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Candidatures indépendantes : Une option démocratique salutaire pour le Burkina

Publié le jeudi 11 septembre 2008 à 09h48min

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Depuis que la démocratie a été forgée, cette notion qui sous-tend l’exercice du pouvoir par le peuple et pour le peuple n’est pas toujours bien respectée dans ses principes en Afrique. Sur le continent noir, la démocratie n’arrive pas à s’exprimer par exemple à travers les candidatures indépendantes aux élections municipales, législatives et présidentielles. Une liberté pourtant démocratique que certains dirigeants ne cautionnent pas. C’est le cas dans certains pays comme le Burkina Faso.

Au “ Pays des hommes intègres ”, le débat sur les candidatures indépendantes fait rage et vaut même une pétition. Une campagne lancée en novembre 2006 par l’Organisation démocratique de la jeunesse (ODJ), une structure de la société civile, a permis de rassembler en moins de deux ans, 14 000 signatures. La preuve que les candidatures indépendantes sont soutenues par une frange de Burkinabè, de potentiels électeurs et candidats aux scrutins. Le sujet qui est d’actualité, alimente les causeries dans les quartiers généraux de partis politiques et autres salons feutrés. Certains politiciens et observateurs de la scène politique nationale sont pour cette option purement démocratique, d’autres sont contre jusqu’aux ongles. Ils n’en ont cure. La liberté d’opiner et de choisir son camp faisant partie des droits fondamentaux et publics, on ne peut que respecter les opinions des Burkinabè qui n’ont pas le terme de “candidature indépendante ” dans leur vocabulaire. C’est une démarche démocratique.

Tout “cdpiste” ou “sankariste” bon teint le sait. Toutefois, notre vision de la vie démocratique où les critiques sont libres et constructives, commande que nous nous inscrivions dans le registre de ceux qui pensent et respirent “candidature indépendante ”. Une position qui est défendable pour plusieurs raisons. Parmi ces raisons, il y en trois qui s’imposent et méritent attention. La première raison est que les candidatures indépendantes ont des fondements juridiques. Elles trouvent leur bien-fondé dans des instruments juridiques internationaux comme la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP). Qui plus est, les candidatures indépendantes sont garanties par la loi fondamentale burkinabè. A titre d’exemple, l’article 21 de la DUDH en son alinéa 1 stipule que : “Toute personne a le droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis, et ce conformément aux règles édictées par la loi ”.

La Constitution burkinabè basée avant tout sur les cadres juridiques internationaux n’en dit pas moins. Elle garantit scrupuleusement les candidatures indépendantes en son article 12 : “Tous les Burkinabè, sans distinction aucune, ont le droit de participer à la gestion des affaires de l’Etat et de la société. A ce titre, ils sont électeurs et éligibles dans les conditions prévues par la loi ”. Sous l’égide donc de la loi, tout Burkinabè digne de ce nom peut participer à la gestion de la “ res publica ”. C’est purement et simplement un droit publiquement reconnu. La politique dans ses principes a la peau dure, mais la loi s’impose à tous. “ Dura lex, sed lex ” (ndlr : locution latine qui signifie que la loi est dure, mais c’est la loi), dit-on. Nos dirigeants le savent plus que quiconque, mais tardent à laisser la démocratie s’exprimer par crainte d’enfreindre à des principes politiques qui ne sont pas toujours édictés. Le Burkina Faso est l’un des rares pays de la sous- région à refuser les candidatures indépendantes, une pratique démocratique à bien des égards.

Si le candidat indépendant paraît populaire, intègre et crédible

A examiner la deuxième raison qui renforce la première, les candidatures indépendantes sont l’expression même des valeurs démocratiques (liberté d’opinion, participation du citoyen à la gestion de la chose publique, bonne gouvernance, transparence…). Tout citoyen d’une appartenance politique ou pas qui se sent à même de gérer la chose publique dans le sens de l’intérêt général et en fonction de sa propre vision de la conduite des affaires publiques, doit être encouragé. C’est la démocratie tout court. Une démocratie participative à la façon Ségolène Royal, la candidate socialiste malheureuse à l’élection présidentielle française de 2007. Ce n’est pas parce qu’on est ressortissant de Boni dans la province du Tuy ou de n’importe quelle autre partie du Burkina, sans formation politique, qu’on ne peut pas diriger ou contribuer à la gestion de sa chère patrie. Pour peu que l’on soit instruit (soyons réaliste !) et que l’on ait des moyens financiers, des ambitions ou un projet de société prospère pour son pays, on peut se positionner sur la ligne de départ d’une élection démocratique. Nul n’est né pour devenir maire, député ou président de la république ! Ça peut être un choix personnel ou un concours de circonstances. Même sans être militant d’un parti politique et encore moins un politicien fieffé, un citoyen même dénué de toute idéologie politique peut bien conduire les affaires au plan local ou national dans son pays. Les exemples ne manquent pas. Si un tailleur et un maire analphabètes, élus sous la bannière d’un parti politique, peuvent respectivement siéger à l’hémicycle et gérer une commune, il n’y a pas de raison qu’un Burkinabé, instruit, libre de ses opinions et n’appartenant à aucun parti politique, ne puisse pas en faire autant.

