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Sommet d’Abuja sur la Côte d’Ivoire : Encore un coup pour rien ?

Publié le samedi 26 juin 2004 à 12h29min

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Pour la énième fois et pour la Côte d’Ivoire, les dirigeants de la sous-région étaient en conclave dimanche dernier dans un salon de l’aéroport international d’Abuja. Ce pays qui a vu mille fois passer devant ses portes la diligence de la paix a été incapable de l’emprunter. Aussi, ce sommet éclair portera-t-il en lui des raisons d’espérer la fin du tunnel ou n’est-il encore qu’un rassemblement pour distraire la galerie.

Parler aujourd’hui de la Côte d’Ivoire n’est pas un exercice amusant, car tout a été déjà dit sur la crise dans ce pays, crise devenue un état de fait accepté pas les protagonistes.

Selon les informations, ce sommet extraordinaire d’un jour était fortement soutenu par la France. Car, s’il y a un pays que cette crise internationale dérange, c’est bien l’ancienne métropole. On a souvenance, que c’est là-bas, dans une banlieue parisienne, Marcoussis, devenue depuis si célèbre, que furent ficelés les accords censés apporter la paix en Côte d’Ivoire, le temps d’une année. Las, les 365 jours un quart appartiennent, il y a belle lurette à l’histoire, mais la crise en Côte d’Ivoire ne finit pas de s’étirer, comme si Marcoussis n’avait jamais existé et, avec elle, tous les sommets de bons offices avant et après, Accra, Lomé, Bamako…

C’est pourquoi, la question mérite d’être soulevée, qu’apportera "Abuja - aéroport" que n’ont pu apporter les autres lieux dits ayant abrité des conclaves pour sortir le pays de Houphouët-Boigny de ce gouffre ? Il semble que les chefs d’Etat présents à Abuja, le 20 juin 2004 avaient la ferme intention d’instruire le président ivoirien sur ce qu’il fallait faire maintenant, et en ne lui laissant aucune autre issue possible. Appliquer, à la lettre les recommandations d’un sommet qui n’en fut pas en réalité un, puisque Laurent Gbagbo était convoqué pour venir entendre et s’en retourner chez lui pour mettre en œuvre ce qu’il a entendu.

Les héros sont fatigués

En effet, les négociations sont au bout du rouleau pour avoir usé en vain de tous les arguments pour convaincre le locataire du palais de Cocody, que la solution à la crise passait par l’application de Marcoussis.

Pendant que les autres s’échinaient à lui faire entendre raison, à savoir, que la rébellion est une réalité incontournable à prendre en compte, et partant à négocier avec elle, Gbagbo est lui irrémédiablement resté sur sa position initiale. On ne négocie pas avec des agresseurs arguait-il, en exigeant plutôt de ses pairs qu’ils l’aident à écraser la vermine (sic). Lui, ses patriotes et tous ses affidés disaient à qui voulait les écouter ou pas que les rebelles ne méritaient pas de s’asseoir à la même table que les loyalistes, en oubliant que ceux-ci étaient des Ivoiriens, revendiquant et légitimité et légalité parce que représentant un pan très important du pays.

Cette différence d’approche fondamentale dans la crise a contribué à creuser le fossé entre Gbagbo et la communauté internationale d’une part et entre lui et les "rebelles" d’autre part. Convaincu de sa vision, il a snobé Marcoussis en marginalisant le gouvernement d’union nationale dans sa mise en œuvre. D’où aujourd’hui l’isolement total du pays, considéré comme une épine dans le pied de la communauté internationale mais qui estime qu’elle ne la dérange pas outre mesure et qu’elle pouvait y rester.

L’ONU a la rescousse

Les chefs d’Etat de la CEDEAO savent malgré leurs injonctions - ce qui a commandé un black out total sur les conclusions du sommet que Laurent Gbagbo demeure un incorrigible tête en l’air. Ils ne sont pas assurés que celui-ci va suivre leurs desiderata, d’où l’appel à la mission du Conseil de sécurité de l’ONU.

Si ce coup-ci rien n’évolue favorablement en Côte d’Ivoire, la cause sera alors définitivement perdue. Le porte-parole des quinze pays membres du Conseil n’est donc pas allé de main morte en martelant, "nous avons à faire passer un message musclé, clair et sans équivoque à ceux qui pourraient douter de Marcoussis, le Conseil de sécurité espère que toutes les parties rempliront leurs obligations".

Le message est sans équivoque et il s’adresse, on n’a pas besoin d’être devin pour cela, en priorité au président du FPI qui a anéanti par son discours, ses actes et dérapages tous les pas accomplis vers la paix.

La menace de sanctions onusiennes brandie sonne comme un tournant dans les efforts consentis pour résorber la crise. A quoi sert la société des nations, son organisation, ses structures si elle est incapable de faire des arbitrages, d’établir une police et éventuellement de sanctionner ceux qui marchent à côté.

Or manifestement, le pouvoir à d’Abidjan n’a de cesse de défier l’ONU et ses structures et pire, s’en prend régulièrement à ses bureaux et représentations en Côte d’Ivoire. La mission n’a pas le droit de se louper, sinon il est fort probable que la partition du pays ne soit désormais le remake de ce que l’on voit depuis des années dans la région des Grands lacs.

Une éventualité plus que probable quand au moment où cette mission arrive, Guillaume Soro accuse Laurent Gbagbo d’être à l’origine des affrontements qui opposent des factions des Forces nouvelles. Pendant que les commentaires font état de lutte de leadership entre Soro et le Sergent-chef IB, le désormais chef intronisé des ex-rebelles n’y voit ni plus ni moins que la main de Gbagbo.

On peut donc craindre que cette fois encore, il y ait des grains de sable dans la machine des négociations. La seule chance d’enregistrer des points positifs se trouve dans la capacité du président ivoirien à changer de ton et partant de cap. A un an de l’élection présidentielle, c’est très peu probable. Peut-être l’ONU réussira à inventer la clé magique, sinon il ne lui reste plus qu’à serrer la visce, en sortant sa batterie de sanctions. Elle n’a plus le choix.

Souleymane KONE
L’Hebdo

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