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Pierre Tapsoba, refondateur du CDP : "Nous n’allons pas nous laisser faire"

Publié le vendredi 11 juillet 2008 à 12h39min

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Pierre Tapsoba

Suite à leurs écrits parus dans la presse dénonçant la gestion du Congrès pour la démocratique et le progrès (CDP), les anciens responsables de la Convention nationale des patriotes progressistes (CNPP) ont été suspendus des organes, instances et structures de leur parti. Sont de ceux-là : Pierre Tapsoba qui brise le silence en solitaire pour se défendre en indiquant que lui et ses camarades ne se laisseront pas faire dans ce bras de fer.

Vous faites partie des suspendus du CDP. Comment vivez-vous cette situation ?

• Tous ceux qui sont au fait de l’histoire politique de notre parti savent que ce n’est pas la première fois que Pierre Tapsoba et ses camarades sont suspendus. Par souci de stabilisation de la situation nationale, nous avons accepté d’être membres du Front Populaire. Mais au bout de quelques mois, nous avons subi des récriminations qui sont presque identiques à celles que nous subissons actuellement. Un homme politique qui a le courage de défendre ses idées doit être prêt à affronter des situations comme celles que je vis.

En avez-vous été surpris ?

• Cela ne nous a pas surpris dans la mesure où tout ce que nous disions dans nos écrits nous poussaient à croire que dans le traitement de notre cas, il n’y aurait pas de considération véritablement démocratique. Nous avons dénoncé le manque de démocratie interne et le fait que les textes qui régissent le parti n’ont pas été respectés. Dans ces conditions, rien ne peut nous surprendre.

Il semble que lors des dernières législatives par mesure de rétorsion, vous avez battu campagne pour l’opposition. Qu’en est-il ?

• Membre du Bureau exécutif du CDP et ayant posé des actes dans ma province que rares de personnes ont posés, je n’ai pas été retenu sur la liste ; ce qui a étonné plus d’un. J’ai rencontré le président du parti, Roch Marc Christian Kaboré, pour lui signifier que face à la situation, je ne pouvais pas battre campagne. J’ai été informer les militants au Ganzourgou. Mais il se trouve que dans mon village, les populations ont dit que puisque la direction du CDP soutient que je ne suis pas populaire, elles vont voter pour quelqu’un d’autre afin de montrer au parti que je compte pour elles.

Et si vous vérifiez les chiffres, vous verrez que c’est uniquement chez moi que les gens n’ont pas voté pour le CDP. Si j’avais battu campagne, ça aurait fait tache d’huile. Je ne peux pas empêcher les électeurs de mon village de se comporter comme ils l’entendent. C’était un sursaut d’orgueil à un moment donné. Après cela, ils se sont comportés en militants du CDP.

La direction du CDP vous a suspendu. Comptez-vous faire amende honorable pour être réinséré dans les rangs ou allez-vous continuer le bras de fer ?

• Je suis connu comme un antimarxiste viscéral. Sous le Conseil national de la Révolution (CNR), c’est peut-être ça qui m’a valu mon licenciement de la Fonction publique sans droit et sans pension après 19 ans de service. La direction du parti dit de faire une autocritique. Je ne connais pas ce vocabulaire même si le dictionnaire existe pour s’y référer. Je suis opposé à une façon de conduire des hommes et à une idéologie.

Dans nos écrits, nous avons souligné que nous assistons à un retour vers des méthodes de gestion du parti des régimes marxistes et on nous offre sur un plateau d’argent la preuve que ce que nous disions est fondé. D’ailleurs, quel genre de régime parle d’autocritique si ce n’est le régime marxiste ?

Je n’ai pas d’amende honorable à faire. Il faut d’ailleurs qu’on nous dise le secteur de l’autocritique. Est-ce sur le fond de nos écrits ou sur la forme, ou c’est le fait que lesdits soient parus dans la presse ? Si c’est la forme, il faut alors qu’on nous fournisse la preuve que nous avons volontairement produit le document à la presse. Car, nous ne sommes pas sous un régime d’exception où c’est l’inculpé qui doit apporter la preuve de son innocence. Nous sommes dans un régime de droit et c’est l’accusateur qui doit apporter la preuve de la faute de l’accusé.

Ne craignez-vous pas d’être congédié du parti ?

• Nous avons engagé une lutte pour défendre des points de vue. Nous savions, comme certains l’ont dit dans la presse, que c’est le combat de David contre Goliath. Mais si l’histoire se répète, on ne sait pas qui va gagner ou perdre. Nous disons simplement que peut-être, je dis bien peut-être, nous avons commis des erreurs, mais que la direction aussi en a commis. S’il y a amende honorable à faire, cela doit être de part et d’autre.

