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Etats-Unis : Le plus fort n’est jamais sûr d’être toujours le plus fort

Publié le jeudi 17 juillet 2008 à 12h27min

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Crise pétrolière oblige, les Etats-Unis d’Amérique jadis perchés sur leur piédestal de superpuissance électronique et militaire mondiale redescendent sur terre. En tout cas, ils voient leur suprématie contestée par l’Iran qui vient de s’inscrire à l’école de l’arme nucléaire. C’est l’analyse que partage, ci-après, K. Justin Tionon qu’on ne présente plus.
La force a-t-elle changé de camp ?

Les vrais préceptes de sagesse sont ceux qui transcendent les âges. Au plan politique, Jean-Jacques Rousseau a fort pertinemment développé dans « Le contrat social » l’idée que « le plus fort n’est jamais sûr d’être toujours le plus fort s’il ne transforme pas sa force en droit ».

J’ai probablement fait subir à la citation quelques altérations, mais elle n’illustre pas moins à mes yeux la situation actuelle des Etats-Unis dans le monde, singulièrement dans leur lutte contre l’Iran dans la ténacité de ce dernier de se doter de l’arme nucléaire.

Il s’agit là et de toute évidence d’une mauvaise appréciation de l’évolution historique du rôle des Etats-Unis dans le monde. On le sait, ils ont - comme l’Europe- amorcé un processus de déclin depuis le 11 septembre 2001. Un mythe s’est alors effondré et les déterminants de la géopolitique mondiale ne militent plus actuellement en leur faveur ou, à tout le moins, ne maîtrisent-ils plus seuls ces déterminants.

En effet, la crise pétrolière qui fait du monde arabe le nouveau régulateur des pulsions du monde (pour combien de temps ?), la baisse des performances actuelles de l’économie américaine et l’émergence de nouvelles puissances attestent bien du changement d’époque que prévoyaient déjà certains analystes, il y a quelques années. Si fait que les Etats- Unis et ses ouailles d’Europe ne sont plus les seules sources d’influence des relations internationales.

Ces données illustratives de signes ostensibles du déclin des Etats-Unis - le Japon a connu le sien après une grande période de splendeur économique- sont probablement moins spectaculaires que leur déroute dans la lutte contre la prolifération nucléaire. Cette déroute a cependant des causes lointaines et immédiates bien justifiées.

Résurrection de la course aux armements

Habitués, en effet, à dicter l’ordre économique et politique mondial, les Etats-Unis ont globalement eu recours à des procédés et à des choix qui ont créé les pires injustices et frustrations dans le monde. Le grand rôle joué dans le déroulement et la fin de la deuxième guerre mondiale, son essor économique qui s’en est suivi et l’écroulement de l’URSS les avaient installés dans une sorte d’hégémonie sur la scène internationale.
Depuis cette époque, c’est par la force et non le droit que les Etats-Unis ont fait régir les relations internationales, tout le monde y a pris son coup. A commencer par les pays africains dont les difficultés ne font que s’accroître du fait de la pratique des subventions que les Occidentaux dans leur ensemble font à leurs exportations au mépris des règles prescrites par l’OMC, alors qu’ils sont les premiers chantres de l’ultralibéralisme dont on perçoit aujourd’hui les conséquences (la vie chère).

La Russie en a également fait les frais à un moment donné avant son redressement spectaculaire sous Poutine. Suivent enfin les pays arabes dont la plupart - sinon tous - ne se remettent pas des multiples frustrations nées de l’incapacité des Etats-Unis à imposer à Israël le respect des résolutions des Nations unies dans son conflit avec les Palestiniens.

Or, l’Etat hébreu s’est doté depuis longtemps de l’arme nucléaire. C’est le seul atout décisif dont il disposait contre le monde arabe. L’on ne peut dès lors que crier à l’injustice flagrante quand les Etats-Unis s’élèvent contre l’Iran dans ses velléités de se doter de l’arme nucléaire.

Mais c’est peine perdue, les gardiens de la révolution étant prêts à tout, jusqu’aux ripostes contre d’éventuelles attaques américaines. Tant du point de vue du droit, de l’équité ou de l’éthique, l’attitude des Etats-Unis est condamnable. Elle semble procéder du postulat qu’il y a des peuples qui sont assez murs ou intelligents pour posséder l’arme nucléaire et d’autres, notamment ceux de l’axe du mal, qui ne le seraient pas.
Mais si - comme nous le croyons- l’Iran parvient à se doter de l’arme nucléaire, personne ne pourra empêcher l’Arabie Saoudite, la Syrie (même si Sarkozy lui fait les yeux doux dans la construction de l’Union du Maghreb), et l’Irak (s’il retrouve sa stabilité), d’emboîter le pas de l’Iran et ce, pour des raisons évidentes d’influence sous-régionale.
A côté de la Chine, du Pakistan et de l’Indonésie, les puissances émergentes comme le Brésil, forts de leur nouvel essor économique, ne voudront pas non plus rester en marge du nouvel équilibre de la terreur vers lequel le monde est aujourd’hui engagé.
Le pire est-il à craindre ?

