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Crise Universitaire : Salifou Parkouda donne sont point de vue

Publié le vendredi 29 août 2008 à 09h42min

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Salifou Parkouda, à travers cet écrit fait une analyse critique suite à la fermeture de l’université de Ouagadougou. Il dénonce un certain laxisme des autorités universitaires. Il s’élève aussi contre des pratiques politiciennes tant au niveau de l’opposition que du pouvoir. Malgré la justesse de quelques revendications, il s’insurge contre les positions jusqu’au-boutistes de certaines associations syndicales. Il en appelle au dépassement de soi pour une reprise apaisée des cours.

Depuis la fermeture des universités de Ouaga et Ouaga II par arrêté N°2008-107/MESSRS/CAB du 27 juin 2008 l’opinion nationale et internationale a été abondamment servie par des déclarations tous azimuts. En tant qu’observateurs et parents d’élèves, il nous revient de donner notre lecture. Cette crise universitaire interpelle tout le monde. Personne n’a intérêt à ce que cette situation perdure.

L’université, à l’image de toutes les universités de par le monde, est le temple du savoir. La plupart des grands penseurs, des grands ou faiseurs de rois en sont sortis. Bref, contrairement à une certaine opinion dominante, les structures universitaires de notre pays font partie des meilleures en Afrique et l’université de Ouagadougou est classée 2e meilleure université d’Afrique francophone, classement de l’année 2006-2007.

Pourquoi en est – on arrivé à cette fermeture à un mois des vacances ? Plus de 80% des programmes sont achevés selon les responsables universitaires. Les raisons : l’ANEB, "principale" association des étudiants, suite à une marche organisée sur la présidence de l’université de Ouagadougou consécutive à une plate-forme revendicative dégénère. Des blessés graves sont enregistrés de part et d’autre : forces de l’ordre et étudiants.

Le brouillard s’installe entre étudiants et les responsables de tutelle. L’autorité administrative baisse le ton, tente une médiation auprès de certaines forces morales, administratives et coutumières : Médiateur du Faso, Sa Majesté le Mogho Naba, le président de l’Union nationale des parents d’élèves et scolaires du Burkina (UNAPESB). Rien n’y fit. Il n’y a pas de problème sans solution cependant. La représentation nationale entre dans la danse à travers sa Commission de l’emploi des affaires sociales et culturelles (CEASC) où toutes les sensibilités politiques à l’hémicycle ont droit à la parole.

Le président de la CEASC, pendant environ une semaine organise une série de rencontres avec les principaux protagonistes : le ministre des Enseignements secondaire, supérieur et de la Recherche scientifique (MESSRS), les 6 regroupements d’étudiants et d’enseignants : Association nationale des étudiants du Burkina (ANEB), le Mouvement des étudiants du Faso (MEFA), l’Union nationale des étudiants du Faso (UNEF), le Syndicat national autonome des enseignants du secondaire et du supérieur (SYNADEC), le Syndicat national des enseignants du secondaire et du supérieur (SNESS) et le Syndicat national des travailleurs de l’enseignement et de la recherche (SYNTER), la présidence de l’université de Ouagadougou et les Membres du conseil scientifique. Un seul objectif : tenter de renouer le fil du dialogue tout en évitant un débat partisan, subjectif, pas pour une solution miracle mais trouver une synergie d’actions communes, pour assurer une réouverture apaisée à l’université de Ouagadougou.

Au terme des jours de discussions, la Commission de la représentation a fait une proposition qui a trouvé un large écho au niveau des protagonistes à l’exception du SYNTER et l’ANEB, nous apprend-on, qui n’ont pas lâché du lest mais demeurent accrochés à la satisfaction totale et entière de toutes leurs revendications avant la réouverture.

Quant à l’autorité de tutelle, elle a abdiqué en concédant 3 des 4 points de la plate-forme revendicative.

La Commission pense, sauf tremblement de terre de dernière minute, que des solutions seront trouvées pour une rentrée apaisée. Ce sont, la question des dérogations, c’est-à-dire les 4 380 demandes de dérogations acceptées, l’acceptation par la majorité des acteurs de la mise en place d’un service de sécurité au sein des universités, le règlement de la dette sociale du personnel enseignant.

Que retenir ?

L’implication du parlement dans une telle crise constitue pour nous une première. Elle est salutaire. Elle n’a pas la prétention d’avoir trouvé des solutions idoines ou mettre un terme aux revendications des uns et des autres.

