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SIMON COMPAORE, SECRETAIRE GENERAL DU CDP : "Le CDP se porterait mal si de temps en temps il n’y avait pas de secousses"

Publié le vendredi 12 septembre 2008 à 08h39min

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Une interview avec Simon Compaoré, le maire de Ouagadougou et secrétaire général du CDP (Congrès pour la démocratie et le progrès), se fait toujours au pas de charge. A la veille de la convention nationale du parti majoritaire, "Le Pays" a essayé, avec lui, de cerner les enjeux de cette assise qui se tient les 13 et 14 septembre. Entre une descente sur le terrain, des piles de dossiers à traiter et des audiences à accorder, Simon Compaoré a pu aborder quelques sujets brûlants liés à la vie de son parti.

"Le Pays" : De quoi sera-t-il question au cours de la convention nationale du CDP ?

Simon Compaoré : La convention nationale, comme l’indique l’article 63 des statuts du CDP, est l’instance de délibération entre deux congrès. Elle a pour compétences d’évaluer l’exécution des décisions du congrès et d’examiner toutes les questions relatives à la vie du parti ou d’intérêt national. Vous savez qu’en novembre 2006, nous avons tenu le 3e congrès ordinaire qui a eu à prendre un certain nombre de décisions. Justement, cette convention va voir comment ces décisions ont été appliquées sur le terrain, comment le parti a fonctionné, comment nous avons participé à l’animation de la vie politique et quelle a été notre contribution dans les questions extrêmement importantes de la vie nationale telles que le phénomène de la vie chère, la crise universitaire. Nous allons connaître aussi des discussions sur les réformes politiques et institutionnelles. Là également, notre parti a travaillé sur l’ensemble de ces questions, et, à cette convention nationale, il va exposer, à partir des travaux effectués par trois sous-commissions, le contenu de nos réflexions.

La convention nationale va réunir près de 2000 personnes qui sont les cadres du parti. Il s’agit notamment des membres du Bureau politique qui sont environ 460, du Bureau exécutif national, de l’ensemble des députés et des maires membres de notre parti, des responsables des structures géographiques. Nous allons associer aux discussions les coordinations des secteurs structurés, les coordinations des marchés et yaars, du secteur informel, les unions des anciens, des jeunes, des femmes, des étudiants et des élèves. Il s’agit donc d’un grand forum.

Les conventions se suivent mais ne se ressemblent pas ; celle-ci ne prend-elle pas l’allure d’un mini-congrès au regard du contexte national et des défis auxquels fait face le parti ?

Je ne vois pas ce qui peut être mis en avant pour caractériser cette convention de particulière. C’est vrai, nous avons toujours eu des défis à relever à la veille de nos instances. Les défis qui se posent à notre parti, aussi bien internes qu’externes, nous les avons toujours gérés et nous continuerons de les gérer. Cependant, je dois dire que cette convention se tient à un moment où, sur le plan international, il y a comme une sorte de mini- crise avec le phénomène de la vie chère. Ce contexte peut être particulier puisque nous faisons en sorte que nos réflexions portent sur des solutions qui amènent le Burkina à sentir le moins possible cette crise internationale. Si c’est au sujet de notre situation interne, un parti comme le CDP se porterait mal si de temps en temps il n’y avait pas de secousses. Elles sont la preuve de la vitalité de notre parti.

A l’interne, vos "refondateurs" estiment que le parti a des problèmes de fonctionnement ; cette fronde ne trouble-t-elle pas votre sommeil ?

(Sourires) Vous qui m’interviewez, voyez-vous que je me porte mal ? Toute la direction du parti se porte bien et vous aurez l’occasion de le constater les 13 et 14. Nos structures ont bien préparé cette convention. Les discussions seront certainement nourries, mais pas parce que des camarades ont préféré se mettre en marge du parti en portant le débat dans la rue. Ce qui fait la force d’un parti, c’est sa capacité organisationnelle, sa capacité à appliquer la discipline en son sein et à appliquer les textes qui régissent sa vie, son fonctionnement. Si cela n’est pas respecté, la direction du parti est en droit de prendre les dispositions qui s’imposent pour que le parti puisse continuer à être ce qu’il est.

Cette affaire semble tout de même avoir jeté le trouble dans le parti puisque la direction a demandé aux "refondateurs" de faire leur autocritique. C’est dire que le débat n’est pas clos.