Avez-vous le sentiment d’avoir été utilisé comme du clenex ?

• Tout homme politique doit se dire que le combat politique est très sévère. Ou vous êtes fort et vous progressez normalement ou vous êtes faible et on vous marginalise. Lorsque je parle de force et de faiblesse, ce n’est pas tant la représentation, mais l’inféodation à tel ou tel responsable du parti. Nous savons que la fusion d’un certain nombre de partis avec l’ODP/MT pour former le CDP allait poser un certain nombre de problèmes parce que l’ODP est issue d’un régime d’exception et surtout d’un système marxiste qui avait utilisé donc des méthodes marxistes pour bien s’implanter.

Mais, nous nous disions qu’au-delà d’un certain nombre de responsables du parti, il y avait un homme que nous avions commencé à apprécier pour ce qu’il faisait : le président Blaise Compaoré. Nous nous disions que son soutien mérite quelques risques et sacrifices. Nous savions donc qu’un jour ou l’autre, on allait essayer de nous jeter comme du clenex usé, mais nous n’allons pas nous laisser faire.

D’aucuns disent que c’est parce que vous n’êtes plus aux affaires que vous dénoncez aujourd’hui le fonctionnement du parti sur tout.

• On dit aussi que nous sommes membres de la direction du parti et que nous n’avons jamais posé les problèmes. Cela dit, sous le Front Populaire, en 1991, après le vote de la Constitution, un gouvernement d’union nationale a été mis en place. La CNPP avait eu l’honneur de se voir attribuer trois ministères dont un gigantesque, plus grand que celui de l’Agriculture et des Ressources halieutiques qu’on considère aujourd’hui comme un mégaministère : l’Equipement, les Transports et la Communication que je dirigeais, l’équivalent de trois ministères dans l’actuel gouvernement.

Mais pour des considérations d’ordre politique, nous avons rendu notre démission moins de trois mois après parce qu’il y avait une incompréhension sur la période de l’organisation de ce qu’on avait appelé le Forum de réconciliation nationale. Des gens qui avaient fait des années de licenciement qui démissionnent d’un si grand ministère ! C’est pour dire que nous ne travaillons pas pour des postes.

En outre, en 1999, lorsqu’on m’a fait revenir au gouvernement, j’ai, dans une interview réalisée en 2000, dénoncé ce qui se passait au CDP. J’ai dit textuellement ceci : "Le classisme va tuer le CDP". J’étais toujours aux affaires. Dans la même année, les mêmes qui ont été suspendus ont envoyé un mémorandum pour dénoncer la façon dont le parti était géré. On nous a promis que les choses allaient changer.

En 2003, Emile Kaboré aussi a écrit au parti pour dénoncer les attitudes antidémocratiques. En 2005, en pleine campagne électorale, alors que j’étais chargé de la coordination des partis de la mouvance présidentielle, j’ai, dans une interview parue dans votre journal, dénoncé certaines choses. Le groupe est aussi allé dans le même sens, dans le but de faire avancer la démocratie au sein du parti. A l’époque, Mathieu Ouédraogo était ministre.

Donc, même étant aux affaires, nous avons toujours tiré sur la sonnette d’alarme sans avoir peur que cela ait des répercussions sur les postes que nous occupions. Le CDP ne peut pas dire que nous n’avons jamais posé les problèmes au niveau de sa direction.

Entre nous, pensez-vous déjà à la création d’un nouveau ou à un autre point de chute dans un autre parti ?

• Beaucoup de personnes du parti viennent nous dire que ce que nous dénonçons, c’est la vérité. Mais pour certaines considérations, ces personnes ne peuvent pas étaler au grand jour ce qu’elles nous disent en aparté. Nous sommes toujours du CDP. Si un jour, on nous dit de foutre le camp, ce n’est pas le microscome politique qui est vacuolaire. Il y a toujours la possibilité de faire la politique dans ce pays.

Pour la création d’un parti, je ne vais pas devancer l’iguane dans l’eau. Attendez qu’on nous vide du parti. Dans tous les cas, nous sommes prêts à nous battre pour qu’on ne nous vide pas, qu’on sache que les gens approuvent ce que nous disons. Si le CDP ne veut pas se désintégrer rapidement, il faut qu’il prenne conscience que ce que nous disons est vrai.

D’ailleurs, la direction du parti n’a jamais rejeté cela. Seulement, elle nous reproche de n’avoir pas lavé le linge sale en famille. Mais si pendant des années, le linge sale se lave en famille et il n’est toujours pas propre, il est important, que l’opinion publique en soit témoin.

Entretien réalisé par Abdoul Karim Sawadogo

Adama Ouédraogo Damiss

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