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Tunisie : Indéboulonnable Ben Ali !

Publié le vendredi 1er août 2008 à 12h29min

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La Tunisie, selon les guides touristiques, est un véritable pays de Cocagne. La vie y est merveilleuse avec des infrastructures hôtelières modernes, des sites touristiques de rêves et la garantie de disposer de services aux mêmes normes qu’en Europe. Ce paysage idyllique, c’est bien sûr pour le touriste de passage. Dans les faits, au quotidien, tout ne semble pas aussi rose.

Même si le pays peut se targuer d’une croissance économique appréciable et d’un bon niveau de vie de la population, il traîne avec lui une réputation de prison à ciel ouvert. Tout comme dans certains pays émergents comme la Chine, le développement et la dictature font bon ménage en Tunisie. C’est pourquoi l’annonce faite par le président tunisien, Zine El-Abidine Ben Ali, de se porter candidat à un cinquième mandat, n’a rien de surprenant. Dans un régime où le culte de la personnalité est devenue un système de gouvernement, il ne peut en être autrement. Depuis 2007, la prochaine candidature de Ben Ali était un secret de polichinelle. Comme dans la plupart des régimes autoritaires, une campagne avait été lancée pour réclamer sa candidature. Depuis le 30 juillet dernier, cela est fait, Ben Ali a entendu son peuple.

Mais le choix est-il vraiment laissé au peuple de se pononcer librement quand un seul homme écrase de sa stature la scène politique depuis 21 ans ? Le pouvoir tunisien, par un minutieux travail de verrouillage de tous les rouages de l’Etat, a étouffé toutes les voix qui peuvent faire de l’ombre à Ben Ali. Affaiblissement de l’opposition , musellement de la presse, répression des activistes des droits de l’homme, etc, Ben Ali a fait place nette autour de lui. A une année de l’élection présidentielle, le régime tunisien ne craint donc qu’une chose, c’est que le ciel lui tombe dessus. Autrement, le scrutin est gagné d’avance et personne n’y peut rien. L’un des rares opposants téméraires qui a présenté sa candidature a été disqualifié par un récent amendement constitutionnel obligeant tout postulant à être le dirigeant de son parti depuis au moins deux ans. Le prochain candidat sait à quoi s’en tenir. Car en Tunisie, ce n’est pas la réélection du président qui pose problème. On y est obsédé par le score, dont on ne se gêne pas qu’il rappelle ceux de l’ère soviétique. L’objectif est donc de faire autant, sinon mieux que lors de la dernière présidentielle, où Ben Ali avait obtenu 94, 49% des voix. Le paradoxe tunisien réside dans le caractère moderne de son économie alors que ses institutions politiques sont d’un archaïsme digne des régimes les plus despotiques. Comment, en effet, imaginer qu’en cette ère de mondialisation, on ait des comportements absurdes comme la chasse aux blogs et autres sites internet prônant certaines libertés ?

Le régime tunisien, malgré toutes ses dérives, jouit cependant d’une bienveillance, confinant à la complicité, auprès des Occidentaux. De quoi irriter davantage des dirigeants mal-aimés comme Robert Mugabe, dont les faits d’armes en matière d’atteinte aux droits de l’homme n’ont rien à voir avec ceux de Ben Ali. Ce n’est pas en Tunisie qu’émergera un Morgan Tsvangirai, que l’opposition sera majoritaire au parlement et que la justice déboutera le gouvernement. Certes, la Tunisie offre un certain bien-être matériel à ses populations, mais ces avancées sont en grande partie un héritage de l’ère Bourguiba. Ben Ali aurait eu un plus grand mérite si en plus des progrès économiques, il apportait la démocratie en Tunisie. Mais le monde développé se préoccupe peu du sort des Tunisiens, l’essentiel étant que ses touristes et ses investissements soient en sécurité. En la matière, il n’a aucun souci à se faire, la Tunisie ayant un des systèmes policiers les plus performants au monde. En outre, aucun contentieux n’oppose Ben Ali à l’Occident. Au contraire, le président tunisien fait tout pour être le plus proche possible des valeurs occidentales (sauf la démocratie bien sûr). Son zèle dans la lutte contre l’intégrisme et le terrorisme en fait un allié des Européens et des Américains. Alors pourquoi enquiquiner un personnage aussi "sympathique", même si son curriculum vitae n’a rien à envier à celui d’un dirigeant de l’ex-Union soviétique : 72 ans, 21 ans de pouvoir, 4 mandats (en attendant bientôt le 5e) et des scores frôlant les 95%. Qui dit mieux ?

Une hypocrisie entoure donc les relations entre l’Occident et les pays du Sud. De sorte que le concept d’Axe du mal et du bien, cher à George W. Bush, ne s’applique pas qu’à la lutte contre le terrorisme. Il est intrinsèque aux relations internationales. Et dans ce cas, les normes acceptables sont uniquement celles de la soumission aux plus forts. Depuis que Khadafi l’a compris, il est tranquille, malgré sa conception peu orthodoxe de la démocratie. Ben Ali, lui, a toujours intégré cette donne dans sa relation à l’Occident. De sorte qu’en 2009, il est assuré de rebeloter pour un 5e mandat. L’alternance, c’est pour les autres.

"Le Pays"

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