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Filière café-cacao : Jusqu’où ira Gbagbo ?

Publié le lundi 18 août 2008 à 12h24min

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Bohoun Bouabré

Même si Guy André Kieffer, journaliste franco-canadien, n’est peut-être plus de ce monde pour voir défiler à la barre les prédateurs de la filière café-cacao en Côte d’Ivoire, dont le dossier est brûlant et sur lequel il investiguait, ne voilà-t-il pas que le président ivoirien, Koudou Laurent Gbagbo himself, a décidé de boucler l’enquête à sa place ?

Echéance présidentielle du 30 novembre 2008 oblige, le locataire du palais de Cocody vient de surprendre plus d’un, en jouant la carte de la transparence dans cette affaire, des plus ténébreuses, qui avait fini par jeter l’opprobre sur son régime depuis 2002, mettant ainsi tous les atouts de son côté pour succéder à lui-même, après avoir pris une longueur d’avance sur ses concurrents immédiats et redoutables, que demeurent Henri Konan Bédié du PDCI/RDA et Alassane Dramane Ouattara du RDR.

En requérant l’audition, ne fût-ce qu’à titre de témoins, de cinq barrons de la république, dont des gourous du Front populaire ivoirien (FPI), son propre parti, Gbagbo va ainsi à la pêche aux requins à la satisfaction de la communauté internationale, des bailleurs de fonds et des organisations non gouvernementales (ONG), qui trépignaient de l’impatience de voir toute la lumière faite sur les abus de biens sociaux et les détournements de ressources éventuels. Rappelons qu’en mai 2007, l’Union européenne avait fini par taper du poing sur la table, et que l’ONG britannique Global Witness suspectait le pouvoir ivoirien du détournement de quelque 27 milliards de FCFA entre octobre 2002 et avril 2003 pour financer la guerre contre la rébellion des Forces nouvelles.

Ces soupçons avaient valu à quelques patrons de la filière café-cacao d’être déférés, en juin dernier, à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (MACA). Après le menu fretin, aujourd’hui les clients du procureur de la République, Raymond Tchimou, et du juge Ladji Gnakaté ont pour noms : Paul Bohoun Bouabré, membre du FPI, ministre d’Etat, numéro deux du gouvernement, jadis ministre du Plan, de l’Economie et des Finances ; Adama Gon Coulibaly, membre du RDR, directeur de campagne du candidat à la présidentielle Alassane Dramane Ouattara et actuel ministre de l’Agriculture ; Alphonse Douati ; Sébastien Danon Djédjé et Diby Koffi Charles, tous anciens ministres de l’Agriculture.

Même si, avant l’heure, ces témoins de luxe jouissent de la présomption d’innocence, leur audition, requise par le président Gbagbo, à la faveur du Conseil des ministres du 14 août, témoigne de la volonté de l’homme politique, visionnaire qu’il est, de se laver les mains dans les enquêtes réclamées à cor et à cri, depuis 2007, sur "le rachat des différentes sociétés acquises par les structures de la filière et sur la circulation des ressources et les flux financiers de chacune d’elles". De nos jours, nul n’ose douter de l’engagement de Laurent Gbagbo à jouer la carte de la transparence et de l’aboutissement de l’enquête, surtout à un moment où, aux Etats-Unis, des milliards de F CFA, d’origine douteuse, ont été stockés, et le bureau fédéral d’investigation (FBI) est entré dans la danse.

Mais, dites, n’est-ce pas là une leçon que le "messie" de Mama vient de donner, gracieusement, à bien de nos gouvernants, pourris jusqu’à la moelle ? Car, si la Côte d’Ivoire, locomotive économique de l’Afrique de l’Ouest et premier producteur mondial de cacao avec ses quelque 600 milliards de FCFA de recettes annuelles que lui rapporte son million de tonnes de cacao, songe à faire le ménage, il n’y a pas de raison qu’un pays comme le Burkina, qui nourrit le rêve éternel de voir grimper le cours mondial des amendes de karité, ignore tout de la bonne gouvernance et de l’obligation de rendre compte.

Et pourtant, ne sommes-nous pas au pays dit des hommes intègres ? Certes, le risque est grand qu’en voulant balayer devant sa cour, Gbagbo soit exposé aux tirs groupés de ses adversaires, mais, aucun doute qu’il aura une armée de planteurs pour voler au secours de son fauteuil. En attendant, nombreux sont ceux pour qui Gbagbo vient de se livrer à une partie de diversion, car la perte de ses amis politiques à la veille des élections pourrait être la sienne. Jusqu’où ira-t-il donc dans sa quête de transparence ?

Bernard Zangré

L’Observateur

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