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Revendications sociales en RCI : La méthode Gbagbo à l’épreuve

Publié le vendredi 18 juillet 2008 à 13h00min

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Laurent Gbagbo est rompu à l’art de la négociation face aux situations les plus inextricables. Personne ne peut lui dénier cette habileté politique qui lui a permis de rester au pouvoir malgré toutes les turbulences. Avec les militaires de son propre camp, il a su trouver la solution pour calmer les appétits des uns et des autres. A défaut d’avoir pu vaincre le rebelle Guillaume Soro par les armes, il a imaginé le dialogue direct dont on connaît les résultats.

Opportuniste, le président ivoirien ? En tout cas, il sait s’adapter aux différentes situations qui s’imposent à lui et qui sont de nature à fragiliser son pouvoir. Les récentes augmentations des prix à la pompe du carburant lui donnent à nouveau l’occasion de tester sa méthode dont les ingrédients sont la réactivité et l’écoute. Quand les transporteurs privés d’Abidjan ont décrété une grève pour protester contre ces hausses, Gbagbo a tout de suite pris la mesure du danger. Dans une ville comme Abidjan, le transport urbain est stratégique.

Les moyens de locomotion privilégiés de la population sont les taxis, les wôrô-wôrôs, les gbakas et les autobus de la SOTRA. Il y a une complémentarité entre transports privés et publics de laquelle les Abidjanais sont très dépendants. Un arrêt du parc de tous les types de taxis privés ne peut que paralyser la ville. Le mécontentement des usagers, dans ces conditions, ne pourra que s’amplifier. Il fallait donc vite trouver des contre-feux pour éviter l’embrasement dans le secteur des transports. En conviant ces forçats de la route abidjanaise, méprisés par les forces de sécurité qui les racquettent jour et nuit en son palais, Gbagbo brise à la fois le mythe du dirigeant africain inaccessible, enfermé dans sa tour d’ivoire, et mène une opération de séduction à même de mettre fin au conflit.

Certes, il ne le fait pas de gaité de coeur, mais la pratique dans d’autres pays africains, est de déléguer les ministres et parfois le premier à la tâche d’affronter directement les crises sociales. Ce sont les autres qui ont vocation à aller au charbon. Dans la stratégie du pouvoir ivoirien, le président monte lui-même au créneau. "Quand on discute, on arrive à s’entendre", comme il le dit, est son principe de travail. Naturellement, cette méthode n’a pas que des avantages. Le chef de l’Etat s’expose en cas d’échec de son action. Ainsi, l’affaire du Probo Koala, dont le dossier d’indemnisation a été géré en personne par le président, a connu de nombreux dérapages. Gbagbo et son entourage n’en sont pas sortis indemnes ni grandis.

La Côte d’Ivoire vit une situation socio-politique paradoxale. Alors que le pays sort d’une grave crise, avec une économie exsangue, l’Etat doit à la fois gérer la sortie de crise (désarmement et élections), honorer sa dette extérieure, exercer ses prérogatives intérieures (fonctionnement des institutions, salaires des agents publics, etc). Il y a de quoi se faire des cheveux blancs pour un chef d’Etat peu aguerri. Mais Gbagbo a une longue tradition des épreuves, de la lutte et des grandes manoeuvres, fort de son satut d’ancien syndicaliste et opposant. Cela compte dans l’approche des dossiers, surtout d’ordre professionnel.

Mais les travailleurs, qui ont longtemps serré la ceinture, ont de bonnes raisons de réclamer à leur tour de pouvoir la desserrer, malgré la situation désastreuse des finances publiques et les nombreuses priorités du pays. C’est que le pouvoir a prêté le flanc à l’exacerbation des revendications, en n’ayant pas toujours fait preuve de sobriété. Le train de vie des dignitaires du régime n’a ainsi rien à voir avec le faible niveau du pouvoir d’achat des populations. Le scandale financier dans la filière café-cacao n’est pas fait pour calmer les revendications des syndicats. La plupart des personnes impliquées dans le détournement des fonds de cette filière juteuse sont proches du président Gbagbo. On peut croire que le président a été obligé de les lâcher à cause de la pression des bailleurs de fonds et des producteurs, mais aussi pour créer un rempart autour de sa personne.

Toujours est-il que d’importantes sommes sont en jeu, qui sont allées dans des comptes personnels alors qu’elles auraient pu servir à alléger un tant soit peu le fardeau des salariés. Les syndicats en concluent donc légitimement qu’il y a de l’argent en Côte d’Ivoire et qu’ils ont droit à la part du gâteau. L’ex-syndicaliste Laurent Gbagbo, aujourd’hui de l’autre côté de la barrière sociale en tant que chef de l’Etat, est donc très attendu par les forces sociales. Il n’aura pas d’excuse pour tout faux pas. Son passé le rattrape et l’oblige à gérer au mieux les problèmes des travailleurs.

"Le Pays"

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