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Visite de Laurent Gbagbo au Burkina : Un acte à fortes résonances symboliques

Publié le lundi 28 juillet 2008 à 11h24min

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C’est la toute première fois, depuis qu’il est à la tête de la Côte d’Ivoire, que Laurent Gbagbo effectue une visite d’Etat au Burkina Faso. Le fait est également marquant car depuis pratiquement Félix Houphouët Boigny, un chef d’Etat ivoirien n’avait pas effectué une visite de cette nature dans notre pays. Le président ivoirien, en acceptant, à quelques encablures de l’élection de novembre, l’invitation de son homologue burkinabé, après lui avoir offert la médiation dans la crise ivoirienne, donne un autre signal fort de son désir de voir la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso réhabiliter totalement leurs relations.

A nous Burkinabé de savoir être à la hauteur. Comment ? D’abord, en émergeant des conditionnements dont nous avons été victimes pour savoir accorder notre hospitalité légendaire à l’illustre hôte ; ensuite, en évitant des questionnements hasardeux sur les responsabilités ; enfin, en ne cherchant pas à enjôler l’Histoire qui saura toujours préserver ses droits.

FINIE LA DURE SAISON SECHE !

Laurent Gbagbo, en venant à Ouagadougou, ne vient pas à Canossa, pas plus que Blaise Compaoré en se rendant à Abidjan, connaîtrait un Waterloo ! Si nous avons des raisons légitimes de ne pas oublier nos ressortissants disparus, victimes de préjudices les plus divers, les Ivoiriens eux aussi ont des raisons de ne pas oublier la guerre injuste qu’on leur a imposée et à partir de laquelle tout est parti. Soyons grands à l’exemple des deux chefs d’Etat pour ne pas chercher à retourner le couteau dans la plaie ou à se réjouir de victoires que personne n’a gagné.

Cette visite d’Etat, en attendant donc que Blaise Compaoré en rende la politesse à la Côte d’Ivoire, constitue ( y a pas à dire !) le signe le plus patent du retour entamé vers la normalité nécessaire entre les deux Etats. Laurent Gbagbo est venu le signifier aux Burkinabé. Comme il aime parcourir son pays depuis l’Accord de Ouagadougou pour déclarer à ses compatriotes que « la guerre est finie », que personne ne soit étonné si jamais on l’entend déclarer ici ou là aux Burkinabé : « Je suis venu vous dire que la brouille est terminée entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso et que l’amitié est restaurée entre Blaise et moi ». L’homme est comme ça, fait d’un bloc, et il sait que c’est sa personne avant tout qui doit irradier la confiance pour fortifier la paix, convaincre que la page est tournée, que nous avons frôlé le pire mais que la raison a bien repris le dessus.

En Côte d’Ivoire, on ne parlera plus de Blaise Compaoré comme du boucher, du parrain, comme de l’envahisseur. Terminée l’époque où les journaux nous Y abreuvaient de propos comme ceux-ci : « Les Ivoiriens doivent faire confiance à leur armée, accepter de faire bloc avec leurs frères burkinabè et combattre Compaoré pour l’empêcher d’accomplir sa sale et criminelle besogne en Côte d’Ivoire. La Côte d’Ivoire, notre pays, est en guerre contre un régime, celui de Blaise Compaoré, cela est bon à savoir " ( Fraternité Matin du 25 septembre 2002) ou encore : « ..les rebelles du nord , armés par Chirac et Ado ont occasionné en Côte d’Ivoire plusieurs milliers de morts, des viols collectifs et plus d’un million de déplacés. Avec l’aide des mercenaires burkinabé assoiffés de sang et des chiens de guerre libériens, ils ont planifié l’assassinat à grande échelle de leurs frères ». (Site Internet http://www.midici.com/midi/?midi=detailart&idart=1429).