A tout bien considérer et sans le savoir ou par maladresse, les Etats-Unis ont ressuscité la course aux armements. Car, dans ce domaine, chacun veut se doter d’une force dissuasive : tu me détruis, je te détruis. Au demeurant, l’Irak semble bien avancé dans ses projets, comme l’attestent les récents tests de tirs de missiles de longue portée. Après tout, la France de Jacques Chirac s’y était entêtée et l’opposition américaine n’a guère dépassé les exigences du conformisme diplomatique.

A force d’être injustes sur la scène internationale, les Etats-Unis et leurs alliés, principalement sous Bush, ont donc inauguré une nouvelle ère pleine d’incertitudes pour l’humanité. Désormais, et sans vouloir jouer aux Cassandres, la troisième guerre mondiale n’est plus à exclure, surtout si l’on intègre dans les paramètres de l’analyse les antagonismes de cultures et de civilisations qui sous- tendent insidieusement les relations entre l’Ouest et le monde arabe. Cette guerre serait alors la plus meurtrière de l’humanité.

La nouvelle course aux armements, dans un contexte de crise économique mondiale, risque d’être accompagnée d’un retour aux autarcies car, et de toute évidence, beaucoup de pays seront bien obligés de se retirer de la dynamique actuelle des relations économiques internationales, en prenant le risque d’exposer momentanément leurs peuples aux pires aspérités comme l’a fait longtemps Cuba.Et revoilà les totalitarismes dans le cadre des révolutions, dont l’échéance pourrait se révéler plus courte que l’on ne peut l’imaginer. Que faire alors ?

Nouvelle ère de stabilité et de paix

A mon avis, l’idée développée par Georges Soros dans son ouvrage intitulé « Le grand désordre mondial », et qui appelle l’émergence d’une société mondiale ouverte, semble être une bonne piste d’exploration. Partant du constat qu’en raison de la mondialisation, le concept de souveraineté des Etats est devenu désuet, il propose le renforcement des compétences des institutions internationales comme l’ONU, l’OMC - et j’en passe - lesquelles devraient être à ses yeux les seules garantes de l’application du droit international.

Malheureusement, de constats récurrents, les Etats-Unis s’opposent systématiquement à toute mesure qui touche à leurs intérêts. Ils continuent de pratiquer les subventions à l’exportation et refusent de ratifier des conventions internationales comme celle de Kyoto, (même si le récent sommet du G8 a enregistré quelques progrès en la matière), alors qu’ils sont prêts à se comporter en gendarmes en exportant des guerres absurdes. L’Irak est pour eux un bourbier comme l’a été le Vietnam, et eux-mêmes ne savent plus comment en sortir, même dans l’hypothèse d’un avènement des démocrates au pouvoir. Ils refusent de s’inscrire dans un programme de retrait de leurs forces.

Face à ce sombre décor d’une politique internationale sans ligne directrice claire, il faut espérer que les Etats-Unis comprennent une fois pour toute et le plus tôt possible que leur déclin dans le monde est en train de s’amorcer. Ils devront donc de plus en plus apprendre à descendre de leur piédestal et à s’asseoir sur le même pied d’égalité que les autres nations dans les différentes plate-formes internationales car, le temps où ils étaient les plus forts est irrémédiablement révolu.

Une telle lecture de l’histoire permettrait au pays de l’oncle Sam de s’engager positivement dans une approche consensuelle des problèmes du monde. De cette attitude émergerait une nouvelle ère de stabilité et de paix dans le monde.
Je ne veux pas illustrer le cas des USA par une pesanteur misérable de certains Burkinabè qui, incapables de tout courage critique, attendent toujours sournoisement la fin des apogées de ceux dont ils sont jaloux pour applaudir dans leur piteuse médiocrité morale. Je veux plutôt souligner la nécessité pour les grands du monde, de définir une nouvelle philosophie des relations internationales. Car, et désormais, les problèmes de chacun deviennent les problèmes de tout le monde, et les problèmes de tout le monde, sont ceux de chacun.

Comme on le voit donc, tant au niveau des relations interpersonnelles qu’au niveau des Etats, « le plus fort n’est jamais sûr d’être toujours le plus fort ».
C’est une grande source de sagesse qui peut épargner à l’humanité les tragédies regrettables qu’elle a déjà traversées.

K. Justin Tionon
Administrateur des Postes
Chevalier de l’Ordre du mérite
Chargé de missions au Conseil supérieur de la communication

L’Observateur

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