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Attaque contre la presse au Sénégal : La démocratie défigurée

Publié le mercredi 20 août 2008 à 10h33min

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L’onde de réprobation consécutive au passage à tabac de deux journalistes sportifs par des policiers semble n’avoir pas été ressentie par certaines personnes. C’est le moins que l’on puisse dire après la récente mise à sac des locaux de deux journaux privés sénégalais. Hasard ou coïncidence, les deux organes ont en commun leurs critiques sans concession du régime en place ou de certains de ses bonzes.

C’est ce qui explique sans doute la rapidité et la facilité avec lesquelles un doigt accusateur a été pointé sur le régime bien que les agresseurs, qui ont utilisé des gaz lacrymogènes, n’aient pas encore été démasqués et l’acte revendiqué jusque-là. Un palier semble avoir été franchi dans la violence, l’intolérance et la pensée unique dans ce pays africain pourtant pionnier en matière de liberté, de respect des droits humains et de démocratie. On ne reconnaît plus la patrie du président poète Léopold Sédar Senghor où a longtemps prévalu le débat d’idées au détriment des agressions physiques. La force de l’argument et non l’argument de la force, tel était l’un des credos forts du Sénégal, jusqu’à l’avènement de Wade.

Aujourd’hui, et comme si les atteintes à l’intégrité physique ne suffisaient plus, on n’hésite donc pas, concernant la presse, à s’en prendre aux locaux, au matériel pour réduire au silence pour de bon - ou à tout le moins momentanément - ceux qui osent critiquer le régime ou ses caciques. La méthode fait froid dans le dos car on se demande jusqu’où peuvent bien aller les partisans des basses besognes pour punir ceux qui ne veulent pas leur obéir au doigt et à l’oeil. Dans cette situation, les procès pour diffamation, les interdictions de vente ou les saisies de numéros, les gardes-à-vue, les convocations à la fameuse Division des investigations criminelles (DIC) pour répondre de faits d’atteinte à la sûreté de l’Etat, etc. sont un moindre mal.

Assurément, l’image du régime et, partant celle du pays tout entier, sont de plus en plus ternies par ces actes de barbarie, indignes même des Etats d’exception. Les associations de défense des droits humains et de la liberté de presse n’ont cessé d’épingler le pays, de le faire figurer dans le classement peu honorable de nation peu regardante sur la liberté de presse.

Mais qu’est-ce qui peut bien expliquer cette violence dont sont victimes (pour le moment ?) les organes de presse privés qui ne veulent pas se laisser caporaliser, et qui refusent de chanter les louanges des puissants du jour ? Serait-elle liée à la nature du régime en place depuis mars 2000 et dont on dit du numéro un, Abdoulaye Wade, qu’il ne supporte pas la contradiction et la critique ? En tout cas, il y en a qui n’hésitent pas à faire le lien. Ils saluent même la justesse du propos contenu dans le livre jadis prémonitoire et intitulé "Wade, un opposant au pouvoir : l’alternance piégée" écrit par le journaliste Abdou Latif Coulibaly. Plus que l’alternance, c’est, selon certains, la démocratie sénégalaise elle-même qui est défigurée.

Par Séni DABO

Le Pays

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