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Age de nos gouvernants : Des sorties sans assurance retraite

Publié le mercredi 6 août 2008 à 12h18min

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Ces temps-ci, l’une des rumeurs qui courent le plus au Pays des hommes intègres est celle relative à l’imminence d’un remaniement ministériel au regard du fait que le fauteuil des Affaires étrangères et de la Coopération régionale reste vacant, que cette équipe-là ne serait pas vraiment celle de Tertius Zongo et qu’avec le renchérissement croissant accéléré de la vie, il faut un exécutif plus puncheur. Certes, d’autres raisons telles que les luttes de tendances ou de clans sont évoquées, mais c’est là l’essentiel.

D’une part de telles rumeurs se nourrissent d’une tradition héritée de la Révolution démocratique et populaire (RDP), qui voulait que le gouvernement fût dissous au mois d’août et que ne restassent aux commandes que les quatre (4) chefs historiques de la RDP qu’étaient Thomas Sankara, Blaise Compaoré, B. Jean-Baptiste Lingani et Henri Zongo.

D’autre part cela s’explique par le fait que l’actuel président du Faso et les Premiers ministres qui se sont succédé ont quelques fois choisi les mois d’août et de septembre pour remanier l’équipe gouvernementale ; exception faite des lendemains d’élections présidentielles et législatives.

S’agissant des autres raisons déjà invoquées, elles ne sont pas dénuées de pertinence, même s’il ne faut pas perdre de vue que nombre de personnalités qui les distillent ont quelque part intérêt à ce que Tertius Zongo remanie son équipe.

Bien entendu, nous n’insinuons pas que l’ambition de X ou de Y d’occuper un fauteuil ministériel n’est pas légitime. Après tout, tous autant que nous sommes, la compétition que nous impose la vie en société vise à être couronnée par le succès, la promotion, la reconnaissance par nos semblables de nos mérites.

Ce qui est regrettable, c’est, au lieu d’avoir de l’ambition, d’être ambitieux. Avoir de l’ambition, c’est mettre ses facultés et ses ressources au service d’une cause ou d’une vertu (professionnalisme, conscience professionnelle, réussite de sa famille, patriotisme, progrès de son pays, sociabilité...) de sorte que la promotion soit la résultante d’au moins un certain mérite. Or, l’ambitieux s’occupe moins de la manière et des moyens que du but et du résultat.

Compte tenu de ce que T. Zongo met au centre de son action, l’efficacité et la rigueur, ce que nous venons de dire devrait être pris en compte.

L’âge d’un élément devenant de plus en plus une raison
En Afrique, on a coutume de dire qu’un vieillard assis voit plus loin qu’un enfant debout. Il est également avéré que si l’on perd en mémoire en prenant de l’âge, on gagne en génie, en sagesse ; si fait qu’on a réponse à tout ou presque. C’est dire l’importance des aînés en général et ceux d’Afrique en particulier.

Seulement voilà : le colonisateur, de qui nous tenons l’administration publique et privée et nos législations, a fixé un âge auquel il faut aller à la retraite.

Tant et si bien que vous avez beau être un génie des Tarpates du fait de votre âge et de l’expérience qui va avec, vous devez passer la main ; à moins que de façon exceptionnelle vous soyez réquisitionné. Or, tous ceux qui sont aux affaires aujourd’hui ne pouvant être réquisitionnés au risque de transformer l’exception en règle, avec tous les dangers qui y sont liés, nombre d’entre eux pourraient faire les frais (comme d’autres avant eux) de cette situation en cas de remaniement. Certains présidents d’institutions seraient aussi déjà sur la voie de la sortie.

Au gouvernement, trois ou quatre ministres seraient concernés et à l’échelle des institutions, deux patrons seraient dans cette situation. Nul doute que dans les années à venir, ils seront de plus en plus nombreux. En effet, à partir de 2010 au plus tard, la plupart de ceux qui ont pris le pouvoir (et leurs anciens camarades qui sont aujourd’hui dans l’opposition) vont commencer à faire l’expérience de la retraite. Plus d’un sera surpris si ce n’est déjà le cas, car il faudra libérer les lieux pour la génération suivante, qui trépigne déjà d’impatience.

