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ZIMBABWE : Vers le triomphe du 3e larron

Publié le lundi 25 août 2008 à 13h21min

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Tendai Biti

Les joutes oratoires sont chose normale entre adversaires. Elles témoignent de l’évolution positive du climat politique et surtout de l’existence du débat démocratique. Les dernières altercations en provenance de Harare se situent dans cette perspective.

« Si vous convoquez le Parlement, vous fermez la porte des négociations », a déclaré récemment l’opposant Tendai Biti, le secrétaire général du MDC, Mouvement démocratique pour le changement. Selon lui, Mugabe s’arroge des droits non encore négociés ou non accordés au cours des pourparlers. C’est de bonne guerre et il faut se féliciter de voir les frères ennemis se parler après de longues périodes d’intrigues et de basses manœuvres. Trop de sang a été versé pour en arriver au dialogue. Et on oublie trop vite que les acteurs politiques africains sont très susceptibles, et que depuis 1998, Robert Mugabe et Morgan Tsvangirai ne s’étaient pas rencontrés.

Dans le contexte actuel, le parlement zimbabwéen est en pleine reconfiguration. L’opposition, elle, se présente de plus en plus fissurée. Un léger froid a certainement parcouru ses rangs malgré les démentis relatifs aux tractations entre la Zanu-PF, le parti présidentiel, et une frange du principal parti d’opposition. Le leader dissident, Arthur Mutambara, semble vouloir se présenter en faiseur de roi. Le sourire qu’il affiche en dit long sur les intentions de cet autre outsider. Embusqué sans doute depuis longtemps déjà, il grignote sur les terres du leader du MDC.

Par le passé, dans ces mêmes colonnes, nous n’avions pas exclu de voir le Vieux Bob sortir un joker de son chapeau. Serait-il celui-là ? En tout cas, ce troisième larron arrive à son heure. De louvoiement en louvoiement entre les deux ténors, il n’hésitera pas à saisir sa chance et à œuvrer au détriment de Tsvangirai. Ce dernier qui joue au jusqu’au-boutiste, risque de favoriser l’émergence d’un troisième larron. Son ancien acolyte l’a bien compris qui reste aux aguets. Mutambara, même s’il réfute les allégations tendant à faire valoir qu’il a signé des accords secrets avec Mugabe, reste « en réserve de la république ».

Après avoir vainement exigé le départ de Mugabe, Tsvangirai revendique à présent le fauteuil de Premier ministre avec toutes ses prérogatives : un véritable suicide politique pour le vieux leader. Tsvangirai mise gros. Il court ainsi le risque de subir le sort de la grenouille qui veut devenir plus grosse que la vache. À l’extérieur du pays également, le contexte est plein d’incertitudes. Certes, il peut vouloir tergiverser jusqu’au départ de Thabo Mbeki et sa succession par le nouveau patron de l’ANC. Mais d’ici les prochaines élections sud-africaines, le temps est encore long. Et avec la real politik, la donne peut varier. Que n’a-t-on pas vu avec ces acteurs politiques qui changent radicalement de cap une fois au faîte du pouvoir ?

Par ailleurs, si Tsvangirai peut encore compter sur le soutien du Botswana, il a beaucoup perdu avec le décès brutal du président Levy Mwanawasa de Zambie.

En dehors du continent, Tsvangirai voit également ses appuis s’effilocher. Bush l’Américain est sur le départ et son successeur prendra le temps qu’il faut pour s’installer à la Maison blanche avant de prendre le pouls des instances internationales qui sont légion. Gordon Brown, le Premier ministre britannique, est en chute libre dans les sondages. Il a bien d’autres chats à fouetter. Même si le jeu des intérêts guide leurs actions, ils peuvent se lasser de traiter de dossiers sans tête ni queue. De plus, contrairement aux princes qui gouvernent nos républiques bananières, ces alliés d’Outre- mer sont soumis à la loi de l’alternance qu’ils observent avec mérite et respect. Tout leader qui veut parier sur du soutien en Occident, doit l’intégrer dans sa stratégie de conquête ou de gestion du pouvoir. Il doit savoir composer avec l’évolution de ce contexte en n’oubliant pas les revers que cela peut charrier.

Tsvangirai, à un moment donné, a voulu exploiter à fond les avantages des pressions occidentales. Mais le terreau politique africain ne s’accommode pas toujours de certaines thèses importées. Peu de dirigeants apprécient les alternances qui dérangent. Pour avoir trop tiré sur la corde et misé presqu’exclusivement sur les Occidentaux, le leader du MDC pourrait perdre le fauteuil au profit d’un outsider.

Autour de lui, les alliés ne semblent plus aussi résolus depuis que Mugabe, réélu, est admis dans les cercles africains comme le véritable patron du Zimbabwe. Le vieux leader, est toujours aussi populaire, aidé en cela par la vieille garde des combattants de la liberté mais paradoxalement par les sarcasmes et les pressions de l’Occident.

Les Africains comme tous les peuples colonisés, savent bien que la rancune est tenace chez le colonisateur. Jamais il n’oublie ses défaites et encore moins ceux qui en sont les artisans. Mugabe a donc beau jeu de présenter son rival en marionnette de l’Occident. Tsvangirai dépeint sous les traits d’un pantin, voilà qui permet au vieux leader charismatique de gagner du temps.

Le Kenya dans le calme, le Zimbabwe semble lui ravir la vedette. Après avoir navigué au rythme de ses directeurs de conscience, Tsvangirai monte à présent les enchères comme en désespoir de cause. Il sera encore plus difficile pour lui de devenir Premier ministre. Le contexte évolue trop vite et jamais la légalité ne l’a emporté sur les intérêts supérieurs d’un Etat, en Afrique. Le vieux Mugabe le savait : il a donc repris les cartes en main.

Et nombreux sont ceux qui, dans cette région, pensent que toute action allant dans le sens de l’apaisement doit enfin être encouragée. Ce pays a trop souffert des blessures de l’apartheid et de l’après-Ian Smith pour être abandonné au bord du précipice. De son avenir dépend en effet celui de toute l’Afrique australe et par ricochet une bonne partie de ce continent.

"Le Pays"

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