LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Zimbabwé : Fausse route

Publié le mardi 26 août 2008 à 11h00min

PARTAGER :                          

Robert Mugabe

Après le désaveu populaire au premier tour des législatives le 29 mars dernier, Robert Mugabé a subi hier un cinglant revers à l’occasion de l’élection du président du parlement. Le coup est rude. Lovemore Moyo, le candidat du Mouvement pour le changement démocratique (MDC) de Morgan Tsvangirai a battu à plate couture Paul Themba Nyathi, le candidat présenté par la faction dissidente du MDC dirigée par Arthur Mutambara et soutenu par le parti de Mugabé, l’Union nationale africaine du Zimbabwé-Front patriotique (Zanu-PF).

Sur 208 voix exprimées à bulletins secrets, Lovemore Moyo en a obtenu 110 contre 98 à son adversaire, un résultat qui consacre l’échec de la stratégie de Mugabé visant à diviser l’opposition. Manifestement, certains députés n’ont pas respecté les consignes de leur leader, car avec 100 sièges pour le MDC, 99 pour la Zanu-PF, 10 pour le MDC-Mutambara et un (1) indépendant, l’issue du scrutin aurait dû être favorable à Paul Themba Nyathi.
Les manœuvres politiciennes et la propagande du gérontocrate de 84 ans dont 28 ans au pouvoir commencent à irriter ses propres partisans, confrontés à une dégradation continue de la situation économique et à la rareté des biens de consommation.

Mugabé va t-il titrer les leçons de ce nouvel échec et se résoudre à reprendre les négociations avec l’opposition, suspendues depuis le 12 août ? Pour le bien de son peuple, va t-il accepter de partager le pouvoir avec son rival Moragn Tsvangirai qui, après tout, incarne mieux que lieu, la légitimité démocratique ? Rien n’est moins sûr d’autant qu’il continue de bénéficier de la bienveillance du président Tabo Mbéki, de la complaisance de certains intellectuels africains et de la mansuétude de quelques militants occidentaux en mal de repères idéologiques. Au nom d’un anti-occidentalisme aveugle, de nombreux africains tombent dans le piège du discours populiste et faussement patriotique de Mugabé consistant à accuser les méchants Blancs, particulièrement le gouvernement britannique, d’être les responsables du malheur des Zimbabwéens.

Certes, les Britanniques n’ont pas respecté totalement leurs engagements consignés dans les accords de Lancaster House en décembre 1979, mais après 28 ans d’exercice du pouvoir, Robert Mugabé et ses camarades sont les seuls comptables du désastre économique de leur pays et de la violence politique qui contraint des milliers de Zimbabwéens à l’exil. La réforme agraire qu’il a engagée, pourtant moralement et politiquement nécessaire, a été une catastrophe, l’occupation des fermes ayant beaucoup plus profité aux barons bureaucrates du régime qu’aux Zimbabwéens désireux de travailler la terre. Contre le système raciste, Mugabé a été un vrai patriote respecté et adulé en Afrique. Il ne l’est plus et son passé de combattant de la liberté, de héros de l’indépendance ne saurait excuser des dérives dictatoriales d’aujourd’hui. Ceux qui, contre l’évidence, continuent de le soutenir le régime de la Zanu-PF au nom d’une prétendue solidarité africaine font fausse route. Sont-ils prêts à accepter l’exportation du modèle zimbabwéen dans leur pays

Pourquoi la Commission de l’Union africaine qui a fermement condamné le renversement du gouvernement légitime de Mauritanie et suspendu le pays en tant que membre de la famille panafricaine n’avait-elle pas été ferme vis-à-vis de Mugabé ? Car, dans le fond comme dans la forme, l’homme fort de Harare n’est pas plus légitime que Mohamed Ould Abdel Aziz, le général putchiste de Nouakchott.

Quant aux militants occidentaux qui, au nom d’un tiers-mondisme de type compassionnel « comprennent » l’entêtement de Mugabé à rester au pouvoir contre la volonté populaire, leur posture n’est plus ni moins que du mépris vis à vis des Africains. Ils défendent un régime qu’ils seraient les premiers à combattre dans leur propre pays. En creux, le sens de cette « compréhension » est le suivant : C’est vrai l’élection n’a pas été démocratique, mais bon, au Zimbabwe comme ailleurs, c’est toujours comme ça, et exiger d’eux des élections libres et transparentes comme chez nous, c’est trop leur demander. Déjà qu’ils en organisent ! Jacques Chirac n’avait-il pas expliqué tranquillement que si les chefs d’état africains organisent des élections, ce n’est pas pour les perdre ?

Si les Africains veulent éviter d’autres discours de Dakar, s’ils veulent gagner le combat contre les « négrologues », ils doivent résolument tourner le dos à la « démocratie petit nègre » et au bricolage des institutions.

Joachim Vokouma
Lefaso.net

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique