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Emprisonnement de Moussa Kaka : Le procureur maintient toujours le bâillon

Publié le mercredi 20 août 2008 à 10h35min

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Ainsi donc, il reste en prison. Sur décision de la Chambre d’accusation, hier mardi 19 août. Suite à l’appel du procureur de la République du Niger. Appel fait contre le non-lieu, prononcé par le doyen des juges d’instruction. Un non-lieu, ordonné en juillet dernier en faveur de Moussa Kaka. Moussa Kaka, journaliste accusé de « complicité d’atteinte à l’autorité de l’Etat ».

L’acharnement judiciaire continue. Depuis 11 mois qu’il dure. Quel en sera le dénouement ? La question fait frissonner. Car l’une des réponses probables à cette terrifiante interrogation est la mise à mort. C’est la peine prévue, en théorie, par la loi nigérienne contre quiconque est reconnu coupable d’atteinte ou de complicité d’atteinte à l’autorité de l’Etat. On n’en est pas encore là, certes. Mais touchons du bois.

On ne se lassera pas de l’écrire, dans cette affaire Moussa Kaka, en tout cas à l’étape actuelle de l’acte d’accusation, l’Etat nigérien, avec sa tête le président Mamadou Tandja, qui aime la presse comme la hyène aime la chèvre, ne convainc pas grand monde. Et c’est peu dire. Les faits semblent plaider contre l’accusation, pour utiliser une contorsion sémantique qui risque d’écorcher l’ouïe des puristes du droit.

En effet, depuis que la rébellion touareg a repris les armes au nord du pays, les autorités nigériennes ont toujours nié son existence, préférant y voir la marque de quelques scélérats armés de simples mousquets. Pire : elles ont fait de la loi du silence le mode de gestion de cette énième menace de sécession. Et tout porte à croire que c’est la transgression de l’omerta, cette loi du silence-là, qui vaut, depuis bientôt une année, au directeur de la chaîne des radios Saraouniya, Moussa Kaka, l’ire indéfectible du colonel Tandja.

A travers ses médias et Radio France internationale, dont il est le correspondant, l’« impertinent » journaliste avait toujours rendu compte des attaques, meurtrières, du groupe rebelle touareg Mouvement des Nigériens pour la justice (MNJ). Grâce aux contacts qu’il avait avec ledit mouvement, contacts tissés dans le strict cadre de son métier, n’a cessé de clamer l’embastillé, le PDG de Saraouniya a servi de guide à deux confrères français en zone rebelle.

Pour ce reportage, les deux journalistes de l’Hexagone payeront cher : accusés, eux aussi, d’« atteinte à la sûreté de l’Etat » en fin décembre 2007, ils il tâteront de la prison à Niamey. Robert Menard de Reporters sans frontière redouble alors les cris d’orfraie. La radio mondiale n’en finit de s’étouffer du manque de liberté, dont sont victimes les hommes de média dans le pays du Ténéré. Le boucan finit par faire mouche. Mais seulement en partie. Thomas Dandois et Pierre Creisson sont élargis vers mi-janvier 2008 après versement d’une caution. Mais point de magnanimité envers Moussa Kaka. Son cas doit servir d’exemple aux autres journalistes locaux.

Malgré la liberté provisoire, accordée au détenu en juin par le juge d’instruction, le colonel président ne désarme pas : le magistrat insoumis est dessaisi de l’affaire. Le parquet revient à la charge par un appel. La décision de la Chambre d’accusation est tombée, on se rappelle, hier. La suite, on la connaît. Le bâillon reste solidement attaché. Un air de requiem pour la liberté de presse flotte plus que jamais au-dessus des sables du Niger.

Alain Saint Robespierre

L’Observateur

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