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Emeutes de faim : "Des chances pour le Burkina"

Publié le mardi 9 septembre 2008 à 01h53min

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Aussi paradoxal que cela puisse paraître, l’auteur des lignes ci-dessous pense que les émeutes de la faim intervenues tant au Burkina qu’ailleurs représentent des chances pour notre pays. Lisons son argumentaire.

En février, mars et mai 2008, des émeutes, des marches, des grèves, des meetings à Bobo, à Ouahigouya, à Banfora, à Ouaga puis dans tout le Burkina.

Au plan mondial, les mêmes événements se produisent au Sénégal, au Bénin, au Cameroun, en Côte d’Ivoire, en France, au Portugal, en Espagne, en Italie, etc.

Ce sont les émeutes de la faim. A ce jour, nous vivons de plus en plus durement les effets catastrophiques d’une telle situation. C’est la vie chère. Qu’en dire ?

Pour mon découragement, je lisais le père Jacques Lacour dans "Le Pays" n°4183 du 19 août 2008, dans un article intitulé : les mauvais choix des gouvernants burkinabè : « … tout observateur verra que depuis 15 ans, l’agriculture, pourtant pilier de notre économie a été définitivement abandonnée à elle-même, sans soutien, ni encadrement, ni subvention, ni budget… ». Avait-il raison ?

Le même jour 19 août, pour mon encouragement je lisais d’une part, à propos des mangues dans "Le Pays" n°4183 : « Aujourd’hui, en effet, la mangue ne pourrit plus que sous l’effet des attaques parasitaires. Car des initiatives ont été développées depuis les 15 dernières années, visant d’une part, à mieux organiser l’exportation, et d’autre part, à booster la transformation locale. En l’espace de quelques années, des unités de séchage de mangues ont poussé comme des champignons à Orodara et à Bobo Dioulasso. Et cerise sur le gâteau, Dafani S.A. qui a transformé sa première mangue le 14 juin 2007, a mis fin à l’époque des mangues pourries à Orodara ».

D’autre part, dans le même journal, à propos des amandes de karité, je lisais ceci : « Au Burkina Faso par exemple, cette filière (karité) s’est nettement améliorée avec la création de la table filière karité qui a su fédérer les acteurs (avec l’appui des partenaires) dans un objectif de faire rapprocher les acheteurs nationaux et internationaux des fournisseurs et producteurs locaux.

Ainsi, la production des amandes du Burkina qui stagnait autour de 25.000 tonnes, a progressivement atteint de nos jours les 120.000 tonnes à l’export sur le marché mondial avec plus de 50.000 producteurs et collecteurs impliqués à la commercialisation et qui vivent pleinement de cette activité et aussi quelques sociétés exportatrices. »

Enfin, le même jour, je lisais dans le journal "L’Indépendant" n°780 dans un éditorial titré « La probité » : « Si on lit attentivement les discours du Premier ministre depuis sa nomination en juin 2007, si on suit attentivement ses interventions publiques, on remarque que ce sont des termes récurrents. Ces expressions (cultiver l’éthique, promouvoir les vertus citoyennes et le respect des valeurs républicaines) reviennent comme des leitmotivs.

Des expressions qui traduisent les préoccupations essentielles d’un homme en quête des vertus telles l’honnêteté, la franchise, la loyauté, le respect du bien commun, etc. des valeurs qui tiennent à coeur le premier des ministres que s’est choisi le Président Blaise Compaoré, des valeurs qu’il voudrait voir prospérer dans l’Administration, notamment dans la haute administration de l’Etat. Ce sont des vertus qu’il voudrait inculquer à ses concitoyens et concitoyennes en cette année 2008 et à ce Burkina du 21e siècle. Faut-il croire qu’il fait de l’angélisme ? Non ! » Qui dirait mieux ! ? Bravo, "L’Indépendant" !

Après une telle introduction que dire ? Que faire ? Comment faire ? Souvenons – nous que le Burkina est à juste titre qualifié de pays agricole arriéré et qu’il a été supprimé en 1932 par la France pour servir d’instrument de développement à des pays voisins. « Le sorcier oublie toujours mais la mère de l’enfant n’oublie jamais ». Alors, n’oublions jamais que nos pays africains ont souffert et continuent de souffrir de l’esclavage, du colonialisme, du néo-colonialisme, de l’impérialisme ou de la françafrique. Ce ne sont pas de simples vues de l’esprit. Des pays comme la France, la Belgique, le Portugal, l’Espagne, l’Angleterre, des villes célèbres comme Nantes, Bordeaux, Marseille, Bruxelles, Lisbonne, Liverpool, Amsterdam doivent beaucoup de leur développement aux « pauvres pays » d’Afrique.

