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Blaise Compaoré à la Maison Blanche : L’aboutissement d’une diplomatie active

Publié le jeudi 17 juillet 2008 à 12h50min

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Blaise Compaoré et George Bush

Ainsi, après avoir signé, avec la secrétaire d’Etat Condolezza Rice, l’accord entre le Burkina et le Millenium challenge corporation (MCC), Blaise Compaoré a été reçu le 16 juillet en audience, à la Maison-Blanche, par George W. Bush. C’est spontanément que l’on se surprend à s’exclamer : "Enfin !" Car, parmi l’une des rares choses qui manquaient au C.V. du chef de l’Etat burkinabè qui a présidé à peu près tout ce qu’il peut présider, reçu des titres et des distinctions en tous genres, il y avait une réception officielle dans le saint des saints de la politique internationale : la Maison-Blanche.

Jeannine Jackson, ambassadeur des Etats-Unis au Burkina, méritera tous les honneurs et, notamment, d’être élevée à la plus haute distinction du Faso, elle qui, dans un discours récent, n’a pas été avare en éloges à l’égard du président Blaise Compaoré, du Premier ministre Tertius Zongo, de leur gouvernement, relevant avec insistance les progrès dont elle crédite le Burkina en matière de lutte contre la corruption, de pratique démocratique, bref de bonne gouvernance. On peut supposer que, rentrée aux Etats-Unis pour assister à la signature de l’accord entre le Burkina et le MCC, elle aura préparé et cette signature et cet entretien entre les deux chefs d’Etat.

Enfin ! Blaise Compaoré revient de vraiment loin. On a en mémoire la mauvaise réputation du Burkina et les brouilles diplomatiques que cela a entraînées avec l’administration américaine. Il n’est un secret pour personne que l’image de l’Etat burkinabè était associé à celle de l’Etat libyen et de son chef, celui qui était alors le bouillant colonel Mouamar Khadafi.

Il faut par conséquent reconnaître qu’il y a eu, de la part du Burkina, une activité diplomatique particulièrement efficace inspirée et servie par un contexte mondial qui a profondément changé.

Il y a, par exemple, la chute de Charles Taylor et la reconversion de Khadafi qui multiplie les actions tendant à montrer qu’il entend désormais rentrer dans un jeu politique et diplomatique à peu près classique.

Mais pour Washington, Blaise Compaoré n’a pas seulement cessé d’allumer le feu du conflit en Afrique, du Liberia à l’Angola. Il s’est mué en acteur de la paix. Ses interventions dans les conflits ont changé de nature. On sait quel rôle de facilitateur, il a pu jouer dans les conflits touareg qui, depuis des décennies, constituent des sujets de grande préoccupation pour nos voisins malien et nigérien. Son rôle de médiateur a été déterminant dans les progrès enregistrés au Togo, pays secoué par une crise politique qui connut des piques sanglantes. Récemment, les succès de sa médiation dans la crise ivoirienne jetèrent un éclat particulier sur son bilan en tant que président de la CEDEAO.

Et puis, Blaise Compaoré a dû comprendre ce qui ressemble à une évidence : il n’est pas avisé d’être dans le collimateur de l’administration américaine ni de s’y complaire. Les exemples de l’Irak, du dirigeant libyen et, plus récemment, de l’Iran et du général Omar El Béchir illustrent cette vérité à souhait. La France elle-même, bien que soutenue par l’Allemagne et par une opinion internationale largement anti-américaine depuis George W. Bush, a souffert de son opposition flamboyante à la première puissance du monde.

Du reste, comment ne pas voir tout l’intérêt qu’il y a à se rapprocher de Washington dans un monde aussi unipolaire ? On peut prévoir que les Africains vont se tourner de plus en plus vers l’Amérique dans la mesure où l’Europe verrouille ses portes aussi hermétiquement. Pour la recherche scientifique, par exemple, les Etats-Unis sont une destination sans pareille. Il n’y a qu’à voir le rythme de l’émigration des cerveaux européens vers l’Amérique pour s’en faire une idée adéquate. Au-delà de l’image détestable que George Bush a donnée de son pays au monde, au voit les opportunités incomparables que les Etats-Unis offrent sur les plans de la formation, des affaires, de la démocratie, etc.

Tout cela permet de comprendre le réchauffement des relations entre Washington et Ouagadougou qui se traduit par certains faits plus ou moins significatifs comme le reniement de Charles Taylor, le parti pris pour les OGM, le voyage controversé en Irak, la condamnation de Mugabe, etc. On notera aussi la vigueur appréciable de la coopération militaire entre les deux pays, les Etats-Unis assurant la formation des contingents burkinabè de la paix au Darfour. Et même l’activisme renouvelé des agents du Corps de la paix témoigne, autant que l’établissement de relations diplomatiques significatives avec le Rwanda, du changement du climat dans les relations entre Ouagadougou et Washington.

Toutefois, ici encore, il faut dire ce qui s’est dit en France quand Nicolas Sarkozy a amorcé son rapprochement avec l’Amérique. Il ne faut pas que tout cela soit une entente cordiale avec une administration sur le départ. George Bush est en fin de mandat, et l’opinion dont il jouit auprès de ses concitoyens n’est pas particulièrement gratifiante. Il n’y a pas grand intérêt à se commettre avec un pouvoir sur le déclin.

Et surtout, les Américains n’agissent qu’en vue de leurs intérêts bien compris. Et on peut craindre que l’essentiel de leur intérêt pour le Burkina soit la vassalisation diplomatique. La reconnaissance que conquiert Blaise Compaoré ne doit donc se faire au détriment ni de la personnalité, de la fierté, encore moins de l’indépendance du Burkina.

"Le Pays"

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