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Privatisation de la SONABEL : « Le gouvernement Tertius persiste et signe »

Publié le jeudi 28 août 2008 à 09h50min

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Pour le Syndicat national des travailleurs de la SONABEL (SNTS), la privatisation de cette société, voulue par l’Etat, sera un échec, comme l’ont été les autres expériences du genre dans la sous-région. Le SNTS propose alors la suspension du processus de privatisation et la signature d’un contrat d’objectifs « clairs et réalistes » entre le gouvernement et les travailleurs de l’entreprise.

“Dans son exposé sur la situation de la nation le 27 mars 2008, le Premier ministre, Tertius Zongo, a affirmé que son gouvernement poursuivrait son programme de privatisation des entreprises nationales. Il a ajouté que la stratégie de privatisation de la SONABEL et de bien d’autres sociétés est déjà définie.

On se rappellera que c’est avec l’arrivée de M. Tertius Zongo à la tête du Premier ministère que le gouvernement a pris la décision d’accélérer le processus de la privatisation de la SONABEL (confère le compte rendu du Conseil des ministres du 24 octobre 2007).

Quoi d’étonnant quand on sait que notre Premier ministre arrive du pays de l’oncle Sam, où tout s’achète et se vend. Mais comparaison n’est pas raison. Le Burkina n’est pas les Etats-Unis et vice versa. Et le Premier ministre sait très bien qu’aux Etats-Unis, comme dans beaucoup de pays européens, un permis de construire n’est délivré que lorsque la commune est en capacité d’apporter au demandeur l’eau et l’électricité nécessaires à la vie. Ce qui est loin d’être le cas au Faso, et aucun privé ne le réalisera à la place de l’Etat.

Dans l’hémicycle, plusieurs députés, dans leur intervention, avaient pourtant demandé l’arrêt des privatisations des entreprises dites stratégiques (actions saluées par le milieu syndical, en particulier le Syndicat national des travailleurs de la SONABEL).

Mais rien n’arrête notre gouvernement, qui veut, contre vents et marées, être le bon élève des institutions financières en Afrique de l’Ouest.

Le signal avait été déjà donné par l’adoption de la loi N°027-2007/AN, portant réglementation générale du sous-secteur de l’électricité au Burkina Faso. Cette loi, votée pour donner plus de garantis à l’éventuel repreneur, est venue corriger une première loi, qui était jugée inadaptée par les bailleurs de fonds.

Depuis, il s’en est suivi décret et formation pour expliquer cette réforme. Le personnel de la SONABRL ne peut adhérer à cette privatisation, qui ne s’explique ni techniquement ni financièrement. La formation sur la régulation du secteur a plutôt permis aux participants de comprendre le subtil jeu polico-financier que le Burkina s’apprête à jouer avec sa société d’électricité.

Une véritable arnaque

Qu’on ne se voile pas les yeux, la privatisation de la SONABEL échouera, comme toutes les autres privatisations d’entreprises d’électricité de la sous-région. Le gouvernement actuel peut continuer sa réforme jusqu’au bout, aucune structure ne pouvant l’arrêter.

Un régime plus soucieux des préoccupations des citoyens de ce pays, plus regardant sur les finances de la République reviendra sans doute sur cette privatisation, qui n’est autre chose qu’une véritable arnaque. Ainsi, nous rejoindrons le lot des pays africains qui sont dans cette situation. A ce moment, nous aurions perdu du temps et de l’argent.

Dix ans après l’ouverture de la production aux privés, aucun investisseur privé ne s’est installé. Pourquoi ne viennent-ils pas ? Parce qu’aucun privé ne veut en réalité investir. Ils désirent simplement exploiter l’existant.

A l’Etat de faire le reste. Et la prétendue stratégie déjà définie, dont parle le Premier ministre, ne consiste en rien d’autre qu’à donner l’exploitation des ouvrages électriques de la SONABEL à un privé pendant que l’Etat s’attellera à s’endetter, comme par le passé, pour les nouveaux investissements (affermage).

(Où est donc le changement tant affirmé ? D’ailleurs, tout indique l’hésitation de notre gouvernement quant au choix du modèle à adopter. De l’affermage du départ, on parle aujourd’hui d’un affermage concessif (l’entreprise affermataire pourrait se substituer à l’Etat dans certains cas pour investir contre remboursement par l’Etat).

