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Coups d’Etat en Afrique : Les citadelles inexpugnables se prennent de l’intérieur

Publié le lundi 11 août 2008 à 11h31min

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Avec ce qui vient de se passer en Mauritanie, l’on se demande pourquoi tous ces désagréments provoqués par cette armada sécuritaire autour de nos gouvernants. A quoi donc servent ces gorilles aux regards patibulaires dissimulés derrière des verres fumés, ces protège-balles en kevlar, ces véhicules blindés, ces cameras de surveillance ou ces détecteurs de métaux ? Visiblement, pas à grand-chose.

N’est-ce pas là un arsenal plus dissuasif que défensif si l’on se réfère à l’acte qui a, mercredi dernier, déposé en douceur le président mauritanien Sidi Ould Cheikh Abdallahi et placé sur orbite son chef d’état-major particulier, le général Mohamed Ould Abdel Aziz ? En effet, la particularité de ce putsch est qu’il a eu lieu sans effusion de sang. Il a suffit d’occuper quelques points stratégiques de la capitale et de prendre bon soin du président de la République et de son Premier ministre, qui ont été délicatement cueillis comme des pommes mûres et mis en lieux sûr.

Le chef d’état-major particulier de la présidence savait où se trouvait leur tendon d’Achille, et tout s’est bien passé, comme dans un jeu vidéo. Et s’il existait un prix institué pour la non-violence pendant les coups d’Etat, certainement que le nouvel homme fort de ce pays occuperait un rang bien honorable. En attendant, son nom vient s’ajouter sur la liste, assez longue, des personnes de « la famille », qui ont perpétré et réussi un complot. En effet, le général Mohamed Ould Abdel Aziz n’en est point le pionnier. Loin de là, et des exemples à travers l’Afrique, il y en a à la pelle. Relatons en quelques uns : en 1987, le général Zine El Abidine Ben Ali, ministre de l’Intérieur et patron de la Sûreté nationale, dépose Habib Bourguiba pour sénilité avancée.

Pour la petite anecdote d’ailleurs, pour déposer son protégé, sept médecins, dont deux militaires, ont été convoqués en pleine nuit, non pas au chevet du malade [Bourguiba] mais au ministère de l’Intérieur. Parmi eux se trouve le médecin du président, un cardiologue et général et bien d’autres sommités médicales. Ben Ali somme les représentants de la faculté d’établir un avis médical d’incapacité du président. « Je n’ai pas vu Bourguiba depuis deux ans », dit en guise de protestation, un des médecins. « Cela ne fait rien ! Signe ! », a tranché le général.

Le 9 avril 1999, le président nigérien, le général Ibrahim Baré Maïnassara, est déchiqueté par une automitrailleuse. Celui qui en est l’auteur et le commanditaire était son commandant de la garde présidentielle, Daouda Mallam Wanké. Le 15 mars 2003, alors que Patassé est en voyage au Niger, Bozizé, le chef- d’état-major des armées centrafricaines, rentre au pays et s’empare de Bangui sans coup férir. Dans cette même Mauritanie qui défraie la chronique actuellement, quand Ely Ould Mohamed Vall prenait le pouvoir en 2005, n’était-il pas le DG de la Sûreté nationale, poste qu’il a occupé pendant 18 ans ?

Alors, qu’on arrête donc de nous casser les oreilles avec ces interminables sirènes de police et ces nombreuses routes barrées avant, pendant et après le passage de nos dirigeants. Puisque l’ennemi n’est pas celui que l’on pense. Il est, le plus souvent, tapis à l’intérieur du système. Et si l’on a un petit conseil à donner aux opposants qui ont soif de pouvoir, c’est de leur dire de devenir des chefs d’état-major, surtout des chefs d’états-major particulier de la Présidence.

Mais encore faut-il être militaire ! En tous cas, ils n’auraient pas besoin de se dépenser beaucoup pour parvenir à ses fins. Juste occuper quelques points stratégiques et déposer en lieux sûr le président. Les citadelles les plus bétonnées se prenant de l’intérieur, les hommes du président doivent plutôt scruter dans leurs rangs. Mais, pour éviter tous ces désagréments, comme l’a dit Jean Jacques Rousseau, laissez donc votre pays tout ouvert, mais bâtissez-vous de bonnes citadelles dans le cœur des citoyens.

Issa K. Barry

L’Observateur

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