Ce dernier peut se faire élire maire, député ou président de la république si les populations voient en lui quelqu’un qui est capable de réaliser leurs aspirations. “On n’est pas né sous la même étoile ”, dit l’adage. “C’est plus facile à dire qu’à faire ”, diront certains, mais la réalité est là : on n’a pas besoin d’être affilié à un parti politique pour plaire aux électeurs qui, de plus en plus, ne font plus confiance aux partis politiques. On peut citer les cas de deux grandes villes (Banfora et Gaoua) du Burkina où à l’occasion d’élections locales, les populations ont pratiquement voté pour des individus (dont on tairait les noms) et non pour des partis politiques. Visiblement, les intéressés n’avaient pas été élus pour leur appartenance politique, mais plutôt pour leur popularité, probité et crédibilité aux yeux de leurs concitoyens. Ces faits ne sont pas loin de donner du crédit à l’option des candidatures indépendantes. Si le candidat indépendant paraît très populaire, intègre et crédible auprès des électeurs, quelle que soit sa tendance ou son obédience politique, il fera forcément de l’effet. Il va mobiliser et rallier des voix à sa cause. Il se fera sans doute élire.

De nos jours, ils sont nombreux ces Burkinabè qui fourmillent d’idées novatrices et qui sans être des militants de partis politiques, peuvent réussir en politique. Un domaine dans lequel la morale est d’ailleurs la valeur la moins cultivée. La raison qui milite en faveur des compatriotes ambitieux est qu’ils peuvent faire l’unanimité auprès des populations et être capables de mobiliser un grand monde. D’ailleurs, des observateurs de la scène politique nationale le disent haut et fort : “ un bon politicien n’est pas forcément un bon dirigeant ”. Autrement dit, on peut bien diriger, sans pour autant être bon ou mauvais politicien. Dès lors, l’importance des candidatures indépendantes ne fait plus de doute. C’est une option démocratique salutaire. Le dernier argument est que permettre les candidatures indépendantes ne pourrait que renforcer l’ancrage démocratique au Burkina Faso.

Etant une démocratie en construction, notre pays a plus que jamais besoin de plus de libertés démocratiques. Histoire de contredire un tant soit peu la fameuse déclaration de l’ancien président français Jacques Chirac qui a dit que : “ La démocratie est un luxe pour les Africains ”. Si démocratie il y a, aussi bien un militant adoubé par un parti politique qu’ un simple citoyen sans formation politique doivent pouvoir tous se présenter à une élection locale ou nationale, lorsqu’ils remplissent les conditions exigées par la loi. Il n’y a pas de principes et d’intérêts politiques qui tiennent, c’est la participation de tous à la gestion de la chose publique qui prime. Et ce n’est pas Chrysogone Zougmoré qui dira le contraire, lui dont la structure, le MBDHP, défend bec et ongles les candidatures indépendantes, au même titre que certains partis politiques de l’opposition burkinabè.

Du reste, l’option des candidatures indépendantes est en vigueur dans certains pays de la sous-région (Niger, Côte d’Ivoire…), en Europe, en Amérique et ailleurs, et cela n’entrave en rien l’avancée démocratique. Le président béninois Yayi Boni en est un pur produit. Bien au contraire, les candidatures indépendantes renforcent la démocratie dans les pays concernés. Les élections libres et transparentes, le bon fonctionnement des institutions démocratiques, le respect des droits de l’homme et la bonne gouvernance (un idéal sous nos cieux !) ne suffisent pas pour qu’un pays africain soit un “ bon élève ” de la démocratie. Les candidatures indépendantes comptent aussi, en ce sens qu’elles doivent et peuvent aider à consolider notre jeune démocratie. Nos dirigeants qui n’ignorent pas cette donne, doivent certainement y réfléchir. Il est temps de mettre en application une telle démarche pour le salut de la démocratie burkinabè.

Point n’est besoin de taper dans le sable comme les Gourmantché pour s’en convaincre. Les candidatures indépendantes constituent une option salutaire pour le “ Pays des hommes intègres ”. A défaut, la démocratie, malgré nos efforts sans cesse croissants, risque de demeurer un luxe pour nous et pendant longtemps et donner raison à ceux-là qui pensent que “ la démocratie est un luxe pour les Africains ”.

Kader Patrick KARANTAO
stkaderonline@yahoo.fr

Sidwaya

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