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Adama Pacodé, artiste peintre : Le pinceau, le mythe et le mystère

Publié le lundi 11 août 2008 à 10h53min

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Le masque semble être universellement connu parce qu’il existe dans un grand nombre de sociétés humaines. Au Burkina Faso, les sociétés de masques constituent de véritables institutions garantes des valeurs cardinales qui régissent la vie des hommes d’une même famille, d’un même village, d’une même société. Les cérémonies de masques rassemblent généralement tous les habitants du village et même des villages environnants.

Le masque c’est une forme d’expression artistique qui donne lieu à une impressionnante variété de formes, de matériaux et de styles. Il se définit le plus souvent comme un intermédiaire entre le suprême et les humains, entre les vivants et les ancêtres. Cette cosmogonie des masques loge dans l’utérus de la peinture d’Adama Pacodé dit Damso. Passionné par l’art africain, les mythes et les traditions, le jeune peintre burkinabè fait de la protection et de la valorisation des masques son credo. La plupart de ses expositions présente un éventail de compositions originales des masques du Burkina Faso et des mystères qui les entourent.

L’art africain, ce n’est pas seulement le visible. Il est aussi complexe qu’on ne le pense. L’univers des masques rime avec cette assertion. Le masque ne nous est pas seulement rendu visible et accessible par les œuvres rassemblées dans les musées, par des festivals qui le célèbre ; mais aussi par des mythes qu’il illustre et par les rites auquel il fut et reste encore attaché. Une analyse des fonctions du masque dans les sociétés traditionnelles permet de persuader les « saint Thomas » du rôle fondamental qu’il joue dans l’équilibre de la société qui le respecte et le redoute. L’esprit de la création d’Adama Pacodé s’inscrit dans cette dynamique. Depuis bientôt deux décennies, Damso s’applique à l’étude des mythes et des masques africains. Il les traite non comme des objets isolés, mais comme un jeu social, emblématique du patrimoine immatériel et matériel conservé par un groupe social pour des circonstances précises et qui rythme les grandes étapes de la vie, assurant la bonne marche de la société. Ses œuvres qu’il expose représentent un ensemble d’une version picturale des masques et des thèmes inspirés de l’histoire, des rites traditionnels spécifiques aux sociétés de masques du Burkina Faso et du pays Dogon au Mali. Il symbolise le monde impénétrable des rites Dogon par une “statuette rituelle” dédiée au culte ancestral.

Quand au “masque de danse”, le jeune peintre le représente par un portait de masque utilisé au moment du culte agraire en pays Dogon. L’artiste visite entre autres, plusieurs sociétés de masques au Burkina Faso. Par exemple, le masque Waongo des mosse est présent sur une de ses toiles. C’est un masque protecteur, qui apporte la prospérité à la famille, au village, au clan. Dans l’artothèque de Damso, l’on retrouve également des masques du pays Nuni représentés par masque oiseau ibis noir. A travers ce masque le divin révèle à l’humain (le porteur) tout comportement maléfique d’un individu lors des assemblées rituelles. Certes, l’ensemble des créations de Pacodé permet d’apprécier les valeurs esthétiques des œuvres présentées ; cependant elles permettent également au visiteur averti ou non averti de (re)découvrir les masques et surtout de chercher à comprendre le langage de ceux-ci et des mystères qui les entourent. Le contenu narratif et symbolique des œuvres, leur message a un caractère universel.

La peinture de Damso est teinte de symboles et d’images qui transcendent les frontières pour répondre à des questions touchant à l’existence humaine et à la destinée de l’homme. L’univers des ancêtres, le monde des morts, les cérémonies funèbres sont autant d’images récurrentes dans les œuvres exposées par l’artiste. Son travail met en évidence la communion entre le monde des ancêtres et le monde des vivants. Pour preuve, il représente sur un tableau le masque casque épervier. Il s’agit clairement du nwenka dans la région de Solenzo qui joue un rôle important lors des cérémonies de levées de deuil et donne des yeux au défunt afin qu’il voit la route pour atteindre les ancêtres. Sur une autre de ses toiles, un masque gurunsi dans la région de Léo symbolise un ancêtre supportant des génies.

Toutes ces représentations permettent aux visiteurs lors d’une exposition d’appréhender le masque comme un objet de culte, un élément du sacré. Le masque au delà du caractère religieux contribue à l’éducation et à la formation de l’homme. Adama Pacodé représente ceci par une toile intitulée “initiation”. L’initiation est une école où s’accomplit la socialisation de l’individu à travers des rites. L’artiste tire parfois son inspiration dans les scènes qu’il a vécues. Lors d’un passage en pays gourmantché, il a été poursuivi par des jeunes initiés portant des masques préfabriqués. Cette expérience lui a permis de réaliser une toile présentant une scène d’initiation. D’autres toiles laissent découvrir des cérémonies dans des cimetière ayant trait aux pierres tombales, des pierres tombales, des rites liées aux cérémonies funèbres.

L’univers traditionnel africain avec ses richesses, ses mythes et ses mystères constitue une source inépuisable pour l’artiste dans sa création. Puiser dans la tradition les valeurs fondamentales pour nourrir le présent en perte de repères, telle est la motivation de Damso dans ses créations. Pour lui « la prise de conscience de l’intérêt de l’univers des ancêtres est une étape très importante dans le développement de la société contemporaine ». Pour réaliser par exemple une de ses expositions intitulée « âmes et visages d’Afrique », l’artiste a dû se retirer en saison hivernale dans le village de Gogo près de Manga, une localité située à plus de120 kilomètres de Ouagadougou. Là, il parcourt les brousses, communie avec la nature, écoute les aînés, rencontre les prêtres et les garants de la tradition.

Cette démarche a accouché d’une grande exposition réalisée à Ouagadougou en février 2008 sur les masques d’ici et d’ailleurs. Son travail regroupe un échantillon de composition originale basée sur des matériaux locaux tels que le bois, les écorces d’arbres, les fibres végétales, la cendre, l’argile, la terre,… Selon les termes du peintre, l’utilisation de ses matériaux à des fins picturales est sa « contribution à la construction de lendemains meilleurs ». Adama Pacodé décide à travers la peinture de faire la sauvegarde des masques son affaire personnelle. La découverte des masques africains par quelques intellectuels et artistes européens au début du XXème siècle a joué un rôle très important dans l’histoire de l’art contemporain surtout en Occident.

Les créations de certains grands noms de l’art contemporain en Europe ont d’ailleurs été influencées par les masques et l’art africain. Les masques sont donc un pan du patrimoine culturel qu’il faut valoriser. Ce travail incombe en premiers lieux aux artistes africains. Malheureusement peu d’artistes s’y intéressent alors qu’une menace de disparition pèse sur ces biens culturels. Le vol et le pillage des objets culturels touchent les masques. Pendant la période coloniale, plusieurs masques africains ont été exportés en Amérique et en Europe. L’on retrouve ces masques dans les musées et dans les galeries en Occident. Aujourd’hui, dans un contexte de pauvreté accrue, les africains, les propriétaires de masques et biens d’autres délinquants africains n’hésitent pas à dérober ces biens et à les vendre aux occidentaux.

En définitif, la peinture d’Adama Pacodé est un travail de collecte, de restauration, de valorisation et de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel et matériel. Damso devance ici les missions dévolues à nos musées quant à la découverte des masques.

Nébilibié Bayili (Email : bnebile@yahoo.fr)

Sidwaya

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