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Sénégal : Ces fantômes du Joola ressuscitent en France

Publié le mercredi 17 septembre 2008 à 03h47min

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A Ziguinchor comme dans les autres villes sénégalaises, la date du 26 septembre rappelle chaque année un événement douloureux. En effet, dans une dizaine de jours, cela fera six ans que le Joola, ce navire sénégalais qui portait le nom d’une ethnie de la Casamance, était perdu corps et biens au large des côtes gambiennes. Plus de mille huit cents morts. Un chiffre plus effroyable que celui du Titanic ou de la Sémillante.

Ce qui s’est passé là-bas est vraiment un événement terrible, qui a endeuillé de nombreuses familles. Un voyage sans retour puisqu’en quittant la Casamance, les voyageurs étaient loin de penser qu’ils ne reverraient plus leurs proches.

Beaucoup de choses ont été dites après ce drame provoqué par un mélange d’inconscience et d’inertie. À l’époque, on avait critiqué sévèrement la lenteur des secours. Mais dans cette affaire où on veut parfois ruser avec le destin , qui pouvait imaginer que ce navire, souvent surchargé, n’arriverait pas ce jour-là à destination comme les autres jours ? Ce qui devait donc arriver arriva et ce fut une effroyable catastrophe.

On a même chargé le pauvre commandant de bord qui est mort avec ses passagers. Le bouc émissaire idéal, puisqu’il n’était plus là pour se défendre, pour expier les péchés de tous, aussi bien les responsables politico-administratifs de l’époque que la hiérarchie militaire, principalement la marine. A peine le Joola coulé, qu’on n’a pas mis du temps pour sortir le « Wilis », un nouveau bateau pour continuer le trafic dans cette région maritime du pays.

Depuis cette maudite date du 26 septembre 2002, le dossier du Joola est encore sur la place publique et semble être un boulet que traîne le gouvernement du président Wade. Et pourtant, l’Etat sénégalais avait reconnu sa responsabilité en mettant à exécution plusieurs mesures d’accompagnement pour atténuer un tant soit peu le chagrin et la souffrance des familles éplorées.

Il y a cinq ans, après de multiples négociations, l’Etat a accepté d’indemniser chaque parent à hauteur de trois millions de FCFA. Mais les parents des victimes avaient opposé un refus catégorique et fait monter les enchères jusqu’à 20 millions de FCFA.

L’Etat crie au scandale et le collectif des familles des victimes parvient finalement à décrocher 10 millions sur la fixation des primes de dédommagement. Mais si à Dakar, on semble avoir oublié que parmi les naufragés, il y avait 22 Français, dans l’Hexagone, par contre, l’événement est encore vivant dans les mémoires.

Et pour se faire entendre sur ce dossier qui n’a que trop duré, neuf mandats d’arrêt internationaux ont été délivrés le 12 septembre dernier contre de hauts responsables sénégalais, dont l’ancienne première ministre, Mame Madior Boye, pour leur implication présumée dans la tragédie.

L’annonce ayant été faite par Me Etienne Rosenthal, le représentant du collectif des parties civiles des familles françaises victimes du Joola, on n’est pas du tout content à Dakar.

Le dossier refait surface alors que l’année dernière, le ministre des Affaires étrangères avait émis un avis défavorable à cette initiative, qui a forcément, des implications politiques. Lors du séjour à Dakar d’un juge français à cette époque, le président Wade avait menacé la France de mesures de réciprocité. La justice sénégalaise, qui avait classé le dossier sans suite, n’entend plus le ressortir.

Les Français, eux, tiennent à ressusciter l’affaire et à l’allure où vont les choses, s’achemine-t-on vers une escalade diplomatico-judicaire ? Où est-ce que cette affaire ira ? A Dakar, il n’y a pas l’ombre d’un doute qu’elle va diviser la société.

L’opposition, sur ce fait, fait chorus avec le gouvernement et c’est aussi la preuve que dans certaines circonstances, les Sénégalais, toutes sensibilités confondues, peuvent faire bloc, ce qui est loin d’être le cas partout.

En tout cas, cette affaire met mal à l’aise le régime de Me Wade qui croyait l’affaire enterrée pour de bon. Va-t-il consulter les marabouts du pays pour que les toubabs le laissent tranquille parce qu’il a d’autres chats à fouetter en ce moment ?

Justin Daboné

L’Observateur Paalga

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