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Modification de la Constitution au Sénégal : Inconstance ou diversion de Wade ?

Publié le mercredi 30 juillet 2008 à 11h30min

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Abdoulaye Wade

Avec Abdoulaye Wade, les décisions présidentielles deviennent des non-événements et suscitent souvent la passivité, même le mépris : Rien à voir avec le pape du sopi, arrivé au pouvoir le 19 mars 2000 à l’issue d’une quête de ce pouvoir durant 25 ans. Que s’est-il passé pour que cet opposant, qui a vu ses années de luttes, de prison et de privation couronnées de succès, se métamorphose en président inconstant, suscitant amusement et dédain ?

Avant-hier il a supprimé le sénat et ramené le mandat présidentiel de 7 à 5 ans, hier, il a restitué le même sénat, qui, désormais, prime sur l’Assemblée nationale, et aujourd’hui il ramène le mandat présidentiel de 5 à 7 ans. L’affirmatif est de mise ici, car, si l’alinéa premier de l’article 27 de la Constitution a été toiletté, par les députés, le 28 juillet 2008, les sénateurs ne feront qu’entériner ce vote, qui donne encore de l’élasticité au mandat présidentiel.

Cette sorte de danse de saint Guy, qui caractérise la politique "d’Ablaye" Wade, est devenue presque quotidienne, provoquant, au passage, une sorte de méfiance de la communauté internationale. Un petit inventaire, à la Prevert, de ce tâtonnement de Wade permet d’en mesurer l’ampleur :

il y a quelques mois de cela, il annonçait que le Sénégal quittait l’ASECNA, intimant en même temps l’ordre aux premiers responsables de ce bel instrument d’intégration africaine de faire la lumière sur la gestion financière et immobilière de l’Agence. Puis, quelques semaines après, retour dans le giron de l’ASECNA ;

en mai dernier, violent réquisitoire de Wade contre la FAO, et, surtout, son patron, Jacques Diouf, son compatriote. Alors qu’il y a quelques mois auparavant il a rendu une visite officielle au même DG de la FAO, et qu’à l’occasion il n’avait rencontré ni le président du Conseil italien ni le président de la République italienne.

Mieux : Jacques Diouf lui avait même offert un dîner en sa résidence privée. Et n’oublions pas que Wade a soutenu la candidature de Diouf à un troisième mandat à la tête de la FAO ; cette inconséquence est-elle une tare de Wade, ou voit-il, comme il se susurre, en Jacques Diouf un potentiel candidat à la présidence ?

Et voilà que le dernier en date est ce retour de l’ancien article 27 de la loi fondamentale sénégalaise, que ses affidés justifient par le fait que cela lui permettrait de "disposer de suffisamment de temps pour mettre en œuvre son programme dans le cadre de l’effort de construction nationale".

En réalité, cette inconstance ou diversion, c’est selon le président sénégalais, a une seule explication : depuis quelque temps, "les merdes volent en escadrille" (pour emprunter cette expression de carabin de Jacques Chirac lorsqu’il traversait une mauvaise passe) pour Wade.

La vie chère est omniprésente, la crise énergétique perdure depuis des années, les enseignants menacent fréquemment de débrayer, les opposants semblent avoir bouffé du lion, même s’ils sont embastillés ; enfin les assises nationales du Front Siggil Sénégal, qui ont certes fait "flop", ont fait voir rouge au chef de l’Etat.

Ce concentré de problèmes peuvent expliquer cette politique à la tournesol, que mène Wade. A l’évidence tout porte à croire que cet homme de 82 ans qui vient d’entamer il y a un peu plus d’un ans son second mandat, n’a pas les solutions aux angoisses existentielles de ses compatriotes. En pareille situation, certains chefs d’Etat choisissent d’amuser le peuple en organisant des raoûts sportifs ou politiques pour distraire, d’autres trouvent des boucs émissaires pour canaliser la colère des populations sur eux, enfin une autre catégorie amuse la galerie et le peuple avec des feux de paille politique.

Abdoulaye Wade, qui est pratiquement imbattable sur ce terrain, a décidé, lui, de toujours tout ramener au politique, en menant une sorte de guerre d’usure. Et le présent coup de canif à la Constitution entre dans ce calcul. Reste à savoir jusqu’à quand va durer ce jeu, car il reste pratiquement 4 ans à l’actuel locataire du palais de l’avenue Léopold-Sédar-Senghor. Pourra-t-il pérenniser ce funambulisme politique ?

Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana

L’Observateur

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