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Notation à la Fonction publique : Un militant désapprouve la démarche des syndicats

Publié le lundi 18 août 2008 à 12h31min

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Alfred S. Tégawendé est syndiqué, mais il n’hésite pas à cracher ses vérités sur ce qu’il considère comme les erreurs du monde syndical burkinabè. Dans l’écrit ci-dessous, il se penche notamment sur la question du nouveau système de notation des agents publics.

L’application du nouveau système d’évaluation et de notation des agents de la Fonction publique constitue aujourd’hui un point majeur de discorde entre responsables syndicaux et gouvernement, à en croire l’écrit des premiers cités publié dans "Le Pays" du jeudi 31 juillet 2008. Dans cet écrit, des responsables de syndicats, par la voix de leur porte-parole, en l’occurrence Mamadou Barro, désapprouvent ce système d’évaluation et appellent par la même occasion les travailleurs à "maintenir le boycott des fiches de notation". Aussi, les invitent-ils à "se tenir prêts pour les luttes qui s’imposent", face à l’insistance du gouvernement quant à sa mise en application.

Sans être contre nos responsables (puisque je suis syndiqué et participe aux différentes luttes syndicales légitimes), je voudrais dans les lignes qui suivent les appeler à plus de discernement et d’objectivisme quant au choix des sujets de revendications.

Le nouveau système d’évaluation et de notation n’est qu’un élément de la réforme globale de la Fonction publique dont nous n’avons pas pu éviter la mise en œuvre. Pourquoi s’entêter alors à intégrer à cette réforme nouvelle des éléments anciens ? Je pense qu’il serait sage de permettre la mise en application de cette nouvelle forme de notation, quitte à y apporter par la suite des amendements en ses points qui se révéleront inefficaces, pour l’améliorer et la rendre plus performante. A mon sens, la réforme en elle-même comporte des éléments défavorables au bien-être des travailleurs, mais le système de notation qu’elle propose n’en constitue pas un, à moins qu’il n’y ait des éléments autres que ceux que nos responsables ont exposés.

En effet, ce système de notation, s’il est bien appliqué, peut favoriser la culture de l’excellence. Je consens qu’il faut lutter contre les injustices dont sont victimes les travailleurs mais évitons de nous opposer à ce qui est juste et constructif quand bien même cela vient du gouvernement. Je ne sais pas pourquoi il faut encourager un agent de l’Etat qui ne peut pas avoir 6/10 par son travail. Si l’ancien système proposait des formes d’avancements à des agents qui ont des notes inférieures à 5/10, c’est une insuffisance pour laquelle nous n’avons pas besoin d’une proposition gouvernementale pour y remédier ; la proposition devrait venir de nous-mêmes travailleurs qui aspirons au développement de ce pays.

Par ailleurs, j’ai parcouru les fiches de notation (A comme B) et telles qu’elles sont ficelées, je ne pense pas qu’un agent de l’Etat, soucieux du travail bien fait et conscient de sa part de responsabilité dans l’édification de notre nation, puisse manquer au moins la note de 6/10 nécessaire pour son avancement. Chers responsables, encourageons donc la culture de l’excellence au détriment de celle de la médiocrité qui ne fera que nuire au développement de notre chère patrie.

La non association des syndicats à l’élaboration et à l’adoption du nouveau système de notation que dénoncent nos responsables est une chose et la crédibilité de cet outil en est une autre. Attirons donc l’attention du gouvernement sur sa démarche peu recommandable et unilatérale, mais acceptons ce système qui n’est ni mauvais ni nuisible à personne. Son caractère inéquitable que récusent nos responsables n’est selon moi qu’apparent. Je ne vois pas de problème à ce que les agents ayant le pouvoir de notation soient notés différemment des autres en ce sens que tout agent de l’Etat est appelé à grandir, à évoluer. Ainsi, l’évalué d’aujourd’hui sera l’évaluateur de demain ; il n’y a point d’injustice.

