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Jack Lang et le PS : Indépendance d’esprit contre dictature du parti

Publié le vendredi 25 juillet 2008 à 11h10min

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La France a connu l’une de ses périodes politiques les plus épiques avec la récente révision constitutionnelle proposée par Nicolas Sarkozy. Plus que le contenu des textes en jeu, cet exercice démocratique a plus donné lieu à des déchirements politiques, notamment au sein du parti socialiste, qui enlèvent quelque peu du charme à la démocratie partisane française. Les attaques contre Jack Lang, pour avoir voté contre les consignes du parti, rappellent, à bien des égards, la pratique en cours dans certaines républiques bananières.

Au nom du sacro-saint principe de la discipline de groupe, les députés socialistes ne digèrent pas ce qu’ils considèrent comme une trahison de leur camarade. C’est à peine si l’échec du PS n’est pas attribué à Jack Lang, alors que la réforme a été adoptée avec 539 voix pour et 357 voix contre. La différence est nette, même si le mode de suffrage estime que c’est une seule voix qui a permis d’atteindre la majorité requise. Cette hargne contre une seule voix défectueuse semble donc disproportionnée. Elle apparaît plus comme une réaction de désarroi, face à une défaite que le PS n’envisageait certainement pas. Parce que dans le même temps, l’UMP a eu aussi ses "rebelles", qui ont décidé d’aller contre la décision du parti.

En réalité, le PS supporte très mal ce nouveau revers. Dans sa guerre contre Sarkozy, il oublie d’avoir une stratégie propre de conquête du pouvoir qui ne soit braquée sur le président français. On croirait y voir une opposition intransigeante, sans aucun sens du compromis, même quand la situation le recommande. C’est cette opposition aveugle que rejette Lang. Le père de la Fête de la musique estime sans doute que la réforme de Sarkozy, qui donne plus de pouvoir au parlement et aux citoyens et permet au président de s’adresser aux deux chambres, n’est pas foncièrement mauvaise. Mieux, il s’y retrouve, pour avoir fait partie de la commission Balladur chargée de réfléchir sur la réforme des instituions. Vue d’Afrique en tout cas, au moins un aspect de cette réforme vaut son pesant d’or. Il s’agit de la limitation instaurée aux mandats présidentiels. Le drame de l’Afrique réside essentiellement dans le manque d’alternance politique favorisée par des constitutions non limitatives des mandats. Et même quand, c’est le cas, la tendance est à la suppression de ce verrou qui empêche bien des chefs d’Etat d’assouvir leur soif de pouvoir à vie.

D’ailleurs, beaucoup d’entre eux prenaient la France à témoin pour perpétrer leur basse besogne. Cet argument a prévalu récemment au Cameroun où les partisans de Paul Biya ont invoqué le cas français, entre autres, pour s’adonner à la forfaiture de la révision constitutionnelle. Rien que pour cela donc, les démocrates africains doivent une fière chandelle à Nicolas Sarkozy. On ne pourra plus dire : " Même en France, la constitution n’a pas limité les mandats".

En cela aussi, la gauche française a raté une occasion d’entrer dans l’histoire, aux yeux des Africains, comme ayant participé à l’érection d’une barrière contre les pouvoirs à vie. En outre, elle donne cette impression de parti où la discipline est si rigide qu’elle confine à la dictature. Exactement comme on le voit en Afrique, avec des députés qui sont des machines à voter, sans aucune identité propre et apeurés à l’idée des représailles qu’ils encourent en cas d’ "indiscipline". Au-delà du carcan du parti, l’élu doit pouvoir exprimer en son âme et conscience les convictions qui sont les siennes. Mais il est vrai qu’à la différence d’un Jack Lang, qui a construit sa notoriété à la force de son combat politique, peu de députés africains ont le cran de s’opposer à la ligne de leur parti. A la prochaine élection, ils seront bannis et relégués dans les profondeurs de l’anonymat, si ce n’est de la galère.

En définitive, l’opposition obsessionnelle et forcenée du PS contre Sarkozy n’a pas été payante, en tout cas pour le vote de la réforme constitutionnelle. Le président et son parti ont fait l’objet d’une publicité gratuite qu’une attitude plus consensuelle du PS aurait atténuée. Ce qui devait être un simple vote parlementaire est devenu une véritable guerre idéologique gauche-droite. Du coup, les résultats sont catastrophiques pour le vaincu, le PS, et glorieux pour le vainqueur, l’UMP. Ainsi, pendant que le président et les siens sablent le champagne à l’Elysée, le PS s’entre-déchire, exactement comme après la défaite de la présidentielle. Alors, entre un Jack Lang trop en avance sur son temps (comme Bernard Kouchner et bien d’autres socialistes) et les tenants de la ligne dure, le PS a intérêt à se frayer le bon chemin, pour éviter le sort que connaissent aujourd’hui des partis comme le PCF (Parti communiste français).

Le Pays

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