
qui, dans certains pays, met en péril la stabilité, la paix et toute
perspective de développement socio-économique.

En Côte
d’Ivoire où elle a rencontré tous les protagonistes de la crise qui
perdure, la mission aurait tapé du poing sur la table, promettant
de sévir contre tous ceux qui se mettraient en marge du
processus de réconciliation nationale. A en croire la délégation
de l’ONU, ces sanctions pourraient se concrétiser par le gel des
avoirs des dirigeants et l’interdiction pour eux de voyager à
l’étranger. Ce n’est pas la première fois que l’ONU brandit des
menaces à l’encontre de dirigeants africains et d’ailleurs. Les
nombreuses résolutions du Conseil de Sécurité constituent en
elles-mêmes des menaces, surtout qu’elles sont écrites.

Cependant, un pays comme Israël les foule quotidiennement
aux pieds. Dans ces conditions, la simple promesse de Gbagbo
de réintégrer les ministres limogés dans le gouvernement de
réconciliation nationale est-elle un gage de sa sincérité ? On
peut émettre des réserves quant à sa réelle volonté d’en finir
avec cette situation de tous les dangers. Ce serait en tout cas,
une étonnante métamorphose pour cet homme qui conçoit
jusque-là la politique beaucoup plus comme moyen d’obtenir
argent, honneurs et pouvoir, qu’une activité noble exercée dans
l’intérêt des citoyens et de la chose publique.

Laurent Gbagbo
sait qu’il n’a rien à craindre en continuant d’entretenir cette
constante de son comportement qui consiste à rejeter les
autres, quand bien même ils représentent une force
incontournable sur l’échiquier politique ivoirien. L’historien
Gbagbo, plus que tout autre dirigeant africain, est bien placé
pour connaître les limites de l’ONU.

A la merci des intérêts
géopolitiques et géostratégiques de ceux qui régentent de fait le
Conseil de sécurité, l’ONU n’est qu’un instrument docile et
manipulable aux mains des Occidentaux. Sinon, comment
comprendre que l’ONU ait encore besoin de dépêcher une
mission en Côte d’Ivoire pour s’enquérir d’une situation qu’elle
connaît parfaitement bien ?

En effet, le séjour de cette mission
intervient à peine deux mois seulement après la publication des
conclusions de l’enquête de l’ONU sur les massacres des
25-26 mars derniers. Des conclusions si accablantes pour les
autorités ivoiriennes que l’ONU n’avait plus besoin de se torturer
les méninges pour désigner les coupables de ces tueries. Ce,
d’autant plus que les autorités ivoiriennes ne sont pas à leurs
premiers exemples de comportements répréhensibles en
matière de violation des droits de l’Homme et d’attentat à la vie
humaine.

En fait, la récente sortie de l’ONU, loin d’être le signe
d’une nouvelle virginité ou d’une manifestation de sa vitalité,
traduit son impuissance, son essoufflement et sa paralysie du
fait de la mainmise des grandes puissances sur elle. C’est le
constat qu’on peut faire sur la situation en Côte d’Ivoire où elle a
été devancée par la France. D’où son impuissance à peser sur
le cours des événements dans ce pays, handicapée qu’elle est,
par une médiation française.

Car, si Gbagbo est un obstacle à la
paix dans son pays, il ne l’est nullement en ce qui concerne les
intérêts de la France. Gbagbo et la France s’entendent
parfaitement bien comme deux larrons en foire. La France, en
tant que médiateur partisan, ne peut que se soucier davantage
de préserver et de renforcer ses intérêts plutôt que d’oeuvrer
pour une solution équitable qui prenne en compte les intérêts
de tous les protagonistes.

Au Liberia, ce sont les intérêts
stratégiques des USA qui ont prévalu et qui ont abouti à l’éviction
de Charles Taylor sans que l’ONU ait eu son mot à dire. A
chaque fois, on sème la m... et on demande à l’ONU de faire la
vaisselle. Chaque fois, on attend que le chaos s’installe dans
une région pour demander à l’ONU de jouer au pompier.

Qu’il
s’agisse du Rwanda hier ou de la Côte d’Ivoire aujourd’hui, tous
les ingrédients d’une crise et d’un cocktail explosif étaient
manifestes. Depuis longtemps, tous les clignotants d’un
génocide programmé étaient allumés, de l’abject concept de
l’ivoirité en passant par le ségrégationniste code de la
nationalité et l’inacceptable réforme agraire et foncière. Pourtant,
l’ONU n’a rien fait pour prévenir les signes avant-coureurs de ce
qui est devenu aujourd’hui un cauchemar pour les Ivoiriens et
même pour les Africains. Cette politique du médecin après la
mort, confine une fois de plus l’ONU dans une position peu
reluisante de "machin". Il ne reste plus qu’à la prendre à ses
propres mots en espérant que cette fois, ils trouveront une
application sur le terrain.

En attendant que l’ONU sorte de son engourdissement
bureaucratique, intérêts mutuels franco-ivoiriens obligent,
l’immense majorité des Ivoiriens va devoir se contenter encore
de digérer pendant longtemps, le fruit de l’inceste conçu et
entretenu par Abidjan et Paris.

Le Pays

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