A la lumière de tout ce qui précède, nous nous devons de relever à l’attention de tous, les non-dits de cette crise. L’administration universitaire a une part de responsabilité dans la question des dérogations. Les inscriptions à l’université de Ouagadougou se poursuivent chaque année jusqu’au début du 2e trimestre. Nous concevons mal, qu’on attende parfois en avril, mai voire juin pour notifier à un étudiant que sa demande de dérogation est rejetée. Il y a en ce moment un problème. Et cela est récurrent. A cela s’ajoute la non application stricte des textes qui régissent les dérogations. A l’attention des étudiants, une dérogation est une faveur spéciale qu’on demande et non un droit.

Ce qu’on ne dit pas assez. La face cachée de la crise couvre beaucoup de choses . Pour la rentrée académique 2007-2008, les 4 380 demandes de dérogation, 2 873 ont été accordées 1 507 rejetées. Notre intention n’est pas de jeter du discrédit sur les étudiants. Des 1 507 dossiers rejetés, il y a des étudiants qui ont repris 3, 4, 5 fois la même classe. Le plus ancien des étudiants est en 3e année de droit. Il est inscrit à l’université de Ouagadougou depuis 1990. Et parmi les dossiers rejetés on dénombre des 4 et 3 de moyenne. Nous pensons comme dirait l’autre, qu’"une jeunesse qui revendique le droit d’être médiocre est un funeste présage pour la Nation".

Pour pallier un tant soit peu les problèmes des dérogations, l’administration doit se pencher aussi avec diligence sur les questions des orientations qui sont aussi sources de certains échecs. Cela passe à notre sens par la construction d’amphis qui répondent aux normes internationales, le recrutement d’enseignants en quantité et en qualité. Il faut éviter de dresser des "allumettes" comme cités universitaires avec son corollaire d’insécurité. Parmi les associations d’étudiants, c’est aussi en leur sein qu’on découvre malheureusement un leader syndical inscrit en licence (3e année) depuis 7 ans et qui réclame la dérogation comme un droit.

Les politiciens abusent trop des étudiants

De tous temps, les politiciens ont tenté toujours de recruter leurs militants sur le campus. Quoi de plus normal. Mais là où le bât blesse, c’est lorsque le débat d’idées cède le pas à la violence.

En la matière, l’ANEB est toujours pointée du doigt. Elle qui a régné en maîtresse incontestée à un moment donné. Aujourd’hui, les données ont changé depuis l’effondrement du bloc de l’Est. Il faut alors changer le fusil d’épaule. Son slogan en dit long : "Pain et liberté pour le peuple". Autant, vous pouvez déclencher des mots d’ordre de grève tous azimuts, autant, vous devez respecter le mot d’ordre de "non grève". Il n’ y a rien de pire pour une nation qu’une nation intolérante. L’ANEB, il faut avoir le courage de le dire, est réputée comme une Association d’étudiants toujours prêts à molester leurs camarades et même les enseignants qui ne respectent pas leurs mots d’ordre de grève. Ce principe selon lequel, celui qui n’est pas avec nous est contre nous. D’où la démarcation physique. Une idéologie décadente contraire à nos valeurs africaines basées sur l’amour et la solidarité. Il faut arrêter ce syndrome de la Fédération des étudiants et scolaires de Côte d’Ivoire (FESCI), cette inculture véhiculée à souhait avec ses corollaires de malheurs.

Ce comportement est dicté parfois par des politiciens véreux tapis dans l’ombre (au sein du pouvoir comme de l’opposition). Sur le campus, des étudiants non inscrits ont déjà été logés, nourris, prêts à obéir à leurs mentors à tous moments. Toutefois, lorsque les intérêts du moment ne sont plus rectilignes, on assiste alors à un mariage de raison ou satanique (opposition/pouvoir) entendez par là ANEB, bras séculier du PCRV décadent et l’aile dissidente du pouvoir.

L’opération de charme ayant été découverte, le pouvoir a décidé de prendre le taureau par les cornes. A la vérité, les dissidents du pouvoir alimentaient le durcissement des positions pour aboutir au départ du président de l’université de Ouagadougou et du ministre dont ils n’en voulaient plus. Au regard de la justesse des appréciations du conseil scientifique, comme par enchantement et sur proposition de la présidence de l’université, les sanctions sont tombées. L’université est fermée pour reprendre le 1er septembre 2008.

A qui alors profite le crime ?

Salifou PARKOUDA
Le Pays

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