Privilégier d’autres préoccupations des agents

Le monde des travailleurs vit bien des problèmes sérieux auxquels il faut faire face. Dans le contexte de la vie chère qui, dit-on, est un phénomène mondial, le travailleur burkinabè ne sait plus où donner de la tête. Cette vie chère a atteint son paroxysme dans notre pays et rien de sérieux n’a été fait pour soulager les salariés. Pourtant, d’autres gouvernements, plus soucieux du bien-être de leurs travailleurs, ont procédé à des augmentations de salaire pour relever leur pouvoir d’achat.

D’autre part, des travailleurs sont victimes d’injustices sur lesquelles réside un silence absolu des syndicats. Ces injustices se situent aussi bien au niveau de l’octroi des indemnités que dans le traitement salarial. Comment comprendre par exemple une discrimination dans l’octroi de l’indemnité de logement à des agents exécutant les mêmes tâches et étant parfois de la même catégorie ? Ou encore, comment expliquer la différence indiciaire criarde (55 points indiciaires de différence) entre deux fonctionnaires qui viennent de sortir ensemble de l’école (ENAM) sous prétexte que l’un était contractuel auparavant ?

Après les récentes grèves, le gouvernement a décidé de la coupure d’un certain montant dans les salaires des fonctionnaires grévistes. Si cet acte est légal, l’on ne saurait cependant tolérer le caractère anarchique de ces "coupures" dont nous ne maîtrisons pas tous les contours. Il appartient à nos responsables syndicaux de chercher à comprendre et nous expliquer pourquoi par exemple 10 000 F chez Paul et 20 000 F chez Pierre. Ou encore pourquoi une seule coupure chez certains et deux pour le moment chez d’autres.

Voilà des éléments parmi tant d’autres sur lesquels nous devions orienter nos luttes.

Si j’ai déploré en effet ces situations passées sous silence, j’ai encore plus été sidéré lorsque j’ai vu à la télé le don de céréales du gouvernement aux organisations syndicales que nos responsables n’ont pas daigné refuser. Il y a un proverbe chinois qui enseigne que "donner du poisson à quelqu’un c’est le nourrir une fois ; lui apprendre à pêcher, c’est le nourrir toute la vie". Au lieu de nous gratifier d’un don en céréales qui ne nous servira pas longtemps, sinon même pas, donnez-nous les moyens de nous en procurer à tout moment en nous octroyant des salaires conséquents. Ce geste de nos responsables, intervenu au moment même où nos salaires se sont vus réduits de quelques francs, a déçu plus d’un et n’est pas de nature à susciter une mobilisation grande des travailleurs pour les éventuelles luttes.

Repenser les stratégies de lutte syndicale

Il est pour ainsi dire, nécessaire de repenser les stratégies de luttes syndicales. A mon sens, les grèves et les boycotts indispensables quelquefois ne sont cependant pas toujours les seuls moyens pour convaincre. A certains refus du gouvernement, il faut par moment opposer un dialogue franc, une négociation sérieuse car, il ne suffit pas simplement de revendiquer, il faut convaincre sur la nécessité de parvenir au résultat escompté. Aussi, nous ne devons pas chaque fois être sur la défensive, prêts à rejeter tête baissée tout ce qui nous vient du gouvernement.

En outre, les organisations syndicales reçoivent chaque année une subvention de l’Etat dont la valeur est estimée de nos jours à près de cent millions (100 000 000) de francs CFA. Pourquoi ne pas investir davantage ces subventions dans la sensibilisation et la formation des militants afin d’en faire des travailleurs conséquents, honnêtes et consciencieux ? Cela nous placerait dans une position confortable pour négocier ou revendiquer.

Pour terminer, je voudrais exhorter nos responsables syndicaux à plus d’esprit d’initiative et d’anticipation. Ils doivent être à même de proposer des plans de développement de notre Fonction publique, propices à l’épanouissement du travailleur et préservant l’intérêt général de la nation. Nous ne devrions pas attendre chaque fois des propositions et/ou des impositions de réformes du gouvernement pour amender ou rejeter.

Nous attendons donc de vous des propositions réalistes, bien mûries qui, appliquées, soulageraient les travailleurs et seront de nature à favoriser le développement de notre cher pays, le Burkina Faso.

Tégawendé Alfred SIMPORE

Le Pays

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