Je n’ai jamais dit que les débats sont clos. D’ailleurs au sein de notre parti on aime les débats, mais les débats organisés, qui se mènent de façon sereine dans les structures du parti. La preuve, la convention sera l’occasion pour l’ensemble des militants de débattre des questions que j’ai énumérées plus haut. C’est une plate-forme qui permet aux uns et aux autres de faire un bilan critique de la vie du parti et discuter aussi de l’unité et de la cohésion au sein de notre parti. Il y a des plages donc pour ceux qui veulent le débat. Cette question n’a empêché nullement le parti de mener sereinement ses travaux, ni empêché aucun de nous de bien dormir.

Comme l’a dit le camarade Achille Tapsoba, il s’agit d’un épiphénomène et c’est normal. Il ne faut pas donner de l’importance à une question qui, somme toute, peut être circonscrite dans les limites bien précises. Rassurez-vous, il n’y a pas de question tabou au niveau de notre parti. Tous les éléments ayant trait à la vie du parti seront mis sur la table. D’ailleurs, un document a été préparé à cet effet , intitulé "Rapport sur la vie du parti". Nous allons en débattre largement. Des questions dont celles soulevées par nos camarades suspendus seront évoquées au sein de nos structures. Si on a demandé aux camarades de faire leur autocritique, ce n’est pas parce qu’on les prive de leur droit de critiquer le fonctionnement du parti, mais parce qu’ils ont foulé au pied nos principes organisationnels. Mais je ne veux pas qu’on nous fasse perdre l’objectif essentiel de notre convention qui est d ’en ressortir renforcés pour mieux accompagner le président du Faso et le gouvernement dans la mise en oeuvre du programme quinquennal.

Cette convention se tient au moment où votre parti est comme décapité avec la nomination en qualité d’ambassadeur de son premier vice-président, Salif Diallo. Ce départ ne fragilise-t-il pas le parti ?

Pourquoi vous aimez les expressions bizarres ? "Décapité." Moi je ne suis pas d’accord avec vous. Le parti n’a nullement été décapité. Le camarade Salif Diallo qui est le premier vice-président chargé des questions politiques reste premier vice-président et continuera à apporter sa contribution. Des camarades sont à l’extérieur et continuent de le faire. Du reste, nous pensons que de son poste, il va pouvoir appuyer davantage le parti sur la question de nos relations avec l’extérieur.

C’est la nouvelle mission qui lui est confiée ?

Je pèse bien mes mots. Je dis qu’il reste le premier vice-président chargé des questions politiques. Mais sa présence à l’extérieur peut être aussi une occasion d’apporter une contribution décisive à nos relations que nous voulons toujours denses. Un parti de la trempe du CDP se doit de tisser des liens d’amitié pour conforter sa position de premier parti du Burkina. C’est mon point de vue et je crois que les autres camarades le pensent aussi.

Cette nomination n’est donc pas une sanction...

C’est vous qui le dites. Chez nous on n’a jamais parlé de sanction. Vous savez, la roue tourne. Personne n’est né ministre, ni député, ni maire. On le devient, mais pas ad vitam aeternam. C’est une nouvelle mission que le camarade a reçue ; nous lui souhaitons bonne chance. Nous ne doutons pas de sa capacité à assumer correctement cette mission. Je pense que les gens mènent de faux débats sur des questions dont ils ne maîtrisent ni les contours, ni le contenu. Au Burkina, les gens aiment parler de ce qu’ils ne maîtrisent pas.

A ce propos, il est dit que vous-même avez demandé à vous mettre en réserve du parti. Est-ce vrai ou pas ?

Lorsque je vais le faire, ce ne sera pas en cachette. Ce ne sera pas à vous que je le dirai, mais d’abord à mes camarades. Ceux qui prennent la place de Simon pour parler, c’est leur affaire. Simon n’est pas mort, il est là. Je ne suis pas frappé d’incapacité physique ou intellectuelle pour ne pas pouvoir parler. J’ai encore de la suite dans les idées même si je ne suis pas intelligent. Mais je ne suis pas fou. Les gens font quelquefois exprès pour vous amener à agir. Et comme avec les camarades nous gérons le pouvoir, on ne peut pas s’amuser, comme d’autres, à passer le temps à écrire, à parler. C’est vrai que de temps en temps, il faut le faire, mais nous n’allons pas nous laisser piéger parce qu’au rendez-vous de l’histoire, c’est à nous qu’on demandera des comptes. On ne va nous demander combien de fois nous avons répondu à tel ou tel homme politique, mais ce que nous avons fait pour améliorer les conditions de vie des populations. Je ne vais donc pas me laisser distraire et voler mon temps. Sachez que Simon reste imperturbable. Je ne répondrai pas. Ma réponse sera l’action que je mènerai sur le terrain avec mes camarades pour qu’au moment de rendre compte, nous puissions, la tête haute, dire : "Voilà ce que les militants CDP, autour du président du Faso, ont pu faire."