Les échecs ou difficultés des regroupements africains : UEMOA, CEDEAO, CEMAC, SADCC, UA (ex-OUA) ne sont certainement pas dus à la seule volonté ou responsabilité des seuls Africains ?

Pouvons-nous, devons-nous occulter les diktats et les désinvoltures de la Banque mondiale, du Fonds monétaire international (FMI) de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), des Accords de partenariats économiques (APE), de certaines organisations internationales, de certaines ONG ? Non ! Nos dirigeants ne sont pas libres, nos pays ne sont pas libres de décider de leur développement. Il faut le savoir.

Au classement du PNUD nous sommes bien dernier mais personnellement cela ne me fait pas grand mal quand je sais qu’au Burkina il fait mieux vivre que dans pas mal de pays ; des individus et des groupes de personnes résidant ou de passage en témoignent. Je suis fier de mon pays car à n’en pas douter, pour d’autres « l’abondance des moyens traduit l’incapacité des chefs » comme disent les militaires.

Ma contribution au débat s’articulera principalement autour de deux axes : le premier : produire et consommer burkinabè, le deuxième : les mesures d’accompagnement.

Produire et consommer burkinabè

Avant toute chose, il faut assurer la collecte et la maîtrise de l’eau. Le Burkina est à encourager pour ses efforts depuis la Révolution : le Sourou, la Kompienga, Bagré et bientôt Samandeni sans compter de nombreux petits barrages et retenues d’eau.

Dans ce premier point nous aborderons les questions d’agriculture, d’élevage, d’halieutique, d’environnement – tourisme, d’artisanat.

1.1. L’agriculture

D’une agriculture de subsistance il faut passer à une agriculture mécanisée de type industriel dans laquelle sont combinées des normes quantitatives et des normes qualitatives. OGM et variétés naturelles, biologiques doivent être rationnellement exploités avec en priorité l’autosuffisance alimentaire, la sécurité alimentaire. Sécurité foncière, tracteurs, semences améliorées, engrais, techniques nouvelles, crédit, cultures pluviales, cultures de contre – saison, tout notre génie doit y passer ! Les brasseries, les industries alimentaires, les minoteries, les boulangeries devaient s’impliquer mieux qu’elles le font aujourd’hui dans la production et la transformation à grandes échelles de spéculations telles le sorgho, le maïs, le riz, le blé. Il faut encourager les changements d’habitudes alimentaires : fonio, niébé, attiéké, alloco, chitoumou, poisson frais. Il faut renforcer les options déjà faites : coton (le port du Faso Danfani » = coupes traditionnelles, coupes européennes, plein essor SOFITEX et FASOTEX, habillement des institutions, des associations, des autorités civiles et surtout militaires), karité, mangue, sésame, tomate, haricot vert, pommes de terre, banane, bissap, tamarin, huile, graine, savon.

1.2. L’élevage

De l’élevage contemplatif ou de maison, il faut changer les données. Les produits et les sous-produits d’élevage tels que : les viandes, les cuirs et peaux, le lait ne devraient-ils pas être produits, transformés sur place et consommés puis exportés. Ne sommes-nous pas envahis de viandes, de laits, fromages, de cuirs et peaux (sacs, chaussures) de manière scandaleuse ? Assurément ! Il faut inverser les tendances.

1.3. Les ressources halieutiques

Il s’agit essentiellement du poisson. N’est – il pas scandaleux que nous importions de grandes quantités de poissons en conserves et de poisson congelé dont la qualité et les conséquences sur la santé restent douteuses. Cadres et agents des Eaux et Forêts ne devraient – ils pas être plus dynamiques dans le domaine ? Assurément !

1.4. Environnement – tourisme

Où sont les « Verts », les « écologistes » du Burkina ? Partis politiques et associations ne semblent exister que pour leurs propres intérêts, leur propre bonheur, plutôt que pour les populations et la Nation. Même pour lutter contre la jacinthe d’eau, il n’y a que l’Etat !!! Dommage ! En outre, les cadres et agents des Eaux et Forêts semblent se détourner de leurs responsabilités dès que cessent les financements extérieurs, les indemnités et autres profits. Quand on parle de réchauffement climatique il faut se souvenir que le Burkina avait ses trois luttes : contre la désertification, la divagation des animaux et les feux de brousse. Le Centre national des semences forestières (CNSF), le SITHO, la pharmacie, la pharmacopée traditionnelle ne doivent-ils pas connaître plus d’intérêt national ? Assurément !