Des responsabilités individuelles certaines
Le drame est que bien de ceux qui sont concernés aujourd’hui ne semblent pas y avoir pensé, ou pas suffisamment en tout cas. C’est ainsi que certains de ceux qui sont partis du gouvernement du fait de la limite d’âge, entre autres, comprennent difficilement que cette raison ait été invoquée dans leur cas et pas dans celui de deux ou trois autres qui sont toujours au gouvernement.

Il est vrai qu’on ne doit pas se réjouir du malheur d’autrui (fût-il de celui de son ennemi). Il est vrai aussi que nul ne peut estimer avoir tout prévu avant que sonne l’heure de la retraite. Toutefois, il y a un minimum auquel beaucoup de ceux qui étaient aux affaires n’ont pas songé et auquel plus d’un qui est encore au pouvoir ne pense pas.

Y penser ne signifie pas acquérir de l’argent de n’importe quelle manière et l’investir dans une gigantesque exploitation agropastorale alors qu’on ne dispose pas des capacités nécessaires pour s’autofinancer à terme.

D’anciens présidents et d’anciens ministres ont dû brader des pans importants de leurs exploitations pour n’avoir pas compris que leurs positions (qui les aidaient à y injecter, à perte, de l’argent) n’étaient pas éternelles.

Certains ont pensé que leurs origines paysannes étaient suffisantes pour réussir alors même qu’ils n’avaient plus les savoirs locaux de leurs parents (puisqu’ils ne sont pas des paysans) et que leurs exploitations sont plus grandes que celles de leurs parents. D’autres, par complexe de supériorité de petit-bourgeois lettré et relativement aisé, ont conclu qu’ils disposaient de tout pour réussir. Mal leur en a pris.

Les responsabilités évidentes du système
Si en diplomatie et en conduite des politiques économiques, Blaise Compaoré et les siens méritent du respect, force est de reconnaître qu’en matière de réflexion prospective et de conduite de la gouvernance interne, certains de leurs concitoyens ont raison de pester.

Revenons à ces présidents d’institutions et ministres atteints par la limite d’âge pour dire que ceux qui se plaignent d’avoir été éjectés pour cette raison n’ont pas tort. En effet, au nom de quels critères certains y sont toujours et d’autres pas ? Si c’est pour insuffisance de résultats, il n’y a pas à se faire du scrupule pour le dire.

Si non, ceux qui n’y sont plus peuvent être considérés comme des victimes par une opinion qui est plus encline à se ranger du côté du plus faible qui a pourtant tort que du côté du plus fort qui a cependant raison. Certes, ce n’est pas un gouvernement de l’opinion, et l’opinion n’a pas nécessairement raison, mais nul ne peut gouverner sans tenir compte de l’opinion.

Il aurait donc fallu mener une réflexion sur le sujet afin de disposer de critères clairs et transparents qui soient en conformité avec les lois de la République. Des contingents entiers de cadres qui sont encore dans la plénitude de leurs facultés intellectuelles sont en train d’entrer dans cette catégorie. B. Compaoré a donc tout intérêt à y penser. Même si cela doit relever uniquement de la volonté de ce dernier, il urge que les choses soient codifiées.

L’expérience de la Côte d’Ivoire et du Ghana
Pour résoudre ce problème, Félix Houphouët-Boigny nommait ses fidèles compagnons frappés par la limite d’âge présidents de conseil d’administration des grosses sociétés publiques ou parapubliques. Ils avaient rang de ministre et avec tous les privilèges qui s’y rattachent. Ainsi, c’était de vrais PCA respectés et craints par les directeurs généraux. La santé de la gouvernance de ces sociétés s’en ressentaient, au moins au début.

Au Ghana, ce sont des ministres résidents. Ce qu’il faut retenir, c’est la nécessité d’exercer la réflexion pour trouver la solution à un problème qui ira en touchant plus de personnes.

Etant tous d’accord que gouverner, c’est prévoir, c’est l’occasion de le prouver afin d’éviter au pays de s’engouffrer dans une impasse. En attendant, ceux qui sont aux affaires devraient songer à s’aménager une porte de sortie au lieu de se lamenter le jour où il ne seront plus au gouvernement et seront donc confrontés à une sorte de retraite sans assurance.

Z.K.

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