Alors, cette notion de rentabilité s’est muée en choix politique. La privatisation est devenue un choix politique, qui permet à l’Etat de vendre les entreprises, même les plus performantes. Dans un pays où le taux d’électrification n’excède pas 20%, l’Etat décide de confier la gestion de ce secteur névralgique au privé.

Quelle que soit la stratégie choisie, cette privatisation sera un échec, comme l’ont été celles des entreprises d’électricité de la sous-région. Elle n’aura que le mérite d’avoir ralenti l’élan de croissance de la société nationale d’électricité.

Messieurs les gouvernants, l’accès à l’énergie est un droit pour tous les citoyens de la terre, et donc aussi des Burkinabè. Si l’Etat est incapable d’assurer ce droit au citoyen burkinabè, aucun privé ne viendra le faire à sa place sans en tirer le maximum de profit.

Ce profit, le citoyen le paiera au prix fort, lui qui, déjà, peine à honorer ses factures dans les conditions actuelles. Ce qui signifie que bon nombre d’usagers de l’électricité vont retourner à la lampe-tempête après la privatisation pour non-règlement des factures.

L’énergie n’est pas une marchandise comme les autres. Cette différence, mal perçue, est la cause essentielle des échecs des différentes privatisations dans le secteur.

Regardez autour de nous, et dites-nous quelle est la privatisation réussie dans le secteur de l’électricité. Il n’en existe pas. Même l’expérience de la Côte d’Ivoire n’en est pas une, elle qui a l’avantage de sa production de pétrole et de gaz naturel.

Ne soyons pas un exemple d’échec en plus, mais celui qui aura résisté et prouvé qu’une entreprise nationale d’électricité peut être performante, compétitive et offrir un service public de qualité dans un pays émergeant.
Suspendre le processus

Malgré des conditions de travail difficiles, malgré des préoccupations formulées et non examinées, l’ensemble du personnel de la SONABEL travaille à se rapprocher plus des usagers. Ceci explique certainement cela, mais ils sont nombreux, les villes et villages qui sont chaque année raccordés au réseau électrique de la SONABEL.

L’électricité coûte cher au Burkina du fait de l’enclavement de notre pays. Privatiser la SONABEL, c’est surenchérir le prix du KWh et le mettre hors de portée de nos laborieuses populations.

Privatiser la SONABEL, c’est freiner l’essor de cette entreprise dans sa lutte pour une couverture nationale, dans ses projets de modernisation et d’optimisation.

Privatiser la SONABEL, c’est permettre la fuite de nos richesses. Vu qu’il n’y a pas un modèle de privatisation qui ait connu un franc succès dans la sous-région dans le secteur de l’électricité ; vu les échecs successifs enregistrés dans le secteur malgré les nombreuses expériences ;

vu que ces privatisations ont toutes eu pour corollaires des augmentations du tarif du Kwh ; vu la volonté de l’ensemble des agents de rendre la SONABEL compétitive dans sa situation d’entreprise public, Le SNTS (Syndicat national des travailleurs de la SONABEL) propose au gouvernement une expérience unique et propre à nous au Burkina Faso, qui vaut la peine d’être expérimentée :

il vous propose la signature d’un contrat entre gouvernement et travailleurs de la SONABEL. Ce contrat définira des objectifs clairs et réalistes à atteindre dans une échéance de temps bien définie. Durant cette échéance, le processus de privatisation sera suspendue. L’Etat, à tout moment pourra exercer des contrôles sur la gestion de son entreprise et demander l’interruption du contrat si des anomalies étaient constatées.

Si à la fin du contrat, le personnel n’a pas atteint les objectifs à lui assignés, alors le gouvernement aura le loisir de reprendre son processus de privatisation. Par contre, si le personnel a réalisé sa part de mission, alors la privatisation sera purement supprimée et un autre contrat sera de nouveau signé.

Le Syndicat national des travailleurs de la SONABEL sait que le personnel actuel est capable de produire de bons résultats. Il suffit que le gouvernement lui donne sa confiance.

Ce sera une première expérience à vivre et qui sera peut-être un cas d’école. Donnez cette chance aux travailleurs de la SONABEL, qui désirent, comme beaucoup de Burkinabé, conserver ce bien public.

Ils vous demandent d’arrêter les privatisations des entreprises nationales à caractère stratégique, gage de notre véritable indépendance.

Georges Yamba Koanda, Secrétaire général du Syndicat national des travailleurs de la SONABEL, Syndicat de base de l’USTB

L’Observateur Paalga

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