La culture devrait permettre un réel essor du tourisme. Il faut saluer l’Etat et les opérateurs économiques, pour leurs investissements : hôtels, domaines cynégétiques, SNC, SITHO, FESPACO, troupes artistiques, etc.

1.5. L’artisanat

L’artisanat utilitaire et l’artisanat d’art doivent connaître plus de soutien, plus de dynamisme. SIAO, Village artisanal de Ouagadougou et les différents centres devraient bénéficier des meilleurs suivis, contrôles et aides. Ainsi pourrait se présenter cet axe : produire et consommer burkinabè.

Cependant, sans mesures d’accompagnement, cette entreprise ne peut prospérer.

Les mesures d’accompagnement

La « vie chère » se situe essentiellement aux plans alimentaire et énergétique. Produire et consommer burkinabè en est, certes une des solutions ; mais, cela ne peut aller sans des mesures d’accompagnement.

Avant toute chose, sécurité et paix intérieures sont indispensables. C’est le socle sans lequel il est utopique de parler de développement. Gardons confiance au Président du Faso, Blaise Compaoré, véritable « peace maker » au Burkina, au Togo, en Côte d’Ivoire et bientôt au Soudan.

Les mesures d’accompagnements sont nombreuses : relèvement des salaires et des prévisions, distribution et commercialisation, infrastructures, énergies, civisme et justice.

2.1 Le relèvement des salaires et des pensions

L’Etat n’est certes pas riche mais il est à espérer très prochainement des augmentations des salaires et des pensions. Il y a nécessité.

2.2 La distribution, la commercialisation, l’industrialisation

Les importations et les exportations gagneraient à être rationalisées. Des évaluations, des objectifs, des résultats doivent être regardés avec rigueur. Les échanges avec les autres pays doivent s’évaluer en termes d’avantages comparatifs sans complaisance. De l’import-export les opérateurs économiques doivent être poussés vers l’industrialisation. Pour cela, le gouvernement, l’Assemblée nationale, les partis politiques, les associations, les institutions devraient proposer des codes d’investissements attractifs et sécurisants des affaires. C’est une option qu’il faut faire sans reculer.

2.3 Les infrastructures

Les routes doivent être réalisées de manière durable tandis que le réseau ferroviaire pourrait être étoffé par de nouveaux tronçons : Ouaga-Bittou, Ouaga-Dori-Gorom-Gorom, Bobo-Orodara. Le désenclavement du pays doit être une réalité.

2.4 Les énergies

La flambée des prix du pétrole est probablement le détonateur de la « vie chère ». Aussi, il faut résolument, dans la durabilité, investir sérieusement dans la recherche, la promotion des bio-carburants, des bio-gaz, de l’énergie éolienne, et surtout de l’énergie solaire en vue de production et de consommation nationales à grandes échelles. Les sociétés qui ont longtemps fait fortune sur le dos des populations devraient contribuer.

2.5 Le civisme et la justice

Les vertus de solidarité, de patriotisme doivent être cultivées. Il faut accentuer la lutte contre l’incivisme, la corruption, la fraude, l’impunité surtout. Les citoyens doivent être éduqués à payer les taxes douanières et les impôts et non se révolter pour cela comme ce fut le cas lors des toutes premières manifestations contre la « vie chère ». La découverte de complicité avec les agents de COTECNA nous prévient de l’étendue des maux. Dans ces luttes, les meilleurs agents et cadres des services de police, gendarmerie, eaux et forêts, douanes, de la justice devraient recevoir de justes récompenses sonnantes et trébuchantes tout en étant présentés en exemples au peuple, à la nation entière. La bonne gouvernance doit être une réalité tangible pour tous.

Au terme de cette contribution, évidemment non exhaustive, au débat démocratique, que conclure ?

Ensemble, vieux et jeunes, riches et pauvres, hommes et femmes dans l’amour du prochain, dans l’amour de notre pays, loin de la « mal cause », de la jalousie, du mensonge, de l’idéalisme, de la politique politicienne, dans la vérité et dans la paix, avec le Président du Faso, Son Excellence Blaise Compaoré, construisons un Burkina toujours meilleur !

Cyprien NANEMA

Le pays

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