Cette convention servira-t-elle aussi d’occasion pour clarifier votre position avec le CDP ?

Ecoutez, qu’est-ce qui vous regarde dans ça ?

Il semble qu’il y a des rivalités...

C’est vous qui le dites. Comme la situation interne du CDP vous intéresse plus que les militants du CDP ! Il ne faut pas être plus royaliste que le roi. Certains d’entre vous aiment fabriquer des choses. Se chatouiller pour rire soi-même, c’est un exercice qui ne m’intéresse pas. La convention n’a pas pour objectif de clarifier ce qui est extrêmement clair .

C’est-à-dire...

La FEDAP/BC est une association qui s’est donné pour mission de se battre autour du président, de l’appuyer. Où est le mal, si on considère que le CDP est le parti majoritaire à l’Assemblée qui fait tout pour appuyer le gouvernement afin que le programme quinquennal du président soit appliqué avec esprit de suite ? Ce sont donc des appuis multiformes. Où est cette clarification ? Nous n’allons pas discuter pour faire plaisir à l’opposition ou à quelqu’un qui souhaite voir du noir là où c’est du blanc. Ce genre de débat ne nous intéresse pas. Les gens prêchent le faux pour avoir le vrai. Nous, on a autre chose à faire. Nous n’allons pas nous-mêmes nous inventer des problèmes !

Quel message fort avez-vous à l’intention des participants à la convention nationale du parti ?

Je voudrais simplement dire à nos camarades, des provinces, des communes rurales, des régions, que le déplacement en vaut la peine. Les sujets qui vont faire l’objet de débats sont des sujets brûlants, intéressants. Nous voulons qu’au sortir de cette convention, les conclusions auxquelles nous allons parvenir soient l’occasion de relancer une nouvelle dynamique pour mieux affronter les défis à venir. Vous n’ignorez pas que très bientôt le peuple burkinabè fera face à des défis. Dans le système démocratique, il y a les élections. Nous aurons également notre congrès. Pour le préparer, il fallait organiser cette convention pour approfondir déjà les points qui vont être mis en débat . Vous savez que nous sommes majoritaire à l’Assemblée, et ce que nous allons décider va aussi influer sur les propositions de l’Assemblée en matière de réformes politiques et institutionnelles. Des propositions sont faites pour la relecture de certains points du Code électoral. Il y a la question de la participation des femmes, du statut de l’opposition, etc., dont nous allons discuter pour que les choses soient suffisamment claires. Nous allons aussi évoquer la manière dont nous allons nous redéployer sur le terrain, en faisant en sorte que le travail des sections, des sous-sections et des comités de base soit plus systématisé. De même, nous allons reparler de la question de la formation.

Lors des travaux, il est prévu aussi que nous examinions les propositions de la commission ad hoc que le parti a mise en place, sur le phénomène de la vie chère. Des propositions intéressantes ont été faites. Et nous souhaitons que les camarades viennent nombreux pour que nous en discutions et qu’au sortir de la convention, nous fassions des propositions à nos camarades du gouvernement, à l’ensemble du peuple, comme étant notre contribution à la recherche de solutions à la vie chère et, de façon générale, à l’amélioration des conditions de vie des populations. C’est véritablement une très bonne convention qui s’annonce et qui marque en même temps notre rentrée politique.

Le CDP est considéré, à tort ou à raison, comme ayant réagi tardivement à cette question de la vie chère. Qu’avez-vous posé comme actes depuis que la crise a commencé ?

Nous avons été les premiers à agir. On ne l’a pas claironné, mais on a fait ce qu’on avait à faire. La direction du parti s’est réunie en urgence. Nous avons échangé et trouvé qu’il était bon d’entendre nos camarades du gouvernement qui gèrent l’ensemble des départements concernés. Ces camarades sont venus devant la direction du parti, ont exposé la situation. Nous leur avons posé des questions et nous avons fait des propositions concernant les solutions à court terme. A la suite de cela, effectivement, un certain nombre d’actions ont été faites, et que nous avons appuyées, notamment l’information du grand public.

Nous avions même prévu de sortir sur le terrain avec des équipes mais les moyens nous ont manqué. A Ouagadougou par contre, nous avons organisé différents groupes pour informer les gens de la situation et dire ce que le gouvernement entendait faire. A l’occasion, nous avons mis en place une commission ad hoc sur la vie chère qui a travaillé et qui a produit un document qu’on va examiner à la convention. Nous ne sommes pas un parti qui thèse au hasard. Si vous allez au siège du CDP, vous sentez qu’il y a une administration responsable. C’est pourquoi nous évitons des interventions intempestives ou des actions en trompe-l’oeil.

Propos recueillis par Mahorou KANAZOE

Le Pays

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