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Relations internationales : L’UA doit prendre toute sa place

Publié le mardi 15 juillet 2008 à 11h37min

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Les puissances occidentales seraient-elles indifférentes à l’égard des prises de position des instances africaines ? La question reste posée puisque dans la même période, le Conseil de Sécurité des Nations unies et la Cour pénale internationale (CPI) ont passé outre les décisions de l’Union africaine (UA) pour épingler des dirigeants du continent.

La première instance a tenté sans succès de sanctionner les dirigeants du Zimbabwe. Dans le second cas, le Président El Bechir et ses proches sont en voie d’être poursuivis pour génocide, s’agissant de la crise du Darfour. Au-delà de ces messes rituelles que l’Occident s’impose sur l’Afrique, l’on peut se demander quelle est sa perception réelle de l’UA, qui se veut l’incarnation de centaines de millions d’Africains ? Jouit-elle à ses yeux d’une quelconque crédibilité ?

Sans s’appesantir sur le bien-fondé de ces agissements, il faut déplorer que l’Afrique demeure la cible privilégiée d’une frange particulière de la communauté internationale. En revanche, peu ou presque jamais les dirigeants occidentaux ne sont interpellés pour les multiples torts qu’ils causent à l’humanité ou à leurs propres peuples. Le cas échéant, que ce soit en matière d’environnement, d’immigration ou de commerce international, certains d’entre eux usent de stratagèmes alambiqués sinon de la force, pour se dérober. Par contre, il leur est loisible de s’exercer à vouer aux gémonies tout ce qui se réfère à l’Afrique. Sans pour autant marquer de l’empressement à feuilleter des dossiers aussi controversés que ceux de l’impunité, du tripatouillage des Constitutions, du pillage des économies et des injustices du système international, lesquels font pourtant le lit de la vie chère, du sous-développement et parfois de contestations fort violentes.

Mais pourquoi un tel sort à tout un continent ? Entre autres raisons, on peut relever que sa classe politique manque de crédibilité. En effet, la plupart des dirigeants africains sont mal élus, ou sont venus aux affaires par des voies différentes de celles de leurs homologues occidentaux. Ces derniers en général, sont sous le coup d’un mandat limité dans le temps, et dont le renouvellement dépend du bon vouloir du citoyen-électeur. Par ailleurs, les pays du continent agissent toujours en ordre dispersé. Il y a ceux qui siègent en tant que membres de la grande famille des Nations unies. Mais il y a aussi ceux qui sont cooptés pour devenir membres non permanents du Conseil de sécurité. Y a-t-il jamais concertation entre représentants ? La primauté doit-elle être accordée à la défense des intérêts nationaux ou plutôt à celle du continent ?

Il est facile d’imaginer les migraines qui assaillent les dirigeants des pays concernés lorsque surviennent des cas aussi cornéliens que ceux du Darfour et du Zimbabwe. Surtout que ce manque de cohésion le dispute au manque de représentativité. Triste illustration : les tiraillements auxquels s’adonnent les pays africains lorsque vient le moment de désigner un ou quelques représentants au sein des instances internationales. Faut-il alors respecter le statu quo actuel au risque de voir un jour certains pays vendre leur âme aux Occidentaux, sans fierté, sans orgueil, sans dignité ? Ou est-il devenu pertinent de déléguer au Conseil de sécurité un représentant de l’Union africaine qui siégera au nom du continent ?

Chaque jour en effet, le risque de se voir manipuler par les puissances prend des proportions alarmantes. Les diplomates représentant leur pays étant en général des fonctionnaires, ceux-ci sont susceptibles de céder aux pressions et pièges des lobbyistes, ou même d’agir de façon inadéquate face à des enjeux qui dépassent les seuls intérêts d’un pays. Le fait de privilégier la défense des intérêts nationaux peut paraître légitime. Il n’empêche que de plus en plus, les peuples africains expriment le désir ardent et tout aussi légitime de se faire entendre d’une seule voix .

A cet égard, la position actuelle du Burkina Faso devient inconfortable, pour avoir agi dans le sens souhaité par les puissances occidentales et donc favorisé la prise de sanctions à l’encontre des autorités du Zimbabwe. On se rappelle la décision unanime des chefs d’Etat membres de l’UA lors du récent sommet de Sharm El Sheck de privilégier la voie du dialogue plutôt que celle des sanctions à propos du Zimbabwe. On comprend difficilement la décision des autorités burkinabè surtout après le passage remarqué du ministre zimbabwéen des Affaires étrangères la semaine dernière à Ouagadougou. Il est vrai qu’enfin, après d’intenses et patientes démarches, la délégation présidentielle burkinabè est attendue prochainement aux Etats-Unis pour y signer une convention d’environ 200 milliards F CFA. Il est tout aussi vrai que le Burkina a toujours privilégié une diplomatie qui rapporte au plan du développement. Reste que la position affichée lors du vote-sanction au sein du Conseil de sécurité, est susceptible de fragiliser sa position de pays leader dans les actions de médiation.

L’Afrique ne parle donc pas d’une seule voix. L’émiettement des forces et le manque de cohésion dans la défense des intérêts légitimes des peuples du continent, profitent aux manipulateurs qui usent des instances internationales comme de leurs instruments.

La dualité entre l’UA et les Nations unies du fait de la forte influence des Occidentaux pose le problème de l’élargissement du cercle du Conseil de sécurité. Elle confirme aussi l’urgence de réformer l’institution afin qu’elle serve davantage les intérêts de l’ensemble de la communauté internationale. Difficile d’admettre que des structures dont l’Afrique est membre, foulent aux pieds ou ignorent les décisions prises de commun accord, parfois à l’unanimité des dirigeants du continent, fûssent-ils des prédateurs des libertés et de la démocratie. Aux dirigeants africains et à l’UA de s’assumer pour que cesse ce jeu qui détruit l’image du continent. Diplomate chevronné, le Gabonais Jean Ping, nouveau Secrétaire général de l’UA est donc interpellé.

Les grandes puissances notamment occidentales, doivent laisser l’initiative aux Africains, respecter leurs décisions. Les Africains qui connaissent leurs pays et leurs dirigeants, sont mieux placés pour défendre leurs intérêts. S’agissant en particulier du Darfour, l’opinion africaine a du mal à comprendre pourquoi la communauté internationale traîne les pieds à propos du financement et de l’équipement des forces internationales coalisées et se montre empressée de voir la CPI mettre la main sur le président soudanais. D’autant que jour après jour, ce sont des soldats africains qui s’écroulent sous les balles de ceux qu’ils sont venus protéger et encourager à faire la paix.

Il est temps que l’UA se renforce et prenne sa place partout où les intérêts africains sont en jeu. Il importe surtout qu’elle se fasse entendre et qu’elle exige le respect des décisions prises par ses instances. L’organisation panafricaine doit travailler à s’imposer devant les instances internationales pour ce qui est des dossiers africains. Au plan interne, elle doit s’appuyer sur la société civile pour promouvoir et défendre les droits humains, l’alternance démocratique et le respect des libertés sur tous les plans. Ce faisant, l’UA oeuvrera au renforcement de l’unité effective du continent, à la défense de la personnalité africaine et au rapprochement des peuples.

"Le Pays"

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