Au Burkina Faso, on rangera au placard les termes de boulanger, d’ivoiritaire, d’escadron de la mort quand on parlera de Laurent Gbagbo. Fini le temps où en parcourant les médias du Faso, on pouvait lire ceci : « Les girouettes et les pirouettes de dernières minutes du président Laurent Koudou GBAGBO rendent difficile l’application des accords de Marcoussis, seuls gages d’une paix durable en Côte d’Ivoire. Aujourd’hui, c’est un président isolé à l’intérieur comme à l’extérieur qui se débat avec tout ce qui lui reste comme souffle (Hermann YAMEOGO) pour tenter de dévier la pression qui se fait de plus en plus pressante sur lui et son régime » (L’Opinion N°367 du 13 octobre au 19 octobre 2004 ) ou encore cet extrait d’une Déclaration du CDP publiée le 8 novembre 2004 par l’Observateur Paalga : « … notre parti, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) : 1. condamne fermement la politique de la terre brûlée de Laurent Koudou Gbagbo et de ses hordes de vandales et de criminels prétendus ’jeunes patriotes’ … »

BIENVENUE A LA SAISON HIVERNALE PROMETTEUSE

Finie donc, la terrible saison sèche : nous sommes maintenant dans la saison hivernale prometteuse. Saluons ici la sagacité des deux hommes d’Etat. En effet, rentrer dans une guerre demande moins d’intelligence que d’en sortir et si la guerre dans la vie nationale ivoirienne comme dans la vie entre les deux pays a créé des traumatismes difficiles à évacuer, ce qu’on retiendra des deux chefs d’Etat dans l’histoire, c’est d’ avoir su, à temps, en limiter la propagation, c’est d’avoir gagné ensemble la victoire de la paix.

Maintenant, après le dialogue direct Laurent Gbagbo-Guillaume Soro, c’est au tour du dialogue direct Laurent Gbagbo-Blaise Compaoré pour le rétablissement des relations normales entre les deux pays par la garantie offerte d’une pacification sans retour. Pour y parvenir, il faut savoir se prémunir contre le retour des vieux démons. Cela passe par le traitement sérieux de la question de la libre circulation des biens, des capitaux, des personnes comme de leur liberté d’établissement dans chacun des deux pays. Cela passe aussi nécessairement par des dispositions devant s’intéresser à la régulation des flux migratoires, par la création notamment de pôles régionaux de développement, par l’alimentation des organisations communes en fonds structurels devant promouvoir le développement équilibré dans l’espace sous régional. Dissocier l’immigration de la capacité d’absorption du pays d’accueil est une hérésie, une imprévoyance à ne plus répéter.

Cela exige par ailleurs des mesures pour donner confiance aux Burkinabé résidant en Côte d’Ivoire pour les engager avec plus d’entrain dans le processus de réconciliation entre les deux pays.
C’est dire que la question du foncier rural doit être réglée de façon consensuelle et durable. Dans le même temps, il faudra s’attacher à exorciser à tout jamais ce sentiment ancré dans l’esprit de nombre d’Ivoiriens que le Burkinabé peut cacher un rebelle. Et pour cela, il faut absolument connaître le nombre exact de nos ressortissants en terre ivoirienne, leur accorder le droit de vote pour les scrutins référendaire, présidentiel et législatif au Burkina Faso.
Mais comment imaginer que l’on passe aux pertes et profits la question des réparations ? Albert Ouédraogo du Tocsin ne le supporterait pas ! Elle est à l’ordre du jour en Côte d’Ivoire en ce qui concerne les victimes de la guerre ; elle devrait pouvoir se concevoir également à la suite des violences, des dommages divers que Burkinabé et Ivoiriens ont subi du fait de la dégradation des relations entre leurs deux pays en raison de cette même guerre.

Vaste programme, dira-t-on, au moment où la Côte d’Ivoire peine à trouver les financements pour la sortie de crise. Evidemment, il ne sera pas possible, au cours de cette visite, de régler tous ces problèmes mais on pourrait (dans la sérénité retrouvée, loin de la place publique) lancer la machine et prendre date pour la mise en place de structures adaptées à la gestion du futur !

Cette visite, on le voit, ne passe pas pour rien dans l’opinion des deux pays et dans l’opinion internationale comme une visite historique, libératrice, fondatrice ! Elle est l’expression de la capacité de dépassement des deux chefs d’Etat qui ont su chacun prendre sur soi (ayant assez d’intuition et de courage) pour subalterner leurs propres mésintelligences à l’intérêt de leurs deux peuples comme à celui de la sous région ! De cela, Ivoiriens et Burkinabé en ont saisi la juste mesure. C’est pour cela que si Laurent Gbagbo est bien reçu à Ouagadougou par ses amis anciens comme par les nouveaux, à Abidjan, Blaise Compaoré peut être rassuré de recevoir le même accueil !

Victory Toussaint

San Finna

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