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QUESTION FONCIERE : Certains sont mieux sécurisés que d’autres

Publié le mercredi 17 septembre 2008 à 03h37min

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Ceci se passe dans un village au bord du Mouhoun, dans l’Ouest du pays. André y est catéchiste depuis vingt ans. Il y a vingt ans, son logeur lui a "donné" une terre que, depuis, il cultive pour nourrir sa famille et ses nombreux enfants.

Mais il y a quelques jours, les enfants de son logeur (décédé il y a un an – paix à son âme) viennent le trouver pour lui annoncer qu’ils ont décidé de vendre leurs terres aux "gens de Ouagadougou". Sont-ils vraiment libres de le faire ? Y sont-ils "contraints" ? Je n’ai pu vraiment le savoir.

"D’ici un an, tu devras quitter la terre… mais tu pourras rester si tu nous donnes deux millions". Où pourrait-il donc trouver cette somme ? Lui qui vit de cette terre d’année en année sans économies ni fortune personnelle. Et quand bien même il la trouverait, les démarches de sécurisation foncière ne seraient pas encore commencées … et elles sont longues ou même impossibles pour un paysan qui ne peut aller à Ouaga "pousser" son dossier…

Je ne connais pas encore la fin de cette histoire, mais elle dit bien le tragique de la situation actuelle pour les petites gens et pour les petits paysans qui vont être complètement dépouillés de leur instrument de travail.

Tous, nous sommes convaincus qu’une "bonne" loi foncière est extrêmement urgente pour le pays :

* pour sécuriser les paysans sur leurs terres,

* pour réconcilier le droit foncier traditionnel et le droit foncier moderne dont le "procès-verbal de palabres" est aujourd’hui le lien bien fragile,

* pour permettre à chacun de connaître ses droits et ses devoirs par rapport à la terre qui nous nourrit,

* pour protéger le patrimoine national des trop grands prédateurs et d’un agro-bussiness attentif au profit mais peu préoccupé d’environnement,

* pour définir les espaces entre éleveurs et agriculteurs et être ainsi source de paix sociale,

* pour gérer la "pression foncière" qui va se faire de plus en plus forte au fil des ans (démographie oblige),

* pour mieux gérer les terroirs qui sont un patrimoine commun…

Quand tous attendent cette loi qu’ils espèrent favorable aux producteurs, à ceux qui cultivent eux-mêmes la terre de leurs mains, les consultations, les forums, les réunions, les CASEM, les commissions d’étude, les ateliers continuent sans fin de se tenir sur le sujet et retardent indéfiniment la sortie d’une loi qui risque fort, dans la logique libérale, d’être plutôt favorable aux puissants et à ceux qui détiennent l’argent.

A l’occasion des "visites sur le terrain" que des ministres et des députés ont faites durant cet hivernage, nous sommes surpris d’apprendre que les plus puissants du régime et de nombreux "opérateurs économiques" se sont déjà largement servis, se taillant des dizaines ou des centaines d’hectares à leur seul profit. Ils bornent, ils clôturent, ils accaparent ; ils « achètent » des terres à de pauvres paysans qui ne comprennent pas bien souvent l’enjeu de leurs ventes. Et qui se voient ainsi complètement désappropriés. Ils utilisent l’absence d’une véritable loi foncière rurale pour accaparer le plus rapidement possible le plus de terres possible sur lesquelles ils font travailler des tracteurs – en espérant que ce ne soit pas du lot "non payé" — et une foule d’ouvriers agricoles "salariés bien moins que le SMIC et non déclarés".

En attendant cette loi foncière supposée protéger les paysans, des zones entières (Léo, Koubri, Sabou, pour n’en citer que quelques unes) sont accaparées par des propriétaires fonciers (les nouveaux riches du Burkina) qui ne les mettent d’ailleurs pas autant en valeur qu’on pourrait l’espérer.

Et si un seul accapare 170 hectares dans la vallée du Sourou, c’est 170 familles qu’il prive d’un hectare chacune. Mais surtout, c’est combien d’"ouvriers agricoles" qu’il met à son service et à quel prix ?

Une étude universitaire a même montré qu’en avril 2005, quand l’eau y était au plus bas par négligence de gestion, d’autres "personnalités" n’étaient même pas à jour de leurs redevances… sur ce périmètre aménagé.

Au Burkina, question foncier rural, certains sont certainement mieux sécurisés que d’autres ! Et cela augure bien mal de l’avenir.

Père Jacques Lacour jacqueslacourbf@yahoo.fr

Le Pays

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