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Succession ou prolongation au pouvoir : Le dernier coup de poker secret de Blaise Compaoré

Publié le lundi 4 août 2008 à 10h37min

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Pendant que les canards (et radio Cancan) cancanent sur un probable projet de succession au palais de Kosyam, et qu’on approche lentement mais sûrement de l’échéance présidentielle de 2010, tous les météorologues de la politique burkinabè sont suspendus aux lèvres de l’enfant terrible de Ziniaré. Jusque-là apathique et aphone à tous les bruits qui fusent ici et là sur sa destinée politique, le Blaiso détient incontestablement la dernière carte du jeu du quitte ou double auquel il est désormais tenu à la tête de l’Etat. Que va-t-il faire exactement ?

Selon le pronostic des observateurs qui se croient dans les secrets des nuits noires, il n’aurait pas d’autre choix que de préparer sa retraite. A la fin du mandat en cours ou après un dernier qu’il pourrait briguer éventuellement en novembre 2010 prochain. La logique qui guide cette hypothèse serait que le PF serait suffisamment fatigué et donc blasé par le pouvoir. Tout ce qui lui resterait donc à faire serait de prendre une retraite bien méritée après 23 ou 28 ans de “règne”. Dans le fond, l’hypothèse semble tenir la route. Mais n’est-ce pas là une vue trop courte sur les ambitions secrètes de ce stratège redoutable et redouté qu’est Blaise Compaoré ?

En montant en épingle la présumée préparation de François Compaoré, alias Moukila, à la fonction présidentielle, une certaine analyse politique n’envisage nullement plus la possibilité d’une prolongation du Blaiso au pouvoir. Comme si dans le chapeau magique du PF il n’y aurait plus de place pour aucune autre surprise que celle de mettre son frangin en selle. Comme si aucun autre coup de poker n’était possible. Il a, sans doute, beaucoup de raisons de protéger convenablement ses arrières avant de passer la main. Mais pourquoi ne pas penser que Blaise Compaoré peut décider de ne pas partir en arguant que le peuple a toujours besoin de lui ? La démocratie - telle qu’elle fonctionne ou ne fonctionne pas - a-t-elle les moyens de se passer de Blaise Compaoré en 2010 ou en 2015 ? Telle est la question qu’on devrait plutôt se poser ici et maintenant.

En effet, on a encore en mémoire le combat de certains opposants - dont l’inaltérable Hermann Yaméogo - contre l’inéligibilité du Blaiso à la présidentielle de novembre 2005. L’homme du Tékré s’était même retiré de la course pour protester contre la décision du Conseil constitutionnel de permettre au candidat Compaoré de briguer un 3e mandat alors que la Loi fondamentale revisitée en 1999 avait ramené la pendule de l’article 37 à l’heure de 1991 en stipulant que « Le président est élu pour cinq ans. Il est rééligible une seule fois ». En fin de compte, la levée de boucliers de l’opposition n’a été qu’un coup d’épée dans l’eau. Elle n’a pas réussi à convaincre le juge constitutionnel sur la pertinence de la rétroactivité de la révision constitutionnelle.

Elu pour une première fois en 1991, puis en 1998, il a ainsi obtenu le quitus qui lui a permis de planer sur la présidentielle de novembre 2005 pour s’en tirer avec un score à la soviétique de plus de 80%. Selon la nouvelle disposition constitutionnelle, il a la possibilité de se présenter à la présidentielle de 2010, pour un 2e nouveau et dernier mandat. Mais à l’allure où va son étoile diplomatique, des observateurs avisés de la scène politique burkinabè pensent qu’il ne s’arrêtera pas là. Et c’est là qu’il faut chercher le dernier poker secret de Blaise Compaoré.

Auréolé d’une gloriole très convoitée de « faiseur de paix » en Afrique et fort d’une réconciliation fructueuse - au propre comme au figuré - avec l’Amérique de Bush, tous les vents ne sont-ils pas favorables à Blaise Compaoré ? Que pourrait l’Assemblée nationale - qui compte sur une écrasante majorité acquise aux législatives de 2002 - contre un probable dessein de Blaise de prolonger indéfiniment son bail au Palais de Kosyam ? La dizaine de députés de l’opposition, qui semble plus d’accord sur son désaccord que sur une volonté de travailler à l’alternance, n’a visiblement pas les moyens de faire barrage à ce projet. Elle n’y verrait que du feu.

Quant à la société civile, il y a également longtemps qu’elle est plus préoccupée à panser ses déchirements et à courir après les « feuilles » des PTF - entendez partenaires techniques et financiers - qu’à se repositionner comme une véritable force qui crée des soucis au régime. Il ne restera peut-être plus que la communauté internationale pour lever les boucliers. Mais au regard de l’aura dont bénéficie l’enfant terrible de Ziniaré, du capital de sympathie et de lobbying qu’il a su se tisser au cours de ces dernières années, il faudra probablement attendre Godot...

Comme on peut le voir, la velléité d’éternisation du Blaiso au pouvoir passerait comme une lettre à la poste au niveau du Parlement. Mieux, pour donner plus de charme et d’éclat à son coup de poker, il peut même s’offrir le luxe de se soumettre à l’épreuve d’un référendum. Pour cela, il pourrait compter sur la solide toile d’araignée tissée aussi bien par le réseau inconditionnel des chefs coutumiers acquis à sa cause que par celui de la Fédération des associations pour la paix et le progrès avec Blaise Compaoré (Fedap/BC). Cette organisation, qui s’est imposée d’ailleurs comme la co-épouse du giga-parti au pouvoir, ne se fera pas prier pour faire briller sa notoriété de mille feux en mettant tout en œuvre pour la victoire du joker à ce référendum.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Blaise Compaoré a plus d’un tour dans son sac. L’agitation actuelle autour de la personne François Compaoré, son frangin de conseiller spécial, apparaît aux yeux de certains comme une girouette pour amuser la galerie. En tout cas, l’enfant terrible de Ziniaré n’a probablement pas encore fait son dernier coup. Et cela pourrait se jouer par un référendum sur lequel il garde secrètement le pied.

A. Houédraogo

Journal du jeudi

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