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Condamnation de Rhissa Ag Boula : Les "hommes bleus" voient rouge

Publié le jeudi 17 juillet 2008 à 12h41min

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Rhissa Ag Boula était-il en France, en Libye ou avait-il simplement rejoint le Q.G. du Front des forces pour le redressement (FFR, le mouvement dont il se réclame) situé quelque part dans le grand désert malo-nigérien, au moment où la justice nigérienne le condamnait à mort par contumace ?

Nul ne le sait. Toujours est-il que celui qui fut ministre du Tourisme et de l’Artisanat du Niger de 1997 à 2004 était très mobile depuis sa défenestration par suite d’une ténébreuse affaire de meurtre. L’ancien chef rebelle touareg avait été soupçonné d’être impliqué dans l’assassinat d’Adam Amangué, un agent de la Société nigérienne de charbon (SONICHAR), avec qui il disputait la présidence de la sous-section du Mouvement national pour la société de développement (MNSD-Nassara) dans une localité du pays.

Rhissa Ag Boula avait alors, realpolitik oblige sans doute, bénéficié de toutes les faveurs de la justice de son pays, puisqu’il n’a pratiquement pas passé devant les juges, et avait alors été mis en liberté, alors que certains de ses coaccusés croupissent de nos jours dans les geôles nigériennes. Une procédure que de nombreux compatriotes n’avaient pas comprise, du reste, même s’ils se disaient que le "converti" qu’il était saurait toujours le rester, la paix n’ayant pas de prix.

C’était, sans doute, ignorer que la rébellion était son fonds de commerce, tout comme pour bon nombre d’irrédentistes touaregs, qui écument les villes et villages du Niger et du Mali dès lors que les fruits de leurs rapines sont épuisés.

C’est sans surprise donc pour certains que Rhissa Ag Boula est de nouveau sur le sentier de la guerre, arguant que les accords signés en 1995 (Accords d’Alger) entre le gouvernement et la Coordination de la résistance armée (CRA) n’ont pas tenu toutes leurs promesses. Il y a du vrai dans cette dénonciation d’Ag Boula, mais est-ce la solution que de reprendre les armes ?

Les clauses de ces accords prévoient, entre autres, une large autonomie de gestion des zones touarègues et la reconversion socio-économique des rebelles, une sorte de DDR (désarmement, démobilisation et réinsertion) à la nigérienne et à la malienne. Une loi a même été votée par l’Assemblée nationale du Niger, allouant 15% des redevances générées par les sociétés minières aux collectivités locales du sol desquelles est extrait l’uranium. Las !

Embuscades contre des patrouilles de l’armée, des camps militaires et des convois de voyageurs, soldats ou civils sautant sur des mines, touristes rackettés, bref le Niger et le Mali voient resurgir la tête de l’hydre touarègue, qu’ils savaient endormie, mais non neutralisée.

A vrai dire, ce remue-ménage autour d’Ag Boula sous forme de condamnation à mort vient rappeler que la problématique touarègue est bien pendante, n’en déplaise aux autorités du Niger, qui font la sourde oreille, qualifiant les rebelles touarègs de "bandits", au contraire de ce qui se passe au Mali, qui reconnaît leur existence et semble privilégier la négociation.

Exemples : en février 2007, Agaly Alambo lançait des attaques meurtrières contre les forces armées nigériennes ; le 11 mai de la même année, un des signataires des accords d’Alger, Ibrahim Ag Bahanga, se signala par des raids à Tin Zawaten, laissant sur le sol 10 macchabées. Et, si au début, toutes ces actions semblaient isolées, il y a comme une concertation de part et d’autre de la frontière Mali-Niger, fraternité touarègue aidant.

C’est pourquoi que Rhissa Ag Boula appartienne au Mouvement nigérien pour la justice (MNJ) d’Agaly Alambo, ou qu’il roule pour son propre compte à travers son FFR, ce retour semble signifier que non seulement le no mans land commun au Niger et au Mali est une zone rouge, mais aussi et surtout que certains villes et villages des deux pays sont désormais entrés dans la danse de ces hommes en bleu.

D’où une inéluctable nouvelle feuille de route, autant dire de nouveaux accords, qui viendront compléter ceux signés récemment le 4 juillet 2006, mais qui firent long feu, comme on le sait.

Mamadou Tandja et ATT devraient prendre le mal par là racine, en coordonnant leurs actions. D’abord, le premier, général de l’armée (comme le second d’ailleurs), devra cesser de nier l’évidence, car, que ces Touaregs soient des "ramassis de bandits et de trafiquants de drogue" ou pas, une chose est certaine : ils ont déterré la hache de guerre, qu’ils n’avaient jamais enfouie depuis 1990.

Cette réalité acceptée, reste à engager des négociations, tout en arrêtant des actions sur le terrain à travers des patrouilles mixtes, par exemple. ATT l’a peut-être compris, d’où les chassés-croisés militaires, ces derniers jours, entre Bamako et Alger pour trouver une solution à ce mal.

Va-t-on emprunter encore la filière Iyad Ag Ghali, sénateur malien et ancien rebelle touareg très écouté par ses frères ? L’homme avait fait ses preuves, en février 2003, en obtenant la libération de touristes allemands enlevés par le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC).

Ou requérir les bons offices de Mouammar Kaddafi ? Le bédouin de Syrte est souvent accusé à tort ou à raison de tirer les ficelles de ce brûlot depuis sa tente. N’a-t-il pas rencontré lors du Maouloud de 2006, tenu à Tombouctou, les principaux chefs touaregs à Kidal, dont le lieutenant-colonel déserteur Fagaga ? Et ne prétend-on pas qu’il est très influent auprès d’Iyad Agaly ?

Que ce soit grâce aux Algériens, les médiateurs historiques, ou à d’autres nouvelles bonnes volontés, cette rébellion régionale doit être circonscrite rapidement, et de façon définitive. Notamment en créant les conditions d’un retour à la paix, qui, ni ne brimerait les Touaregs ni ne déculotterait l’Etat, qui serait la voie royale ouverte à d’autres rébellions.

Déjà que certaines personnalités maliennes avaient qualifié les Accords d’Alger de ceux "de la honte". Même si les "hommes bleus" voient rouge, mieux vaut manier la carotte de temps en temps.

Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana

L’Observateur

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