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Baudelaire Mieu, président du Collectif ivoirien vérité Guy André Kieffier : "Notre mouvement ne peut pas être récupéré politiquement"

Publié le jeudi 10 juillet 2008 à 09h09min

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Représentant de la Voix de l’Amérique en Côte d’Ivoire et journaliste à Jeune Afrique, Baudelaire Mieu est le président du Collectif ivoirien vérité Guy André Kieffier. Présent au Burkina Faso dans le cadre du Festival ciné droit libre où un certain intérêt a été réservé au dossier Guy André Kieffier, Baudelaire Mieu était dans notre organe où nous l’avons rencontré. Il présente son mouvement et donne son point de vue sur l’affaire Guy André Kieffier.

Sidwaya (S). : Pourquoi le collectif ivoirien vérité Guy André Kieffier ?

Baudelaire Mieu (B.M.) : Le Collectif ivoirien vérité Guy André Kieffier est né en mi-mars 2008 en Côte d’Ivoire par la volonté de ma propre personne et de certains de mes confrères journalistes en Côte d’Ivoire de tout bord confondu. Nous avons des journalistes d’organes proches du pouvoir comme on le dit chez nous la "presse bleu", des journalistes d’organes proches de l’opposition,
des confrères indépendants et des journalistes de la presse internationale qui nous aident dans notre combat afin de faire éclater la vérité sur l’affaire Guy André Kieffier. C’est un dossier qui, de mon avis, interpelle tous les journalistes de la Côte d’Ivoire toutes tendances confondues parce que cette affaire concerne un journaliste et si nous-mêmes qui sommes dans la même composition ne prenons pas le problème à bras-le-corps, ce n’est pas d’autres personnes qui le feront. Je profite de l’occasion pour saluer la réceptivité de l’Union nationale des journalistes de Côte d’Ivoire qui nous apporte son soutien.

S. : Le sens et l’objet de votre revendication, au vu de la complexivité de l’affaire et des personnes citées, n’a-t-il pas des fins politiques cachées ou inavouées ?

B. M. : Lorsque nous avons créé le Collectif, la question de la récupération politique était notre première inquiétude. On le sait, quand un besoin se crée, des opportunités apparaissent également. De ce fait, notre action au regard de sa portée aurait pu servir d’intérêt politique à certaines personnes. C’est une affaire dont on dit que ça dérange le pouvoir à Abidjan, ce que dément le président Laurent Gbagbo. Il a toujours dit haut et fort qu’il n’a jamais connu Kieffier. Donc, pour lui ce problème ne le dérange pas dans la mesure où lui président de Côte d’Ivoire n’a rien à voir avec cette affaire. Pendant ce temps, on a d’un côté l’opposition qui peut à tout moment vouloir récupérer le mouvement pour servir ses intérêts. On s’est donc mis au-dessus de toute ces considérations. C’est pour cela que pour faire fonctionner notre collectif nous nous préfinançons à travers une cotisation des membres. De temps en temps aussi, je mets la main à la poche parce que Guy André Kieffier était un ami, un père spirituel. Il a été pour beaucoup dans ma formation de journaliste et mes rapports avec lui à Abidjan n’étaient ignorés de personne. A ce niveau, notre mouvement ne peut pas être récupéré politiquement parce que l’essence même de notre mouvement est la "vérité" . Or, quand un mouvement de la sorte est récupéré politiquement ce n’est pas la recherche de la vérité, mais plus des règlements de compte. Cela ne serait jamais possible tant que nous nous donnons les moyens pour éviter toute dérive des actions de notre collectif.

S. : Les conditions de liberté et de sécurité en Côte d’Ivoire vous permettent-elles de mener vos actions en toute souveraineté ?

B. M. : Je vais être franc, il n’y a jamais de sécurité à 100%. Mais nous n’avons pas peur dans la mesure où nous n’avons rien fait d’illicite. Je voudrais vous rappeler que la liberté d’association est une chose qui est garantie par notre constitution. On a aucune crainte. Il y a quatre (4) ans, en plein feu de l’affaire Guy André Kieffier, on a eu quelques menaces. Mais on ne peut pas attribuer ces menaces au pouvoir parce qu’on était dans une période de crise en Côte d’Ivoire où plus rien n’était contrôlé, où tout ce qui était anormal était devenu normal. Avec la résolution prospective de la crise on s’est acheminé vers une certaine maturité des uns et des autres.
Depuis que nous avons créé notre Collectif, nous n’avons reçu aucune menace, ni pression, ni un coup de fil de qui que ce soit. Au contraire, il y a un certain engouement vis-à-vis de notre mouvement. Il y a des gens qui appellent pour nous féliciter, des gens proches et très proches du palais d’Abidjan. En Côte d’Ivoire à vrai dire, il y a la liberté de la presse. Quelquefois, il peut y avoir des dérives ; ce qui est normal dans tout système.Souvent il y a des journalistes qui sont convoqués par rapport à des articles qui gênent certaines personnes mais il y a toujours une chaîne de solidarité. Même la Commission nationale de la presse qui régule l’information et rappelle les médias à l’ordre a toujours assisté les journalistes en difficulté. La liberté de la presse existe je le répète en Côte d’Ivoire et cela dénote de la pluralité et des expressions des médias dans ce pays. Nous avons une centaine de journaux. Les quotidiens, on en a à peu près dix-sept.

