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Fonctions publiques africaines : A quoi servent-elles ?

Publié le jeudi 24 juin 2004 à 10h01min

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Hier 23 juin 2004, les fonctions publiques africaines ont été à
l’honneur à travers deux journées. La première est la Journée
des Nations unies de la Fonction publique et la deuxième, la
10è Journée africaine de l’Administration et de la Fonction
publique. Si le thème, pour l’ensemble de l’Afrique, est
"Renforcer les capacités de la Fonction publique pour une
renaissance de l’Afrique", le Burkina s’est particularisé avec un
thème national ainsi libellé : "Le défi de la réforme de l’Etat au
Burkina Faso : la contribution des médias".

Ces journées sont
une occasion de s’intéresser au fonctionnement des fonctions
publiques et des administrations africaines à travers leurs
prestations quotidiennes et les jugements des usagers.
Sur le plan du fonctionnement, les administrations africaines se
ressemblent comme des soeurs jumelles.

D’un bout à l’autre du
continent, le laxisme, par exemple, règne en maître absolu. Les
agents publics ne se dévouent plus pour exécuter les tâches à
eux confiées. Assurés de toucher leur salaire à la fin du mois,
sauf cas de forces majeures (crises sociales, tensions de
trésorerie par exemple), ils assurent juste le service minimum.
Conséquences : les tâches à exécuter, les dossiers à traiter
s’accumulent et un précieux temps est perdu dans la course au
développement.

L’usager pressé de voir son dossier traité n’a
d’autre recours, pour accélérer la procédure, que de "faire un
geste" c’est-à-dire corrompre le fonctionnaire. Ce ne sont pas
ceux qui courent après leur intégration à l’issue d’un concours,
qui diront le contraire. Idem pour ceux qui veulent faire corriger
leur situation au niveau des services de solde. On tombe là,
dans la corruption dont les administrations africaines sont
réputées être les nids.

Il ne peut en être autrement lorsque leurs
animateurs montrent des signes de prédisposition ou d’avidité.
Les bas salaires constamment évoqués justifient-ils une telle
attitude ? Les responsables des administrations sont au
courant de ces situations malheureuses mais ne font rien pour y
remédier. D’ailleurs, peuvent-ils faire quelque chose dans la
mesure où eux-mêmes ne donnent pas souvent le bon exemple
 ?

L’absence de mesures énergiques pour les endiguer enracine
davantage ces maux et, pire, favorise également le
développement d’autres. C’est le cas par exemple de
l’absentéisme. Ils sont légion les agents publics africains qui,
non seulement ne viennent pas à l’heure au service, mais aussi
les désertent après y avoir fait un tour rapide. Certains passent
la majeure partie de leur temps dans les débits de boisson,
leurs véritables bureaux, à deviser tandis que d’autres
s’occupent tranquillement de leurs propres affaires.

Cette
dernière catégorie de fonctionnaires a poussé sur le terreau du
laisser-aller général, de l’impunité, de l’affairisme. Sous prétexte
qu’il faut avoir plus d’une corde à son arc, ils créent des
entreprises, des sociétés et se livrent à des délits d’initiés en
soumissionnant auprès des marchés publics. Et cela en
gardant toujours la casquette de fonctionnaire. Les visites
inopinées et médiatisées de ministres en charge des fonctions
publiques dans les services n’ont pas d’effet sur le phénomène.

Les agents qui se font épingler ne sont pas la plupart du temps
sanctionnés après ces visites beaucoup plus perçues comme
des actions d’éclat ou des effets d’annonce. S’il n’y avait
seulement que ces maux au sein des fonctions publiques
africaines, on ne s’en plaindrait pas trop parce que l’on pourrait
dire qu’ils sont moindres. Malheureusement, la liste est longue.

L’exercice de recensement des maux, en fait un autre comme la
politisation. On peut l’affirmer sans exagérer que les
administrations africaines sont fortement politisées. L’entrée en
leur sein ainsi que les promotions, sont souvent tributaires de la
détention d’une carte politique, généralement celle du parti au
pouvoir. Refuser cet assujettissement, c’est se marginaliser,
moisir dans son coin, ne pas bénéficier de bourses d’études, de
stages de formation, de séminaires et de bien d’autres
avantages.

C’est ainsi qu’il est fréquent de trouver dans les
fonctions publiques africaines des agents compétents,
consciencieux mais sous-utilisés et obligés de jouer les mots
croisés ou le PMU pour tuer le temps. Ce sont des situations
déplorables, paradoxales qui enlèvent toute envie de travailler
dans la Fonction publique.

Et que dire des agents fictifs et des
morts qui continuent de toucher leur solde ? Qu’elle est loin
l’époque où c’était une fierté d’être agent public ! Qui va donner à
la Fonction publique ses lustres d’antan ? Qui va la sauver de sa
déchéance, de sa chute dans les abysses de la morale ? Le
salut viendrait-il de sa privatisation comme le suggèrent
certaines personnes ?

Les réformes entreprises çà et là n’ont pas encore donné les
résultats escomptés. Un pays comme le Burkina a voulu innover
en se dotant, malgré la contestation des syndicats, d’une
Réforme globale de l’administration publique (RGAP), en
organisant, jusqu’à une période récente, des conférences
annuelles de l’Administration publique.

Jusque-là, les maux
n’ont pas disparu. Le népotisme, le favoritisme, l’affairisme, les
coups de piston et les magouilles de tous ordres ont toujours
cours. Les usagers ne sont toujours pas satisfaits des
prestations de l’Administration dont ils n’hésitent pas à se
demander si ses animateurs n’y sont pas pour se servir plutôt
que de les servir.

La quête d’une administration républicaine,
débarrassée de tous ses sales oripeaux, doit être une
préoccupation constante. Pour ce faire, des réformes allant
dans ce sens ou mettant l’accent sur ces aspects, doivent
encore être entreprises ou renforcées. C’est le pari à relever
pour redorer le blason des administrations publiques et
regagner de ce fait, la confiance des usagers.

Le Pays

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