S. : Quelles sont concrètement les actions que vous menez ?

B. M. : Nous avons dans un premier temps essayé d’avoir une synergie avec les autres mouvements de soutien à Paris. Nous sommes en contact permanent avec "Otage du monde" qui est une association qui s’occupe de tous ceux qui sont en otage dans le monde et qui a été créé à l’occasion de l’enlèvement d’Ingrid Betancourt qui vient d’être libérée en Colombie et un certain nombre d’autres associations.
En terme d’actions, puisque le mouvement, a été créé seulement en mars, on s’est donné le temps d’informer les autorités de l’existence d’un Collectif ivoirien, Guy André Kieffier constitué quatre (4) ans après la disparition du journaliste. Ensuite on a fait des communiqués de presse pour rappeler à nos autorités qu’il faut une synergie avec le gouvernement français pour faire aboutir le dossier. Cela y va de l’image de marque de la Côte d’Ivoire. Nous avons ensuite fait une campagne d’affichage dans les journaux ivoiriens pendant une semaine, du 16 au 22 avril.
Nous sommes en train de nous organiser pour demander des audiences avec le président Laurent Gbagbo, le Premier ministre Guillaume Soro, le ministre de la Communication, le ministre des Affaires étrangères, le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, le ministre de la Justice, l’ambassadeur de France, l’ambassadeur du Canada (…), à tous ceux qui suivent ce dossier. Je suis heureux qu’il y ait aujourd’hui des rebondissements, une évolution par rapport à l’enquête. Je vous informe que dans les jours prochains, le procureur de la République près le Tribunal de première instance d’Abidjan organisera une conférence de presse sur le dossier Guy André Kieffier parce que cela fait l’objet d’une commission rogatoire internationale. Cela est très appréciable et nous ne pouvons qu’encourager l’initiative. De notre côté, nous allons nous battre pour que ce dossier aboutisse. Cela y va aussi de l’intérêt des journalistes pour nous permettre de travailler dans de bonnes conditions si le dossier Guy André Kieffier n’aboutit pas, cela voudrait dire qu’il existe un crime parfait alors que l’histoire a toujours démontré qu’il n’existe pas de crime parfait.

S. : A quel stade se trouve actuellement l’évolution de ce dossier et selon vous, pourquoi le dossier n’avance-t-il pas rapidement ?

B. M. : A un certain moment, on avait brandi le motif de manque de volonté politique parce que d’aucuns avaient qualifié le dossier Guy André Kieffier d’une affaire d’Etat. Toutes les personnes citées dans l’affaire ne sont pas des citoyens lamda. Il y a des anciens ministres qui sont cités, des ministres en fonction, des proches du président, l’épouse du président et même en France. Mme Nathalie de Lapam qui était à l’époque conseiller Afrique au Quai-Dorsay du temps de Michel Barnier, Bruno Gilbert qui était directeur Afrique au Quai-Dorsay maintenant à l’Elysée comme conseiller diplomatique, on a l’ancien ambassadeur en Côte d’Ivoire actuellement à Madagascar… Tout cela rend le dossier très complexe. Il y a eu un certain moment où l’enquête était bloquée. Mais avec le dernier voyage du ministre français, Kouchner en Côte d’Ivoire, le dossier a été relancé. M. Kouchner dans sa déclaration à la presse a révélé avoir évoqué la question avec le président Laurent Gbagbo, ce dernier avait promis de relancer l’enquête. Chose qu’il a tenue puisqu’il y a des magistrats ivoiriens qui sont allés en France rencontrer les différentes parties civiles à savoir la famille de Guy André Kieffier, Reporter sans frontière (…). Des magistrats ivoiriens ont également auditionné des témoins-clés comme Berthé Seydou. Le dossier est relancé et nous demandons par ailleurs aux gouvernements ivoirien et français d’accentuer leur coopération par rapport à ce dossier et d’afficher beaucoup de détermination. Quatre ans, c’est peu mais c’est beaucoup. Il est temps que la famille, les amis et (…) soient libérés puisqu’aujourd’hui on ne sait pas ce qu’il y a eu pour entraîner sa disparition. On peut donc faire des supputations. Il est inconcevable que quelqu’un disparaisse en pleine journée, pas la nuit dans un parking fréquenté. Un individu qui de surcroît est un journaliste ; c’est triste et cela devrait interpeller tous les journalistes ivoiriens parce que ça peut arriver à tout le monde. C’est pourquoi j’exhorte tous les amis journalistes qui n’ont pas encore rejoint le collectif de le faire parce que l’objectif, ce n’est pas d’emmerder Gbagbo ni qui que ce soit. Notre démarche est de lutter pour l’éclatement de la vérité. Les autres considérations, on en fait fi. Les choses avancent et je profite de l’occasion pour saluer le président Laurent Gbagbo d’avoir permis à la justice ivoirienne de relancer le dossier même si à un moment il a eu des positions tranchées en déclarant que ce n’est plus son affaire. Il est revenu à de meilleurs sentiments et ce qui est intéressant c’est que la justice ivoirienne a demandé aux parties civiles de venir se constituer en partie civile en Côte d’Ivoire. On salue cette initiative et nous souhaitons que lorsque le juge Ramaël c’est-à-dire l’un des vice-présidents du Tribunal de grande instance de Paris en charge de l’affaire reviendra à Abidjan pour enquêter, il pourra entendre toutes les personnes mises en cause quel que soit leur statut.

S. : Avez-vous un message particulier à lancer ?

B. M. : Je dis merci aux Editions Sidwaya pour la promptitude avec laquelle elles nous ont reçus afin que l’opinion burkinabè ait une idée sur notre collectif et soit empreinte de cette affaire. Nous n’indexons pas de coupable prédéfini. Tout ce que nous recherchons, c’est l’aboutissement et l’éclatement de la vérité par rapport à cette affaire.

Antoine W. DABILGOU
email : negro1er@yahoo.fr

Sidwaya

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